2. Une grande caverne

Mes pieds sont gelés, de même de mes mains. Je les serre fort contre mon cœur pour les garder au chaud. Le vent me fouette le visage que le froid rend rouge. Mes joues me piquent et mon nez coule. Ça sent fort la poussière et l'humidité. J'arrive dans une grande cavité circulaire avec plusieurs chemins qui s'offrent à moi. Où poursuivre mon chemin? Je m'avance vers l'un d'eux quand j'entends quelqu'un qui m'interpelle.

«Tu es perdu, jeune fille?»

Je sursaute et me retourne sur un énorme cochon avec un chapeau de paille orné d'un ruban vert et un gilet assortis. J'ouvre grand la bouche mais la referme aussitôt en me bouchant le nez, écœurée par l'odeur de transpiration que dégage l'animal plus grand que le couloir dont je viens.

«Oui, vous pouvez m'aider? dis-je le nez toujours bouché.
- Bien sûr que non, s'exclame-t-elle pour mon plus grand malheur. Mais je connais quelqu'un qui le peut!
- Ah bon? Vous comptez me dire qui? je l'interroge.
- Un conte? Pourquoi devrais-je te raconter une fable?
- Mais je ne veux pas que vous me racontiez une fable! Dites-moi qui peut m'aider? Ou sinon je peux retourner sur mes pas... Il faudrait juste que vous vous décaliez... soufflai-je.»

Elle gigote et je crois qu'elle tente de s'enlever mais elle n'arrive pas à se hisser sur ses petites pattes. Mais elle ne bouge pas d'un poil, me bouchant le passage. En me penchant sur le côté, le mur collé à sa peau rose couverte de petits poils blancs me le confirme. Je grimace de mécontentement.
Elle me toise avec dédain et ajoute:

«Je peux partir si tu me rend un service.
- Lequel? m'étonnai-je.
- Si tu va me chercher un panier de langues soufflées.
- Qu'est-ce donc?! m'exclamai-je.
- Et bien ce sont des langues comme la tienne -qui est plutôt jolie d'ailleurs et qui aurait un bon goût avec une sauce aux champignons- et dans lesquelles on souffle avec un soufflet ou une paille mais avec son souffle pour les faire gonfler. Après quand on les mange elles sont bien tendres.»

Je fit une grimace de dégoût avant de mettre ma main sur ma bouche, comme pour protéger ma langue. Heureusement qu'elle ne bavait pas car je me serait attendue à ce qu'elle me saute dessus pour me dévorer l'intérieur de la bouche.

«Va par ce chemin, me dit elle avait un signe du groin en direction de la gauche. Tu pourras arriver aux jardins des langues. Tu auras de quoi me donner assez à manger pour que j'explose. Le passage sera à nouveau à ton accès.»

Sans demander mon reste, je me précipite dans le tunnel en courant. Le fond de la grotte devient de plus en plus humide et le vent froid relève ma jupe que je retiens de mes petites mains fragiles. Je commence à marcher dans des flaques et le niveau de l'eau m'arrive aux chevilles. Mes pieds ont si froid que je ne sens plus la roche coupante. L'eau monte, monte, monte jusqu'à ce que le bas de ma robe de nuit soit mouillé. Je la soulève de quelques centimètres comme les princesses dans les contes de fées. Elles soulèvent leurs jupes pour pouvoir marcher sans les déchirer avec leurs talons hauts.

Cendrillon faisait de même. Mais elle avait perdu sa chaussure de vair. Blanche-Neige, dans sa forêt monstrueuse, avait aussi dût retirer sa jupe de ronces ou de buissons, mais elle, elle avait perdu sa crédibilité.

Je continuais d'avancer, avec plus de peine à cause du niveau de l'eau mais le décor changeait. La caverne se termina enfin, s'ouvrant sur un paysage plutôt joli. Le lieu était recouvert, les arbres se rejoignaient au-dessus d'un étang couvert de nénuphars. D'un côté, de grands bambous créait un bon abris pour des nids d'oiseaux. Je m'avançais entre ceux-ci, de l'eau jusqu'aux bas des cuisses.

Soudain, deux d'entre eux se mirent à se soulever et à avancer, comme des jambes. Lorsque je levai la tête, un grand insecte me dévisageait. Une mante religieuse avec un haut de forme! Elle portait aussi un haut de costard et une cravate jaune.

Il se baissa en face de moi et prit mon menton dans sa main pour tourner mon visage et l'admirer sous toutes ses coutures.

«Bonsoir, dis-je.
- Bonsoir. Mademoiselle?...
- Mary! Je m'appelle Mary.
- Moi c'est Bardigard. Sir Bardigard.
- Oh! m'exclamai-je pour accentuer l'effet de son haut statut. Et comment êtes-vous devenu sir?
- J'ai fait preuve de sagesse et de loyauté à la reine de ce pays! Mais sachez que je souhaite rester modeste et généreux... Avez-vous besoin d'aide?»

Encore quelqu'un qui me demandait si je devais être aidée! J'espère que je ne lui doive rien en échange.

«Oui monsieur, j'aurais besoin d'un peu d'aide... Savez-vous où se trouve le jardin des langues? le questionnai-je.
- Mais bien sûr, ma petite! Tu vois le petit pont en là bas? Tu le traverses et après tu arrivera au sentier bleu. Tu le suis et tu pourras aller au jardin.
- Merci beaucoup, dis-je timidement.
- Pas de quoi!»

Et il retourne vers le milieu de l'étang en cueillant des nénuphars qu'il porte à sa bouche.
Je marche donc précautionneusement pour ne pas m'entailler les pieds. La berge est recouvertes de pierres et de roseaux coupés. La pelouse est fraîche est tendre sous mes orteils, et ça soulageait après la roche solide de la caverne.

J'avançais jusqu'à le dit pont construit avec d'épaisses tiges de bambous. Sous estimant sa solidité, j'y allais un pied après l'autre mais il se montra assez solide pour ne pas plier sous mon poids.

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