Une ancienne amie - 8
Trempée, je me redresse, choquée par le froid.
— Mais t'es malade ?! arrivé-je à articuler malgré le froid saisissant.
— Je viens de faire mon geste écologique pour l'année. Grâce à moi la couche d'ozone vient de se reconstituer de ses 30 % qu'elle avait perdu à cause de tes dégagements toxiques !
Trempée et frigorifiée, je la tue du regard.
— Oh pas besoin de me faire les yeux doux ma belle, maintenant à la douche ! Si tu n'y es pas dans les cinq minutes, je te savonne directement sur le lit et te rejette de l'eau glacée ! A toi de voir.
Je soupire résignée. Poussée par l'envie irrémédiable de me réchauffer, je sors du lit mais c'est sans compter sur ma faiblesse musculaire qui me fait tomber à terre.
— Merde ! craché-je.
— Et oui c'est ce qui arrive quand on passe cinq mois à faire l'étoile de mer.
Je peste et lui tends la main pour qu'elle m'aide à me relever.
— S'il-te-plaît, peux-tu m'aider à me relever ? demandé-je agacée.
Elle s'exécute et m'accompagne dans la douche où une chaise m'attend déjà. Elle m'aide à m'asseoir puis me laisse tranquille pour que je prenne ma douche. Je reste une éternité sous l'eau chaude qui perle sur ma peau me sentant bien et relaxée. Je termine de me laver puis tente de me relever pour atteindre la serviette. Je me redresse en prenant appui sur le dossier de la chaise mais elle bascule et m'entraîne dans sa chute.
— Putain de merde ! pesté-je à nouveau.
Andy arrive en courant affolée puis se détend quand elle me voit à terre, encore en vie.
— Bah alors on est revenue dans sa position initiale l'étoile de mer ?
— Fous-moi la paix avec ça et aide-moi à me relever plutôt !
Elle s'exécute en essayant de réprimer un rire puis m'aide à me sécher.
— C'est humiliant. dis-je blasée.
— Il fallait y penser avant May. Estime-toi heureuse que je t'aide et que je ne te laisse pas dans ta merde.
Je réprime un grognement et pince mes lèvres. Une fois séchée, Andy me pose comme le poids mort que je suis sur le lit et m'amène des affaires propres pour que je m'habille.
— Tu ne devrais pas avoir besoin d'aide, t'es à l'aise dans le lit. me dit-elle en faisant un clin d'œil avant de commencer à partir.
— Tu vas être lourde longtemps avec ça ?
Elle se retourne et me répond de son plus beau sourire.
— May mon but dans la vie est de faire chier les gens. Là tu m'as donné une opportunité de rêve alors ne pense pas que je vais la gâcher.
— Tu vas où ?
— Je reviens, fais-toi belle et tais-toi.
Sur ses mots elle disparaît derrière la porte qu'elle ferme bruyamment. Je suis ses ordres et m'habille puis attends sagement sur le lit. Quelques minutes plus tard, elle débarque dans la chambre suivie d'Andrea.
— Hors de question que je monte là-dedans ! m'opposé-je en désignant le fauteuil roulant.
— Si je me souviens bien, on ne t'a pas demandé ton avis. Il est hors de question qu'Andrea te porte dans toute la maison ou dehors et encore moins que tu te vautres lamentablement à chaque pas. Donc tu acceptes ton fidèle destrier avec honneur et tu l'enfourches.
J'accepte à contre-coeur la main qu'Andy me tend pour m'aider à avancer. Une fois assise dans le fauteuil, je repose ma joue sur ma main comme une enfant boudeuse. Andrea me pousse puis une fois devant les escaliers nous nous regardons tous.
— Comment fait-on là les génies ? demandé-je fièrement.
— Comme ça.
Pour ponctuer ses mots, Andrea me prend en sac à patate et nous descendons les escaliers. Une fois en bas, dans un soupire non dissimulé, il me repose dans le fauteuil qu'Andy a gentiment descendu.
— J'espère que le sac à patate ne va pas devenir une habitude. énoncé-je en fixant Andrea.
— Crois-moi j'ai tout autant envie que toi qu'il ne dure pas. souffle-t-il.
