Chapitre 3 : La rencontre

 Je me recroqueville, ramenant mes genoux au niveau de ma poitrine avant de les encercler de mes bras. J'appuie ma joue gauche dessus et fixe le mur blanc. Je ne veux pas que mon infirmier revienne. Je ne veux pas entendre cette porte s'ouvrir une fois de plus. Je ne veux pas subir ça à nouveau. 
Tout est si calme que cela en est oppressant. Il n'y a rien de pire que d'attendre son arrivée. J'attends comme un condamné attend l'heure de sa mort.
Ce moment de silence fut rapidement brisé par cet inlassable son me faisant grincer des dents.

"-Va dans ton lit s'il-te-plait, m'ordonne aussitôt mon aide-soignant tout en préparant mon traitement. Pourquoi t'es-tu assise là tu sais très bien que..

-J'ai oublié.. le coupé-je faiblement tout en me traînant jusqu'à dans mon lit."

Il arrive à mon niveau et se penche vers moi. Il me prévient de ses intentions avant de m'attraper l'avant bras. Malgré cela, je sursaute et me recule brusquement me cognant contre la tête de lit. Je laisse s'échapper un petit cri.

"-Je suis là pour ton bien, je ne vais rien te faire de plus que d'habitude, me dit-il d'une voix calme tout en me relâchant."

Il s'arrête un instant pour regarder ma réaction. Je le regarde les pupilles rétractées, le souffle rapide. Voyant que ma panique persiste, il commence à me parler jusqu'à ce que je daigne revenir vers lui. Finalement, je serre les dents et lui tends mon bras gauche sans pour autant me rapprocher de lui.
Je ne peux échapper à ce moment, alors autant en finir le plus vite possible. Il vient donc vers moi et m'attrape le bras avec plus de précaution. Ce simple contact me fait frissonner de tout mon être. Puis, comme à son habitude, il appuie sur l'une de mes veines avec son pouce avant de m'y enfoncer son instrument de torture. La première sensation que je ressens est un léger picotement. Une sensation amplifiée par la taille de la seringue. Je tourne la tête ne supportant pas la vue de cet engin. Je me crispe comme si c'était la première fois que je subissais cela. Une fois tout le liquide infiltré dans mon corps, il retire l'aiguille et me désinfecte. Il me dépose un petit carré de tissu stérile et le scotch. Une fois ceci finit, il vient me tendre un verre d'eau. Je le prends fébrilement et n'en bois qu'une seule gorgée. Il soupire et me le retire avant de me poser quelques questions basiques afin d'examiner mon état. Je ne lui réponds que partiellement et d'une voix morne. Je m'allonge ensuite dans mon lit de manière à lui tourner le dos.
Je déteste vraiment les piqûres. Encore plus celles-là. J'ai une forte envie de me plaindre mais je ne peux car il rétorquera, comme à son habitude, que c'est de ma faute. Que si j'avais pris leurs médicaments sagement et sans les recracher dans les toilettes, ils n'auraient pas été obligés d'en arriver là.

Tout mon corps commence à devenir beaucoup trop lourd et mon esprit, lui, s'embrume. Je n'ai plus qu'à attendre, attendre que l'effet s'atténue, attendre que la nuit et les jours passent. Attendre que cette détention se finisse et qu'ils me relâchent. Juste attendre. Je fixe le mur tandis que le soleil commence à se coucher. Les rayons deviennent orangés et teintent la pièce de cette couleur. Je sais que c'est magnifique mais je n'arrive pas à profiter de cette vision.

J'entends vaguement mon infirmier me parler. Sa voix est trop lointaine pour que je puisse l'écouter sans tendre l'oreille. Je ne sais pas ce qu'il me veut mais cela m'importe peu, je ne ferai donc aucun effort pour le comprendre. Le son de sa voix cesse et il semble partir. Cela me soulage.  Je ne ressens plus grand chose mais c'est comme si un poids me quittait. Cependant j'ai chanté victoire trop vite. En effet, il revient et me déplace. Je tente de me débattre mais je n'en ai pas la force. je n'arrive pas à crier non plus. Ni même à parler d'ailleurs. Il n'a donc aucun mal à me déposer je ne sais trop où. Tout est flou autours de moi. Etant dans un état second, je n'arrive pas à paniquer.  Ma tête glisse sur le côté et ma joue se heurte sur un objet froid. Je suis doucement plongée dans l'obscurité.

Le rituel recommence et ma matinée se déroule exactement comme toutes les autres. Il est environ midi quand la porte s'ouvre.
Je n'écoute pas le discours de mon aide-soignante qui doit sûrement me répéter inlassablement que je devrais aller manger. C'est alors que j'entends vaguement le mot "Maman", je tourne immédiatement ma tête en sa direction et l'écoute.

"-... et elle ne viendra pas. Donc viens manger sinon tu devras attendre ce soir ou demain...."

J'en étais sûre, parler de ça toujours de ça. Je baisse la tête et me désintéresse d'elle. Pourquoi ma mère ne peut-elle pas venir..? Si c'était grave l'infirmière me l'aurait dit avec insistance. Elle a donc dû aller travailler. Je fais craquer ma nuque douloureuse  avant de regarder en coin et me rendre compte que ma soignante est partie. Déjà ? Tant mieux. Je me laisse tomber en arrière et rebondit dans les draps. Furtivement, la voix de cet homme me revient en tête. Une fraction de seconde l'envie de l'entendre à nouveau me parcourt l'esprit. Mais à quoi je pense moi ? Je n'ai aucune raison d'y aller. Je tente de penser à autre chose mais en vain. Je peux toujours y aller et repartir dès que j'en ai envie, comme ça j'arrêterai d'être hantée par un homme que je ne connais même pas.

