Chapitre 8 : L'appel

Nous courons depuis maintenant plusieurs minutes, j'ai beaucoup trop mal pour continuer comme ça. Je balance tout mon poids en arrière afin de l'arrêter. Ma technique semble fonctionner puisque sa vitesse ralentie. Il m'entraîne subitement dans l'ombre d'une petite ruelle. Une odeur nauséabonde s'engouffre dans mes narines. C'est si horrible que je manque de vomir. 

 A l'instant même où il me lâche, je me laisse tomber à terre complètement épuisée. Une quinte de toux m'assaille. Je pose mes mains froides sur ma cheville pour tenter d'apaiser  la douleur.

"-Ta tête est hilarante, t'es rouge comme une tomate, me taquine-t-il."

"-A cause de qui.., rétorqué-je en lui lançant un regard noir. Et si on s'était fait attrapé hein ?! C'était retour à...."

La toux reprend le dessus. J'ai tellement mal aux jambes et ma respiration est si forte que j'en ai mal au cœur. 

"-Le peu de fois où tu parles c'est pour me crier dessus, calme-toi princ..."

BOUM BADA BOUM

A l'unisson, nous nous retournons paniqués. Il nous a retrouvé ?! Nous restons immobiles sans faire de bruit. Retenir ma respiration est un enfer, le manque d'oxygène me fait tourner la tête. Je ressens chacun de mes battements.

Non.. Ca ne peut pas se finir comme ça..!!

C'est alors qu'un chat noir déboule de derrière un carton. Aussitôt je reprends une grande bouffée d'air et Lui aussi. Le chat s'enfuit aussitôt qu'il nous aperçoit.


"-Change toi vite fait qu'on parte de là, soupire-t-il."

Me changer devant lui..? Instinctivement je ramène mes bras à ma poitrine. Tout en me tournant le dos, il s'exclame :

"-Voyons princesse t'as vraiment cru que j'allais te r'garder ! Mais pour qui tu m'prends voyons !"


Honteuse d'avoir imaginé ça, j'attrape le petit tas de vêtements où se trouve : une chemise à carreau, un chemisier gris et deux jeans. J'enfile rapidement le jean et le chemisier. Un sentiment de bien-être m'envahit au contact de ces habits secs. 

Tandis qu'il se change à son tour, j'examine ma cheville. Son état est loin de s'améliorer : elle est gonflée, rouge et brûlante. 

"-Ca doit vraiment faire mal, s'approche-t-il."

Je ne sais pas s'il le dit sincèrement ou pour se moquer. Je relève la tête et me retrouve bouche-bée. Habillé de cette manière il ne ressemble plus à un évadé fou. Il est même plutôt intimidant comme ça.
Il s'abaisse à mon niveau. 

"-Si je t'aide comme t'à'l'heure, tu penses pouvoir marcher ?"

J'hoche la tête n'ayant pas vraiment le choix. Je ne peux pas rester ici plus longtemps. Cette odeur de pourris me donne sérieusement la nausée. Il m'aide à me relever et, après qu'il ai jeté nos blouses dans l'une des poubelles, nous repartons d'un pas lent. 

Nous suivons le trottoir, quelques fois aveuglés par les fards des voitures. A chacune d'elles je baisse la tête par peur d'être reconnue. A mon plus grand soulagement aucune ne s'arrête.
Nous arrivons finalement devant une place publique. Toutes les lumières y sont éteintes ce qui rend l'endroit assez effrayant. Il ne bronche pas et continue d'avancer. Nous trouvons un banc et décidons d'y passer le reste de la nuit. Le moindre bruit me fait sursauter. 

"-Seconde nuit à la belle étoile, déclare-t-il. J'te laisse ce banc, j'vais me reposer sur l'autre là-bas."

Aussitôt qu'il se lève, la tête baissée, j'attrape son bras. Je sens son regard se poser sur moi mais je ne cesse de fixer le sol. Ne me laisse pas seule...
Dans le silence il se rassoit. Je lâche son bras et me recroqueville, le vent froid me faisant frissonner.






