🎹Chapitre 4 : C'est ça, ta douleur :
Deux jours qu'Aéna n'était venue en cours. Je ne dirais que je suis inquiet mais curieux. Mais pour le moment, autre chose me préoccupait. Ce soir, mes parents et moi devions recevoir grand-mère chez nous pour dîner. Je devais lui jouer un morceau et supporter ses reproches, me montrer un garçon modèle et bien éduqué. Rien qu'à ces pensées, je me sentais déjà anxieux.
Je rangeais mes affaires et quittai l'école avec l'impression que quelque chose me manquait. Ce sentiment de solitude vint à nouveau s'emparer de mon être et qu'est-ce que je le hais !
Les nuages grisâtres qui me surplombaient devait avoir ressenti ma peine et se mirent à pleurer de toute leur force. Je ne retrouvai mon chauffeur qui était toujours pile à l'heure.
En déverrouillant mon téléphone, je découvris qu'il m'avait laissé un message, m'informant qu'il avait eu un accident de voiture et qu'il devait s'entretenir avec le motard qu'il a renversé.
S'entretenir, dans notre langue, est de lui proposer une somme d'argent colossale afin qu'il puisse passer l'éponge sur cet incident. C'en est ainsi depuis nos plus anciens ancêtres.
Je devais donc marcher, sous la pluie, pendant une heure et je n'ai en ma possession de parapluie. Mais que suis-je chanceux ! J'ai réussi à gagner une demie heure de plus pour moi sans que je ne puisse voir mes parents.
Je sentis des regards se positionner sur ma personne, qu'ont-ils à me dévisager de haut en bas ? Enfin, je n'ai à m'attarder sur des broutilles pareilles.
En passant par une ruelle qui me semblait être un bon raccourci, je vis au loin Eliott qui s'introduit dans une demeure qui n'est ni la sienne ni de ses amis. Encore une nouvelle conquête. En voulant rebrousser chemin, je vis Aéna sortir de cette même maison, elle s'abaissa et attrapa le téléphone du jeune homme en sa compagnie qui a dû glisser de sa poche.
Je restai abasourdi par ce que je venais de voir. Non ! Elle a succombé ! Je n'ai plus à m'en faire, je viens de m'enlever une épine du pied.
*******
J'étais tel un chiot qu'on venait de passer au lavage. Mouillé de la tête au pied, mes cheveux me collaient au front et mes lèvres étaient devenus bleuâtres de froid et tremblotaient sans que je ne puisse les contrôler.
Ma mère vint en courant et balada ses mains sur l'intégralité de mon visage.
-Tu es tout mouillé ! Pourquoi n'as-tu pas appelé un taxi ? Fit-elle, inquiète.
-Je... Je voulais profiter de la pluie.
Je reçus une gifle, comme je m'y attendais.
-Tu es irresponsable ! Il ne te reste plus que deux mois avant le grand spectacle à l'Opéra de Paris, et toi ? Que trouves-tu d'amusant à faire ? Marcher sous la pluie ? Tu as trouvé cela drôle ? Attends que ton père rentre ! S'énerva-t-elle en se dirigeant vers le salon.
Je pénétrai dans ma chambre et à la vue de ce piano, mon cœur se serra et une douleur inconnue me saisit. Pourquoi devrais-je survivre ? Je n'en avais guère envie. J'ai perdu ces étincelles qui me maintenaient en vie, je me suis perdu dans cette lutte acharnée contre ces êtres ignobles qui continuent à me tirer vers le bas. J'ai essayé de m'adapter à leur moule trop serré, trop strict, trop sévère, mais vainement. Le bonheur, aussi loin que je m'en souvienne, je n'arriverais guère à le décrire. A-t-il une quelconque forme ? Un quelconque goût ? Je ne sais point.
Je me souviens des bleus que j'avais aux bras et aux dos qui comptaient le nombre d'erreurs que j'ai commise au piano. Je me rappelle de la pression qu'on m'a mise sur mes frêles épaules dès mes dix ans, peut-être moins ? Alors qu'il était ma source d'euphorie, il est devenu la cause de mes larmes, de mes peines, de mon amertume. Ce piano.
Je n'avais touché à la nourriture depuis ce matin et je ressens au fond de moi le besoin de changer, de me révolter mais j'ai peur de me couper les ailes en plein envole.
J'ouvris les volets de la fenêtre qui porte sur notre jardin, et admirait ces gouttelettes semblables à des perles déferler sur son rebord. Qu'elles sont courageuses de culbuter ainsi, sans peur et sans crainte. Je les envie. L'odeur de la terre vint titiller mes narines et me remémore de ma jeunesse dans la vaste maison de ma tante. Insoucieux, joyeux, passionné, j'étais. Je suis devenu une machine qui joue des partitions, avec une légère passion, mais moi, Livio, je ne me reconnais plus. La plupart pense que je suis un génie du piano, mais à dire vrai, ils sont si loin de la réalité.
