Chapitre 6 : La fuite

Depuis ce jour cet hôpital est devenu un foutu cirque ambulant.
Entre les allés retours des parents hurlant la mort de leurs enfants, et ceux des infirmiers courant entre chaque chambres complétement dépassés par la situation. Je subis ce bordel depuis maintenant plusieurs jours. Ma tête me fait un mal de chien, chaque bruit me martèle le crâne. Mon envie de m'enfuir d'ici n'a jamais été aussi grande mais je suis bloquée dans cet endroit de malades. 
Le seul avantage à tout ça est que mes "soignants" ne viennent plus me voir.
Je n'ai plus à leur répondre ou à les écouter me faire la moral. Et vu leur erreur d'overdose, j'ai eu la chance d'éviter ce traitement qui n'en a rien d'un. 

Et pourquoi viendraient-ils me voir hein ? Je ne suis plus qu'une personnes violente et hystérique à leurs yeux. Tout ça à cause de cette pauvre fille et de sa musique. Tous me répètent qu'il n'y avait pas de musique ce jour-là. Tellement que je doute de mes propres souvenirs. Mais je sais pourtant ce que j'ai entendu ce soir-là ! Alors pourquoi j'en doute ? J'ai l'impression de devenir folle. C'est elle, elle qui me fait passer pour cette fille hystérique, violente et incontrôlable. Pourquoi je suis la seule à connaître la vérité. Oui je l'ai frappé, je lui ai donné ce léger coup à la cuisse. Mais ne lui ai pas arraché la jambe non plus ! Elle tout ce qu'elle a cherché c'est se faire plaindre. Et bien elle y est arrivée ! Ca me dégoûte. Ma gorge se noue, mes yeux s'humidifient. Je ne peux pas pleurer pour cette fille qui n'en vaut pas la peine.

A cause d'elle, je passe pour une bête blessée qui ne sait plus que blesser à son tour. Même le regard de ma mère a changé. Qu'ils pensent tous ce qu'ils veulent de moi ! Je n'ai pas la force de lutter, je ne l'ai jamais eu. Je veux juste qu'on me laisse tranquille, qu'on m'oublie. Arrêter d'exister à leur yeux. 

Quelqu'un toque à la porte. Aussitôt une douleur vive me traverse la tête.
Alors maintenant même la nuit ce vacarme continue !? Ca va continuer encore longtemps ?!
Je regarde la porte sans pour autant me redresser. Qu'est-ce qu'ils me veulent encore ? Oubliez-moi je vous en supplie. Je me recouvre entièrement de ma couette et enfouie ma tête dans mon oreiller. Laissez-moi..!
Le même grincement vient me lacérer les oreilles.

"-C'est moi, murmure la voix ou plutôt "sa" voix, je suis venu te chercher dès que j'ai appris ce qu'ils t'avait fait."

Sous le choc je n'arrive ni à bouger ni à parler. Qu'est-ce qu'il fait encore là lui ? Je n'ai pas suffisamment à gérer c'est ça ? 

"Vas-t-en..! lui dis-je d'une voix tremblante.

-Sinon quoi, réplique-t-il nonchalamment.

-Je... tenté-je de lui répondre.

-J'ai eu du mal à trouver dans quelle chambre ils t'avaient transféré mais j'y suis arrivé, dit-il en me coupant la parole. Bon sinon, j'ai bien compris tu détestais ça mais j'n'ai pas d'autre choix ni le temps alors excuse mais.."

L'instant d'après il retire brusquement la couette et je me retrouve dans ses bras comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une plume. L'air froid de la chambre me percute, je tremble et frissonne.
J'essaye de me débattre mais en vain, je n'ai aucune force comparé à lui. Sans parler du poison dans mon corps que me rend encore plus faible. Comme toujours je impuissante face à ce qu'il m'arrive. Je me déteste tellement. Dans un dernier élan, je tente d'hurler mais ne sort de ma bouche que des pauvres gémissements étouffés. 
Alors qu'il avance, il broie mes côtes cassées dans le but de mieux me soutenir. Je me mets à pleurer tellement la douleur est insupportable. J'ai l'impression que mes os se déchirent à m'en transpercer la peau. Je suffoque, et suis prise d'une bouffée de chaleur.

"-Que..!, panique-t-il, je t'aide à t'évader ce n'est pas c'que tu veux ?!

