Il pleut. Les gouttes tombent du ciel pour frapper le sol poussièreux et le marbre froid du cimetière. L'eau remplit le trou béant dans lequel va- t -être entreposé ce cercueil. 

Une boite de sapin voilà la finalité de la vie. Mais une jolie boite, de bois marqueté, reluisante, fière d'accueillir le meilleur des hommes. La plaque d'or vissée sur le coffre de bois porte son nom. 

Vassili Carpetiento. Le monarque de mon coeur.

 La sonate au piano s'élève dans un accord parfait avec la pluie. Je m'avance, ma robe bruissant dans la poussière. La traîne mousse sur le sol, le tulle vibre sous mes pas. Mes pieds chaussés d'escarpins noirs tremblent quand ils s'avancent pendant que je passe ma main blanche sur ma taille. La robe me serre à cet endroit avant de s'évaser. Ma poitrine qui devrait être secouée de sanglots est moulée dans l'étoffe, le bustier la m'étant en valeur. Les mèches noires qui s'échappent de mon chignon tombent sur ma gorge diaphanes. 

Ils disaient tous que ce serait le plus beau jour de ma vie. 

Oui je m'avance vêtue d'une belle robe vers l'homme que j'aime mais la robe est noire comme mon reste d'âme et mon amour comme mon cœur est mort. 

Et c'est moi qui l'ai tué. 

Je porte deux doigts à mes lèvres puis les pose sur le cercueil dans un dernier baiser funeste.