Le crépitement de la pluie m'enivrait et ressemblait à une douce mélodie qui me berçait. Pris d'une inspiration dont je ne connais l'origine, je me mis à accompagner ce merveilleux son à l'aide de cet instrument.
Et ainsi, pour le reste de la soirée, je continuai à pianoter jusqu'à très tard la nuit, en oubliant de me doucher, de me changer et de me nourrir de ne serait-ce qu'un tout petit bout de pain.
*******
Je n'arrivais à sortir hors de mon lit. Les battements de mon cœur étaient irréguliers et j'avais l'impression que mon cerveau allait exploser d'une minute à une autre. Ma gorge était sèche et je savais que j'étais fiévreux. Mais je devais me rendre en cours, et surtout, mes parents ne devaient se douter de rien.
Je quittai en quatrième vitesse la maison sans même les notifier de mon départ. Mais arrivé à l'autre bout de la rue, je m'écrasai au sol. Mes jambes n'arrivaient plus à me porter et tremblotaient sans cesse. Mais, saisi par une force surnaturelle, dès que j'entendis la voix de ma mère, celle-ci était aigue et pouvait s'étendre jusqu'en planète Mars, je redémarrai ma course jusqu'à ce que je monte au bord d'un bus qui venait tout juste d'arriver. Coup de chance, il se dirigeait exactement là où je voulais descendre.
-Vous devez payer, m'informa le conducteur.
Je n'avais de sous sur moi et je n'arriverais à marcher une heure dans un état pareil.
-Je paye pour lui, annonça une voix féminine que je connaissais très bien.
Aéna, cheveux attachés en queue de cheval, habillée d'un long manteau beige, de bottes sombre, d'une robe et de gants de couleur semblable, vint à ma rescousse.
Je la remerciai d'un signe de tête et la suivis de très près.
Je m'installai sur l'un des sièges et me fis petit. J'apportai mon regard en sa direction et vis qu'elle m'épiait, sans émotions. Je sortis mon cellulaire et lui envoyai un message.
« Je te rembourserai ».
Je la vis sortir le sien et tapoter, sûrement une réponse, dessus.
« Tu n'as pas besoin de le faire. Tu peux garder ton argent pour toi ».
« Alors... merci ».
Pensant que notre conversation virtuelle touchait à sa fin, elle m'écrivit de nouveau.
« Tu as l'air malade, tu as pris des médicaments ? »
Je souris sans même m'en rendre compte. Ces quelques mots, cette petite attention m'ont donné du baume au cœur.
« Non ».
« Alors qu'attends-tu pour le faire ? Tout ça parce que tu as voulu attirer l'attention des filles sur toi. Ridicule, vraiment ».
De quoi parle-t-elle encore ?
« Quoi ? »
« Hier, en marchant sous la pluie, toutes les filles ont failli s'évanouir car apparemment, tu étais trop beau. Toute l'école ne parle que de toi ! ».
Ah. Rien que cela. Je savais que je constituais un faible pour la gente féminine.
« Ah non, je n'ai jamais voulu attirer l'attention sur moi. Je n'avais de parapluie sur moi, c'est pour cela ».
« Je pensais que tu avais ton propre chauffeur ? ».
« Il a fait un accident et il n'a pu me ramener aujourd'hui ».
« Comment vas-tu ? ».
Cette question, qui ne peut vous paraître rien de plus normale, m'a fait marquer une pause. Comment me sentis-je ? Je l'ignore.
« Ça va ? ».
Je transpirais et ma respiration se faisait de plus en plus difficile à maintenir.
Je sentis Aéna prendre place à mes côtés et mettre sa main sur mon front en sueur.
-Mais ta température est trop élevée ! Il faut que tu ailles voir un médecin immédiatement ! Opina-t-elle en me provocant un horrible mal de crâne.
-No... non ! La repoussai-je avec le peu de force qui me restait.
Elle me saisit ma main moite et me tira hors du bus dès le prochain arrêt, au centre-ville. Elle me guida jusqu'à ce qu'on arrive à un cabinet d'un docteur généraliste dont je n'avais jamais entendu parler.
-Que... fais-tu ? Réussis-je à prononcer difficilement.
-Chose que tu aurais dû faire depuis bien longtemps ! Je suis déjà venue chez ce médecin l'autre jour et il est très compétent, répondit Aéna.