-Lâ...che..moi.., lui suplié-je"

Tout ce que je veux c'est que la douleur cesse. J'ai trop mal c'est horrible. Mes sanglots résonnent dans mon esprit, je vais craquer.
Il grimace avant de me reposer sur le lit. Je prends une grande inspiration, la douleur perçante s'étant arrêtée. Cependant le reste de mon corps continue de me torturer. Il marmonne je ne sais quoi et commence à partir. Je frotte mes yeux boursoufflés. Je laisse mes mains contre mon visage, elles sont très froides et ça me fait du bien. Des milliers de pensées se bousculent dans mon esprit tandis que sa voix tourne en boucle. Il est en train de partir. C'est ce que je veux pas vrai ?
Le grincement de la porte retenti dans la pièce et prise de court je lui dis en un souffle :

"-Attends...."

Avant d'être prise d'une quinte de toux.
Il veut m'aider ?! Vraiment ?! Je ne peux pas lui faire confiance ! Je ne peux pas ! Mais je ne peux pas rester là ? Je vais mourir ici. Un lourd silence s'installe dans la pièce. Mes pensées s'entremêlent, je n'arrive pas à réfléchir. Je me redresse subitement et le fixe, mes yeux rougis par les larmes. 

"-Je suis censée faire quoi hein  ?! lui hurlé-je."

Il court vers moi et presse sa main contre sa bouche.

"-Ferme-la bordel, s'exclame-t-il tout en chuchotant. Tu n'as rien à faire bon sang ! Juste me laisser faire."

Je suis tétanisée, perdue. Ce contact physique me déstabilise d'avantage. J'aurais envie de le frapper, de lui crier dessus et de l'insulter à la fois. Mais je n'arrive à rien de tout ça. Au lieu de ça j'hoche la tête docilement.

Ayant donné mon accord, il s'assoit dos au lit et tape silencieusement sur ses épaules. Je ne comprend pas, qu'est-ce qu'il veut que je fasse..?

"-Dépêche de monter, m'ordonne-t-il froidement."

Paniquée je m'exécute passant mes bras autours de son cou. Lui, il passe ses bras derrière mes genoux et se relève d'un bond. Je me retrouve collée à lui et un mal-être m'envahit aussitôt. Jamais depuis mon accident je n'avais laissé quelqu'un être aussi proche de moi. Je hais cette sensation. J'ai envie de faire marche arrière, un sentiment de dégoût, de peur et de haine m'assaillissent.
Lui, sans prêter attention à mon malaise, avance et sort de la pièce. J'ai du mal à voir où nous allons à cause de la noirceur quasi totale dans laquelle nous nous trouvons plongés. Pourquoi fait-il ça pour moi..? J'ai vraiment peur. Peur de ce que je suis en train de faire. Peur de ce qu'il va m'arriver. Peur de me retrouver seule avec lui. Je me crispe et ma gorge me brûle.

La tension est palpable. Dans les couloirs endormis, chacun de ses pas résonnent. Je le fixe, son visage me semble plus que sérieux. Sa respiration est forte et saccadée, me porter doit beaucoup le fatiguer. Soudain tout s'accélère, des alarmes se déclenchent de toute part et la panique totale envahit l'étage.

"-Ca va aller, me murmure-t-il avec le plus de confiance possible, ferme juste les yeux et essaye de ne pas t'affoler ok ?"

N'ayant d'autre possibilité, j'obéis à nouveau en fermant les yeux. Il est trop tard pour reculer je dois donc assumer mon choix.
Les voix des infirmiers résonnent de toute part. Je me concentre sur ma respiration pour ne pas suffoquer. Tous les sons semblent s'étouffer, j'ai l'impression que ma tête a été plongée dans un aquarium. Pour ne pas le déséquilibrer je tente tant bien que mal de contrôler les spasmes qui parcourent tout mon corps. Je contracte tous mes muscles, un gout de sang se répand dans ma bouche. Qu'est-ce que je fous ?! Tout est allé trop vite ! "Arr...ête..." dis-je d'une voix faible.
Il ne prend même pas la peine de me répondre. Nous sommes déjà allés trop loin pour se rendre maintenant.

Qu'est-ce que je fais embarquer là-dedans..? J'appuie ma tête contre son dos, fébrile. J'ai l'impression que ma tête et mon cœur vont exploser.  Mon corps bouillonne et mes pensées s'entrechoquent m'empêchant d'avoir les idées claires. Puis tout d'un coup plus rien. Tout s'est brutalement arrêté, mon cœur, mes pensées, mes tremblements. Je n'entends, ne ressens et ne vois plus rien.




