🎹Chapitre 2 : Premier jour :
Le cours avait à peine commencé qu'Aéna s'était profondément endormie. Franchement, je me demande comment une fille, avec autant de désinvolture en elle, ait pu sauter une classe et en plus rentrer dans une si prestigieuse école supérieure, mais surtout, comment est-ce possible que ma grand-mère, si stricte, ait pu l'accepter dans ce qu'elle appelait 'son trésor' ?
-Mademoiselle, c'est loin d'être un hôtel, ici ! Se plaignit le professeur d'anglais en la foudroyant du regard.
J'essayai de la réveiller en la secouant. Celle-ci releva la tête aussi lentement qu'un paresseux le ferait, puis sourit béatement.
-Je vous demande de respecter la classe et vos camarades, sinon vous sortez !
-Je m'excuse, je n'ai pas bien dormi la nuit dernière et votre voix est si douce, monsieur, qu'elle m'a tout de suite endormie. Encore mieux qu'un somnifère..., répliqua-t-elle sans gêne.
Les étudiants éclatèrent de rire et je pense être le seul qui n'a nullement trouvé sa blague à mon goût. Elle n'a rien dans la tête. Et dire que je devrais me la coltiner tous les jours, mais à quoi songeait la directrice ?
- S'il en est ainsi, pourquoi ne pas continuer votre sieste dehors ? Rétorqua l'homme au costume bleu, en rogne.
-J'apprécie votre compréhension, monsieur.
Furtivement, je me tournai en sa direction, ahuri. Elle devait être folle !
Aéna rassembla ses affaires dans son sac à dos avant de quitter la salle dans le plus grand des silences. Elle allait se faire tirer les oreilles par notre directrice.
*******
A la fin du cours, je me mis à sa recherche, mais je n'arrivai à la retrouver.
En traversant le long corridor qui mène au bureau de la fondatrice de notre école, la voix de cette dernière se faisait entendre. Ma curiosité fut titillée et je ne pus m'empêcher d'écouter aux portes.
-Mademoiselle Bluemoon, monsieur Arthur vient de m'apprendre que vous aviez dormi dans son cours et que vous lui aviez manqué de respect devant tous vos camarades. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?
-Nous ne sommes pas dans un tribunal, madame. Mais... je m'excuse tout de même, bien que je lui ai expliqué que je n'avais dormi la nuit dernière et que sa voix fonctionnait sur moi mieux que mes somnifères, conta la jeune étudiante.
-Vous trouvez cela normal ?
-Son cours était nul, son accent en anglais, on n'en parle même pas. Il faisait un tas d'erreurs aussi stupides les unes que les autres et vous voulez que je reste éveillée ? Même pas en rêve.
Là, elle marque un point. Monsieur Arthur était incompétent et tout le monde le savait. Mais pour une raison qu'on ignore, Grand-mère refuse catégoriquement de le licencier.
-Aéna ! S'écria la directrice, sans pouvoir se contenir davantage.
Je sursautais. Pour la première de ma vie, je venais de l'entendre hurler.
-Alors vous vous souvenez de mon prénom ? Railla la brune.
-Je pensais avoir été claire. Ton comportement de voyou, ce n'est pas le bon endroit pour le faire !
-Je ne vous permets ni de me tutoyer, ni de remettre mon éducation en question. Vous m'avez fait venir, vous assumez ! Je n'ai jamais voulu vous voir car vous me répugnez, mais maintenant que je suis là, ne vous attendez pas à ce que j'abdique et que j'applique vos règles de bourgeois débiles, ça, jamais. Sinon, vous pouvez toujours me renvoyez, la défia-t-elle, d'une voix salace.
Alors, elles se connaissaient ! Mon cœur battait la chamade. Je ne m'étais guère trompé et mes hypothèses se sont avérées bel et bien justes. Ma grand-mère l'a fait venir ici exprès ? Pour quelle raison ? 'Vos règles de bourgeois' ? Elle n'était vraisemblablement de notre monde. Qu'avait-elle de si unique pour qu'une université aussi prestigieuse l'invite à l'intégrer ? Ce ne sont ni les collaborateurs, fournisseurs ou sponsors qui lui manquent ?