"-Hey on se réveille la marmotte."

J'entends vaguement une voix mais celle-ci suffit à me tirer de mon sommeil. Je me frotte les yeux peinant à les ouvrir. Au loin le soleil se dessine tout juste donnant une légère couleur dorée à cette place.

"-Si on reste là y'a forcément des gens qui vont nous voir et nous reconnaître.

-Nous reconnaître.., demandé-je d'une voix roque.

-On doit faire la une des journaux à l'heure qu'il est donc ouais. Aller on bouge."


Chaque pas amplifie la douleur, ma cheville ne s'en étant toujours pas remise. Il me soutient du mieux qu'il peut. Dans cette ville encore endormie, nous déambulons dans les allées jusqu'à ce qu'une église se dresse devant nous.

"-Ici personne ne prêtera attention à nous, réfléchit-il."

Nous pénétrons dans cette modeste mais imposante enceinte. Seul le son de nos pas et ceux des autres visiteurs résonnent en ce lieu. Nous nous installons sur l'un des bancs qui se met à grincer sous notre poids. Il ferme les yeux comme pour finir sa nuit. J'en fais de même.

 J'ai arrêté de croire en lui, en Dieu je veux dire. Depuis ce jour je n'ai plus réussi à trouver cette foi. S'il existe vraiment comme on le décrit dans tous ces bouquins, il ne m'aurait jamais laissé tombée. Jamais. Comment un être censé nous aimer peut laisser le monde nous infliger ça ? Comment aurait-il pu les laisser me faire ça avec tant de cruauté sans réagir ? Et laisser ceux qui auraient dû me soigner me rendre encore plus malade. C'est juste impossible. J'en ai donc conclu qu'il n'existait pas. Que c'était juste une invention de l'Homme pour se rassurer. Mais pour moi il n'a plus rien de rassurant. Cet endroit me perturbe car malgré tout ça, j'ai cette fichue impression de ne pas être seule.

 Ma mère me manque tellement. Elle doit être morte d'inquiétude à l'heure qu'il est. J'aimerais tant lui dire que je suis désolée, vraiment désolée de lui infliger ça. Que je vais bien... Du moins mieux qu'enfermée là-bas. Je sens ma gorge me brûler et de la paume des mains, je me cache les yeux. Je dois le saouler à force de pleurnicher.
C'est alors qu'il me tape brièvement sur l'épaule comme pour tenter de me consoler. Je tourne la tête et le regarde; il fixe le plafond la tête appuyée sur le haut du dossier. 

Pourquoi es-tu encore là avec moi..? Tu aurais pu m'abandonner dès lors ma sortie de cet enfer. Ou tout simplement tu aurais pu me laisser pourrir là-bas.

"-Tu sais où on peut trouver un marché ici, chuchote-t-il."

Surprise par la question, j'arque un sourcil et secoue la tête en guise de réponse.

"- Car je ne sais pas toi mais moi j'meurs de faim, se plaint-il faiblement."

Je pose ma main sur mon ventre et me rends compte qu'il gargouille. Je me suis tellement habituée à cette sensation que je ne l'avais même pas remarqué. Depuis combien de jours n'ai-je pas mangé ? Là-bas me nourrir était un vrai calvaire. C'est agréable de ne plus avoir besoin de me prendre la tête avec ça. Il y a juste les repas qu'elle m'apportait qui me manquent affreusement...

"-Soit on fait la manche soit on trouve de quoi se nourrir. Mais une fois de plus faire la manche c'est impossible."

Malgré ses murmures, sa voix résonne.  Il me prend alors la main et me tire à l'extérieur. Sous le porche de l'église il se met à grogner :

"-Je déteste ce genre d'endroit. Bref, on devrait...

-Laisse-moi appeler ma mère, lui coupé-je la parole, je t'en supplie...

-Et on l'trouve où le téléphone hein ?"

Prête à lui répondre je prends une inspiration mais aucune réponse ne me vient. Je baisse la tête tristement. Je dois absolument lui parler..!