Je descends difficilement de mon lit et, tout en m'aidant du mur, marche jusqu'à la porte. Une fois être passée de l'autre côté, je me retrouve tétanisée. Le couloir me paraît sans fin, c'est effrayant. Pourquoi je fais ça déjà ?! Je secoue la tête et me force à avancer tout en étant sur mes gardes. Je sursauterais presque à mes propres bruits de pas. C'est bien la première fois que je traverse cet endroit seule. Je ne sais même pas où se trouve la cuisine, c'est gigantesque. Je déambule dans les couloirs, m'aidant tout le long du mur, à la recherche de la bonne salle. J'aperçois une personne au fond de l'allée. Aussitôt je me retourne et rebrousse chemin. Ça ne doit pas être la seule direction vers la cantine. Je ne veux pas croiser qui que ce soit, quitte à me perdre un peu plus. Enfin si je peux vraiment être plus perdue que je ne le suis déjà. Mon cœur bat la chamade comme si j'étais en danger imminent. Mes jambes se raidissent; elles sont douloureuses. Cela faisait longtemps que je n'avais autant pas marché. Après avoir tourné un bon moment dans les couloirs, j'arrive devant la cantine ayant été guidée par les fortes et écœurantes odeurs. Je pousse les portes et découvre une immense pièce bondée de gens. Un profond sentiment de malaise s'installe en moi. Tous ces gens, ce bruit, ces odeurs; c'est insupportable et angoissant. Ma respiration est saccadée et je suis prise de vertiges, je dois m'enfuir au plus vite. Je tourne le dos à la salle et me met à courir aussi vite que je le peux. Je m'arrête net quand j'entends cette voix qui me hante depuis maintenant quelques jours :

"Mais c'est Ariel que je vois là."

Je me retourne et, déstabilisée, m'appuie contre le mur froid.

"Je ne m'appelle pas Ariel, répondis-je froidement.

-Tu ne connais pas Ariel, demande-t-il moqueur, tu as les mêmes cheveux qu'elle."

Alors c'est à ça qu'il ressemble, pensé-je en le scrutant sans même prêter attention à ce qu'il me dit. Il n'est pas très grand, il fait une tête de plus que moi, deux tout au plus, sachant que je ne suis moi-même pas très grande. Ses yeux foncés assombrissent son regard tandis que ses cheveux noirs, tout en bataille, encadrent son visage relativement carré. Sa barbe est à l'image de ses cheveux, pas rasée depuis quelques jours si ce n'est quelques semaines.

"Tu n'es pas très bavarde, dit-il en se frottant l'arrière du crâne."

Avec des yeux vides d'expression et une voix glaciale je lui demande alors :

"Que me veux-tu ?"

"T'es bien agressive pour une petite sirène, s'amuse-t-il. Je ne veux rien de plus que te parler. Après si tu ne veux pas je ne vais pas m'imposer."

Il regarde ailleurs avant de me tourner le dos, il se rend en direction de la cantine. Je suis venue pour le trouver et au final je le pousse à partir. Je bégaie alors :

"Dé...désolée.. je ne suis pas très à l'aise avec les gens..."

Ces quelques paroles m'ont demandé un effort important, mon coeur bat la chamade. J'avale ma salive qui me paraît si pâteuse. Il s'arrête :

"Je vais pas te proposer de venir manger ici vu ta réaction, lance-t-il en se frottant la barbe. On va ailleurs si tu veux"

Je réponds uniquement un faible "oui". Je regarde le couloir, et cherche par où je suis arrivée. Je suis adossée à un mur au beau milieu d'un couloir. D'où suis-je arrive, par la gauche ? Par la droite ? Ma vue, déjà assez floue, se trouble davantage face au stresse. Où se trouve ma chambre ?! Je balbutie paniquée :

"Je.. je ne sais plus..!

-Suis-moi, dit-il en même temps que moi sans être perturbée par mes propos."

Il n'a pas dû m'entendre. J'acquiesce fébrilement tandis qu'il se met en marche. Je ne sais pas trop où nous allons mais je le suis tout de même, tremblante. Je tente d'aller au même rythme que lui mais il va trop vite. Une seconde, je baisse le regard n'arrivant plus à avancer. Quand je me redresse, je le cherche mais ne le vois plus. Je me retourne et ne le discerne toujours pas. Je suis au centre d'une intersection, seule au milieu de deux couloirs, et la peur m'envahit. Je continue de tourner sur moi-même. Mon coeur rate un battement et j'ai l'impression de suffoquer. Je m'arrête car tout tourne autours de moi. J'ai l'impression que le plafond va me tomber sur la tête. Je tente de l'appeler mais je ne connais pas son nom. Finalement, je distingue une forme au loin mais un flash-back me revient au même moment. Devant moi se tient l'homme qui m'a séquestrée et torturée. Je me mets à supplier :

"-N'approche pas..! N'APPROCHE PAS..! ... Laisse-moi..!"

Alors que je veux fuir, mes jambes se raidissent et cèdent sous le poids de mon corps, je tombe subitement en arrière. La douleur est minime face à la peur. Je continue de supplier tandis qu'il se rapproche de plus en plus vite. En un éclair, il est à mon niveau. Étant assez proche, je le martèle de coups de pieds malgré mes jambes engourdies. Il recule en gémissant.
Je continue de hurler et me recule avec les mains. Je bute dans je ne sais quoi et ma vue se brouille. Le stresse est à son paroxysme, je me retourne et constate qu'une autre personne se tient juste là. Il se baisse et pose ses mains sur mes épaules. Je me mets à hurler tandis qu'un flot de larmes se déverse sur mon visage. C'est alors que je m'évanouie, la situation et l'angoisse devenant insoutenables.

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