Une immense douleur me traverse et je hurle de douleur. J'ouvre les yeux et le vois penché sur moi.

"-Tu fous quoi lève toi, me crie-t-il en me tendant la main"

Je l'attrape et il me tire, me mettant debout de force. Sans me laisser le temps de reprendre mes esprits ni de m'attarder sur ma souffrance, il m'entraîne avec lui dans ce qu'il semble être une forêt. Je réalise et m'exclame alors: 

"-Nous sommes dehors ?! Dehors !

-Ferme la putain, s'empresse-t-il de me dire méchamment."

Il accélère le pas mais cela me déstabilise et je trébuche. Heureusement il me rattrape mais nous perdons l'équilibre, glissant tous les deux dans ce qu'il semble être un ravin.
Nous dégringolons le long d'une grande pente rocheuse. J'ai l'impression d'être dans un cauchemars dont je vais me réveiller. Rien de tout ça n'est réel. Ce que je ressens est indescriptible. La douleur de la chute se mélange à la peur et à l'angoisse, un cocktail m'empêchant de dire ou faire quoique ce soit. Je me laisse alors chuter sans lutter. Soudain une douce chaleur m'envahit avant qu'elle ne soit remplacée par une atroce froideur. Je tente de respirer mais l'air est remplacé par de l'eau glacée. Plus la panique m'envahit et plus l'eau remplace l'air de mes poumons. J'ai la tête qui tourne et suis à deux doigts de perdre connaissance. 

Alors que je pensais mourir ici, je suis traînée brusquement hors de l'eau. Il me tire à lui puis me pousse contre le sol. Avec son bras, il m'appuie sur les épaules afin de me maintenir plaquée au  sol. De l'air rentre à nouveau dans mes poumons et je crache à plusieurs reprises de l'eau. Ma gorge irritée me fait excessivement mal. Je tousse à de nombreuses reprises, chaque toux me lacérant la gorge. J'en ai les larmes aux yeux. Ma respiration est courte et rapide, mon cœur bat la chamade. Je tourne la tête et le regarde complètement déboussolée. Je ne veux plus faire ça. Je veux rentrer chez moi. Mes vêtements sont trempés et l'air froid me glace. Je tremble de froid et de peur.

Après m'avoir laissé expulser toute l'eau de mon corps, il m'attrape à nouveau la main et m'oblige à m'accroupir. Même si je le supplie, il ne me laissera plus partir. Je suis bloquée, coincée avec lui dans cet enfer. Je veux abandonner, je n'ai pas la force de fuir comme lui. Comment peut-il être si calme ?!
Il m'entraîne avec lui dans l'eau glaciale et nous marchons ainsi quelques minutes.

 
Une vive lumière attire mon attention et je relève la tête. Cependant avant que je n'en ai le temps, il me tire à lui et me compresse la bouche :

"-Ne bouge plus, me susurre-t-il froidement, ils ne sont pas loin surtout avec tout le bordel qu'on a fait. Ne fais plus le moindre bruit c'est compris ?! "

Je suis dans tous mes états, ma respiration est folle. J'ai envie d'hurler, de pleurer. Tout mon corps se raidit et je regrette d'avoir fait un choix aussi merdique. Mais un échappatoire s'offre à moi, c'est maintenant ou jamais ! Je me lève violement et tente d'hurler à l'aide. Cependant, il me tire furieusement en arrière. Je trébuche sous la violence de son geste et tombe sur le dos. Le choc contre le sol froid me fait tousser. Il vient plaquer l'une de mes épaules au sol et m'écrase la bouche avec sa main libre. Son regard est menaçant :

"-Ne m'oblige à te faire taire de force bordel !"

 Ca n'arrive que dans les rêves tout ça. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel ! Je me mets à pleurer à chaudes larmes. Je veux rentrer.

"-Tu cherches à ce qu'on soit retrouvés ?! Reste allongée jusqu'à ce que je te dise le contraire putain, m'ordonne-t-il."

Je suis paralysée par la peur tandis que mes larmes coulent à flots. Nous restons ainsi un moment, si longtemps que les premiers rayons du soleil se lèvent. 
Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, mes yeux sont boursoufflés et mes joues rosies. Je me sens si mal, fiévreuse et faible. 

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