-Je suis en train de te sauver, du monde des malfrats dans lequel tu as grandi !
-Me sauver ? Monde de malfrats ? Pitié, dites-moi que vous plaisantez ! Je vous rappelle que j'ai grandi en Angleterre, que j'ai un père écrivain et une mère qui est peintre. Ils m'ont offert la plus heureuse des enfances, j'ai un toit qui me protège du froid, une chambre qui m'est propre et une chaleur familiale dont vous n'avez jamais entendu parler, vociféra la fille aux cheveux ondulés.
-J'espère ne plus avoir à vous appeler dans mon bureau, annonça la vieille dame.
Je me hâtai de me cacher dans la pièce adjacente à son bureau, qui était un débarras. Que venait-il de se produire, au juste ? La directrice a fait rentrer dans son trésor quelqu'un qui n'était de notre monde, par pure pitié ? La blague. Mais le pire, c'est qu'elle l'a laissée lui parler sur un ton provocateur. Cette fille s'était déchaînée sur elle et elle lui a craché ses quatre vérités en pleine face. Elle l'a même défiée de la renvoyer. Je ne viens pas de rêver...
Je décidai de quitter ma cachette quelques instants plus tard. Je la trouvai assise dans le jardin à l'arrière de l'énorme bâtisse.
Je la rejoignis et dès qu'elle remarqua ma présence, elle s'essuya le visage et afficha un grand faux sourire.
-Tu n'as besoin de sourire si tu n'en as envie, déclarai-je en toute honnêteté.
-Ils disent qu'à force de sourire, on arrive à se convaincre qu'on est heureux et on finit par le croire et l'être pour de vrai.
-Tu as réponse à tout, à ce que je vois, fis-je sarcastique.
Elle haussa les épaules.
-Que veux tu ? Je suis géniale.
-Très humble, aussi.
-Ah oui, ça aussi, plaisanta-t-elle en tirant la langue.
Un silence s'installa. On était tous les deux perdus dans nos pensées et je me remémorai la discussion qui avait eu lieu entre les deux femmes. J'ai envie de la questionner à propos de cela, mais j'appréhendais sa réaction.
-Dis..., lancions-nous instantanément.
-Vas-y, en premier, dit Aéna.
-Oh... euh... pourquoi pleurais-tu tout à l'heure ?
Aéna remit quelques mèches rebelles derrière son oreille gauche.
-Sûrement le mal du pays. L'Angleterre me manque tellement. J'ai du mal à parler aux gens ici, ils ne sont vraiment pas avenants, ces foutus fils de bourgeois !
-Parce que tu ne l'es pas ? L'opposai-je.
Elle éclata de rire.
-Moi ? Ah mais non, pas du tout !
-Alors, que fais-tu là ? Demandai-je, innocemment.
-Je me le demande aussi.
Je soupirai. Mission échouée.
-Je voulais te dire que... je te garderai auprès de moi, je ne te laisserai me filer entre les doigts ! Tu es le seul à qui je daigne parler ici, alors si tu as quelqu'un dans ta vie, tu peux déjà lui dire à dieu ! Enonça-t-elle, en me tenant les deux épaules.
Elle est bizarre, c'est sûr.
-Pa... pardon ?
-Tu n'as que ce mot à la bouche, marmonna-t-elle avant de se lever.
-Où vas-tu ?
-Découvrir la ville.
-Je te rappelle que nous avons cours dans dix minutes, l'informai-je.
-Je te rappellerai que je n'en ai absolument rien à faire de ces cours à deux balles pleins de fautes grammaticales. On se voit demain ! Salut !
La brune me laissa abêti par ses dernières paroles. J'avais l'impression qu'elle se rebellait contre sa propre personne, qu'elle ressentait le besoin de prouver son courage ainsi que son audace et ceci pouvait être la source de sa tristesse. Elle était bizarre, c'est le moins que l'on puisse dire, mais je préfèrais la qualifier de 'personnalité peu commune'. Je venais d'entretenir une conversation de plus de dix minutes avec un être humain, c'est un beau miracle !
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