"-Faut pas oublier qu'on est fauché, sale et sans chaussures. Sans compter tes vêtements trop grands, tu fais presque peur à voir tellement t'es maigre. Et puis par dessus l'marché tu boites !"

Il passe sa main dans ses cheveux en soupirant. C'est alors qu'il me lâche pour aller accoster une vieille dame sur le point d'entrer dans l'église. Je fronce les sourcils me demandant ce qu'il fait. Lui qui dit toujours qu'on ne doit pas être reconnu !
Soudainement il se retourne et me fait signe de venir. Sceptique, je m'approche en m'aidant du mur. La vieille dame fouille dans son petit sac à main puis me tend un boitier. Je le prends fébrile, avant de me rendre compte que ce n'est autre qu'un ancien téléphone à clapet. Je la remercie immédiatement sans croire à ce qu'il se passe. 

Je tape nerveusement son numéro sur les petites touches. A la première sonnerie les larmes me montent aux yeux. Qu'est-ce que je dois lui dire..? Comment..? 

BIP.... BIP... A chaque sonnerie le stress monte en moi BIP... BIP... BI..

"-... Allo...?"

Je reconnais sa voix et me fais violence pour ne pas fondre en larmes.

"-Allo..? Il y a quelqu'un, soupire-t-elle de l'autre côté du téléphone.

-Maman.. C'est moi.."
 
Ma voix tremble tout autant que moi.

"-Ana ?!! Ca va !?! Tu es blessée ?!!"

Sa voix est complètement paniquée. 

"-Hé ?! Ca va ?! Tu es où !!? Je viens te chercher !! Réponds-moi ! Ca va ??!"

Aucun mot ne sort de ma bouche, je suis incapable de parler. Ses pleurs retentissent lourdement dans mon oreilles.

"- Rentre à la maison ma chérie...

-Je.. Je vais bien...  Je.. Je t'aime maman..."

C'est là qu'il me retire le téléphone et raccroche.

"Qu'est-ce tu fous ?!, lui hurlé-je dessus les yeux imbibés de larmes.

-Ca se trouve t'étais.."

Il se tait et rend le téléphone à la vieille dame tout en la remerciant à nouveau. Elle le range tout en nous regardant l'air inquiet. Il la salut et me tire hors de sa vue. Je ne le laisse pas faire et me débats dans tous les sens. J'agite brusquement mon bras et il se décide enfin à me relâcher. La rage dans la voix je lui crie :

"-Je n'avais pas fini de lui parler bordel !

-Et eux de t'enregistrer ! T'étais p't-être sur écoute ! Car si t'avais oublié on est recherché putain !

-C'est pas une foutue raison ! J'avais besoin de lui parler ! Au point où j'en étais hein ! Et puis  on a tué personne pourquoi on serait aussi recherché merde à la fin ! T'es complètement parano !

-Bha t'sais quoi ? Vas-y ! Rentre chez toi !! Retrouve toi encore enfermée ! Mais cette fois j'serai plus là pour toi ! "

Sa phrase est à peine fini qu'il s'éloigne d'un pas ferme. Tout l'énervement qui est monté en moi redescend tout aussi vite. Je reste plantée là impuissante et incapable de le retenir. Il s'en va vraiment là ? Mon cœur bat la chamade tandis que l'adrénaline qui me permet de tenir debout me quitte. Je titube en arrière toutefois retenue par le mur froid de l'église.


Le voyant partir je réalise une chose : il n'a pas besoin de moi pour survivre dans ce monde. 







~~~~~

Un nouveau chapitre sortira tous les mardi en fin d'après-midi. 
Peut-être des semaines avec plus si on me sollicite (ce que je ne crois guère).
Mais pour sûr tous les mardi. 

Merci d'avoir lu jusque là ! Si vous avez des conseils/remarques n'hésitez pas car je ne demande que ça ! Puisque je sais que mon écriture est loin d'être parfaite.

(Et pourquoi je vous écris, car c'est internet qui m'a dit de parler à ses lecteurs pour qu'ils aient envie de lire, commenter et liker. Et vu que je suis disciplinée je le fais :D)






Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top