Après quelques minutes à attendre que mon tour vienne, une des infermières vint m'inviter à rentrer dans le cabinet du docteur.
Ce dernier m'examina et m'informa que mon cas était assez sérieux, que j'aurais pu y passer si je n'étais venu à temps.
-Monsieur, depuis combien de temps n'aviez-vous mangé ? Votre tension est très faible, me demanda-t-il.
Je sentis mon pouls s'accélérer. Je n'avais envie de répondre à cette question et encore moins devant cette fille qui ne sait comment se mêler de ces affaires.
-Deux jours, peut-être ? Répondis-je, en rougissant.
-Oh non ! Vous risquez de devenir animique. Je vous prescris tout de suite des médicaments pour vous donner de l'appétit.
Vous perdez votre temps.
Je me sentais de plus en plus étouffé dans cette minuscule salle de consultation et je n'avais qu'une envie, sortir et rentrer chez moi.
*******
Quelques instants plus tard, nous voilà dans ce bus. Elle m'avait acheté les médocs qui me fallaient et bien que j'aie tenté de la dissuader, Aéna n'a rien voulu entendre. Silencieux, chacun de nous était plongé dans son propre monde. Quant à moi, je pensais au savon qu'on allait me passer à cause de mon retard de deux heures ou bien plus.
Arrivé devant chez moi, je pensais qu'elle allait continuer son chemin, mais elle se contenta de fixer ses chaussures.
-Alors... merci pour aujourd'hui et à demain, la remerciai-je en lui souriant.
-Tu n'es pas très accueillant, prononça-t-elle en me devançant.
Je paniquais. Mes parents étaient tout sauf accueillants. Je me précipitai à ouvrir la porte et sans m'y attendre, ou peut-être un tout petit peu, je reçus une gifle qui me fit tourner la tête de trois-cent-soixante degrés.
Je vis du coin de l'œil Aéna sursauter et je la comprenais. Comment ne pas être surpris face à un tel acte de violence.
-Tu n'es pas allé en cours et tu rentres à la maison avec deux heures de retard. Tu veux en finir avec moi ? Dis-le ! Tu as perdu deux heures que tu aurais dû passer à t'entraîner ! S'écria la femme qui est devenue depuis longtemps inconnue à mon cœur.
Je murmurai quelques mots d'excuses, mais étant malade, je n'arrivais à les prononcer correctement. Je fermais mes paupières un instant et en les réouvrant, une chevelure brune était devant moi. Je n'avais jamais remarqué à quel point cette fille était petite de taille et ceci me donnait presque envie de rire, même en un moment aussi délicat.
-Madame ! Votre fils est malade ! Il s'est évanoui en plein bus et j'ai dû le tirer de force chez un médecin, me défendit-elle du mieux qu'elle pouvait.
Le regard de ma mère s'abaissa et dévisagea la jeune brune sans la moindre gêne.
-Et qui es-tu pour te permettre d'entrer dans notre maison ? Lui reprocha ma génitrice.
-Je suis son amie. Je suis désolée de m'être introduite dans votre chez-vous, mais il est gravement malade. Le médecin lui a prescrit des médicaments pour lui redonner de la force mais il lui a aussi reproché de ne pas assez se nourrir. J'espère que vous prendrez soin de lui. Au revoir !
Intérieurement, je priais qu'elle ne parte, je ne voulais me retrouver seule avec cette horrible femme.
Dès que la porte d'entrée fut fermée, je voulus me diriger vers ma chambre mais elle me saisit brusquement le bras.
-Qui est-elle ? Je t'ai déjà dit de ne pas te faire d'amis, tu n'en pas besoin ! Elle finira par te trahir et te démolir. Je ne veux plus te voir avec elle !
-C'est quand que tu vas enfin me lâcher ? Je n'en peux plus... vraiment... vous avez réussi à me dégoûter de ma propre passion, je vous déteste..., dégoisai-je difficilement avant de la quitter.
En entrant dans ma cellule, je vis ce piano me regarder tout en se moquant de moi. J'étais dans un si piteux état et j'étais épuisé. Je me rappelais qu'il fallait que je décolle pour Paris dans quatre jours. Quatre longues nuits à survivre...
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Hi ! J'espère que ce chapitre vous plaira. N'hésitez pas à commenter et à me donner votre avis, et peut-être voter dans ce cas ? Cela me ferait très plaisir.
D'ailleurs, avez-vous un pianiste favoris ? Comment imaginez-vous Livio ?
En tout cas, ce personnage a été crée en pensant fort à un pianiste, chanteur et compositeur qui compte beaucoup pour moi. Je vous laisse deviner lequel ? 🤭
Salut ! 🤍✨
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