3. Le jardin des langues

Le pont ne craqua pas sous mon poids. Le bambou se montra assez solide. Malgré les branches attachées entre elle sommairement, le pont était solide et les branches ne se séparaient pas. C'était bon signe.
Ce qui était un peu plus inquiétant, c'était qu'en dessous du bambou, il y avait le vide. Il devait être si profond que je n'en voyais pas le fond. Ce n'est qu'un rêve... Pourtant je me sentais aussi réveillée qu'en pleins jour. Je me pinçai l'épaule en fermant les yeux, m'attendant à ce que je me retrouve dans mon lit. Mais lorsque je rouvrit les paupières, j'étais toujours en face du vide, à côté du pont qui paraissait fragile.
J'ignorai le vide pour me concentrer sur la requête de la cochonne. Je dois donc aller au jardin des langues! Je me dirige d'un pas décidé sur le sentier bleu. Il était en effet de la même couleur que le ciel. La terre battue était étrangement colorée en bleu clair. La terre bleue, ça doit être normal pour les fous. Et je suis folle donc ça doit être normal pour moi.

Je marchais donc sur le chemin bleu en direction du jardin des langues. Je n'avais rien à faire pendant cette ascension, alors je regardais le paysage autours de moi. Il y avait des arbres, beaucoup d'arbres. Ils étaient tous pareils. La seule chose à laquelle je les différenciais, c'est leurs fruits, qui pendaient aux branches basses. Il y avait des fruits en forme de rond parfait complètement jaunes et couvert de verrues. On pouvait aussi apercevoir des framboises aux ronds multicolores et même des pièces d'or dans un arbre!
J'arrivais à un portail qui me sortit de mes rêveries. Il était en bois et peint en blanc, et quand je le poussai pour entrer, une écharde se planta dans ma main. Je grognai de douleur et la retira avec mes ongles. Une goutte de sang sortit de ma paume et tomba sur la pelouse. Et à l'endroit même où était tombé la goutte, une ronce plutôt petite poussa.
Elle était effrayante, avec ses piques rouges. Elle s'entortillait comme pour enfermer quelque chose. Je contemplais la ronce, quand un pingouin en smoking m'interpella.
«Bonjour et bienvenue au Jardin des Langues. Que puis-je faire pour vous?»
Ça vois était grave et son ton solennel. Je n'hésitai pas un instant de formuler ma requête ainsi.
«Je viens pour chercher des langues soufflées. Vous avez ça?
- Oh mais bien sûr, mademoiselle! s'exclama-t-il tout excité. C'est la spécialité de la région! C'est sur place ou à l'emporté?
- Oh et bien je préfères à l'emporté, c'est une course pour une... Amie

Il m'invita à le suivre sans me poser plus de questions. Il y avait d'autres personnes qui se baladaient dans les jardins. Des animaux, des créatures dont je ne pouvais donner un nom, et des personnes comme moi.
Des adolescents, des adultes et même des personnes âgés, hommes et femmes. Des gens de toutes sortes se réunissaient. Bavardants et rigolant ou se frappant et s'injuriant. Avec des têtes différentes et j'entendais même, si je me concentrais un peu, ses personnes parler des langues différentes.
Je reconnais l'un d'eux... C'est Marc! Le meilleur ami de mon frère, Harlan. Je m'excuse envers le pingouin avant de courir vers lui.
«Marc? C'est toi? lui dis-je.
- Oui, dit-il avec un grand sourire. Comment va ton frère?
- Heu...je ne sais pas.»
En réalité, je n'arrive pas à réfléchir, mais je l'ignore également. Il se force à sourire devant moi, mais ses yeux sont tristes.
«Tu n'étais pas censé être mort? le questionnai-je.
- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles! s'exclama-t-il.»

Je ne peux pas lui poser plus de questions car le petit oiseau serveur qui m'a rattrapé s'impatiente et me tire vers lui. Je ne peux tout de même avoir l'impolitesse, après lui avoir demandé de m'aider, de l'envoyer bouler. Je dis donc rapidement aurevoir à Marc et suis le Mr Pingouin. Il m'emmena à un stand à pop corn où s'entassaient des langues, comme l'on peut s'y attendre. Enfin non, pas dans la vraie vie, mais vu ce que je suis venue chercher, disons que oui.

Il prend une boîte en polystyrène et y met déjà quelques langues.
«Ça vous va ou il vous en faut plus?»
J'essaie d'imaginer la vieille cochonne. Il lui en faudrait beaucoup plus pour exploser.
«C'est pour une amie très gourmande et affamée... Je pense que vous pouvez avoir la main lourde.»
Il acquiesce et sourit, bien que ce soit compliqué à discerner sur un pingouin. Puis il me donne plusieurs boîtes dans un sachet en papier. Il est tellement lourd que je faillis en tomber par-terre lorsqu'il le lâche. On dirait pas, mais c'est costaud ces petits oiseaux.

Je le remercie en lui serrant l'aile qui est douce et chaude, à ma grande surprise. Puis je repars vers le portail qui... A changé de couleur. Il était rouge, ce qui n'était pas du tout assortis au sentier bleu derrière. Lorsque j'allais poser la main dessus pour sortir, comme toutes personnes normales (mais n'oublions pas que je ne suis pas normale, je suis folle), quand une main poilue m'intercepta.
«Non! La peinture n'est pas sèche! s'exclame un petit singe qui se pose devant moi.»
Il a une voix aiguë et n'arrête pas de gigoter, il bouge, saute, s'entortille jusqu'à me donner le tournis.
«Mais, je dois aller donner des langues soufflées à la grosse cochonne pour pouvoir rentrer chez moi avant que mes parents ne se réveillent et ne voit que je suis dans le placard sous l'escalier...
- Pas de mais! La peinture n'est pas sèche et la reine veut qu'elle soit parfaite pour son entrée dans le jardin!»

La reine? Je n'aurais jamais pensé que le monde du placard sous l'escalier ne soit gouverné par une reine. Je l'espère cordiale, juste et belle. Toutes les reines qui se doivent le sont.

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