Il me pousse ensuite jusqu'à l'extérieur où le soleil nous enveloppe déjà de ses rayons chauds. Je ferme les yeux à cette douce sensation qui, je dois bien l'admettre, m'avait manqué. La faible secousse de mes roues sur le chemin de gravier me sort de ma détente. Sous la mélodie envoûtante des oiseaux, je découvre les arbres morts transformés par la floraison naissante de la végétation. Mes cheveux dansent guidés par la brise qui me rappelle de son murmure que même en l'absence de nos yeux pour l'admirer, le monde continue d'évoluer.
Dans un silence assourdissant de chants d'oiseaux, nous poursuivons le tour dans le jardin où Andrea prend bien soin d'éviter l'endroit du drame.
Les jours du mois qui suit renferment la même routine. Réveil imposé par Andy, douche, petit déjeuner, entraînement musculaire puis marche, jeux de société, lecture ou film suivant les envies d'Andy, déjeuner, balade dans le jardin pour prendre le soleil, activité physique, détente puis repas et au lit.
C'est un cercle infernal dans lequel je n'ai absolument pas mon mot à dire et où rien ne doit changer. Tout ça dans le but de me faire aller mieux. Chaque jour se suit et se ressemble et rien ne m'enlève mon envie de mettre fin à mes jours. Malgré les sourires ou les rires que je peux partager avec mes bourreaux, rien ne me donne envie de me battre. Chaque soir en me couchant j'espère que ce sera le dernier mais la déception me gagne quand je me réveille et subit de nouveau le même rituel qu'est devenu ma vie.
Une énième journée qui commence par une énième routine. Tout se déroule comme à notre habitude mais c'est au moment de la balade dans le jardin que je décide de changer l'itinéraire. Je suis dorénavant à l'aise sur mes jambes et Andy et Andrea me laissent me balader à pied mais sans jamais me quitter. Alors que je les guide à l'endroit du drame, je sens Andy s'agiter et sur le point de me faire une réflexion mais Andrea la retient.
Je m'approche doucement, les larmes brûlant mes yeux. Je m'accroupis en reconnaissant l'endroit. La neige a laissé place à l'herbe luxuriante et le sang à des fleurs épanouies. Je m'effondre en larmes en passant ma main par-dessus la végétation qui a accueilli nos corps inertes. Les images me reviennent comme des flash, les détonations résonnent encore dans mes oreilles et le regard d'Ezio hante mon esprit. Les sanglots m'étranglent. Je commence à perdre ma respiration puis à manquer d'air.
— Putain elle fait une crise de panique ! s'écrie Andy.
Andrea me prend dans ses bras et d'un pas rapide m'emmène à l'intérieur en essayant de me faire me concentrer sur sa voix. Il me pose sur le canapé et focalise mon attention sur sa respiration pour que je l'imite. Peu à peu, je retrouve mes esprits et ma crise se dissipe. Andy me tend un verre d'eau que je vide en une gorgée.
— Merci d'être là pour moi. Même si je vous ai rendu la vie impossible ces derniers mois. balbutié-je, la gorge encore serrée par l'émotion.
— Oh pas que ces derniers mois. me taquine Andy.
Je la regarde avec un sourire en coin. Me sentant prête et voulant en finir avec ces traumatismes qui me tiennent en otage depuis bien trop longtemps, je décide d'aller dans la chambre du bébé.
— Où est-ce que tu vas ? me demande Andy inquiète.
— Expier mes démons. Je reviens.
Ils me laissent monter seule sans poser de questions. A chaque marche franchie, mon appréhension s'intensifie, mes mains deviennent moites et mon pouls s'accélère. Une fois devant la porte, je prends une grande inspiration puis plonge dans l'univers de nôtre défunt fils.
L'attendrissement prend le dessus et je m'adoucis en voyant chaque détail encore à sa place, là où nous les avions placés avec Ezio en attendant Orfeo. La tristesse et l'injustice chassent vite l'attendrissement. Je m'effondre au milieu de la pièce portant encore notre espoir de futur parent qui nous a été violemment arraché en une fraction de secondes. Assaillie par les fragments de souvenirs qui me reviennent en mémoire, je maudis tout le monde.
Un sentiment nouveau mais que je ne connais que trop bien prend alors possession de moi. Envahie par la fureur, je décide qu'il est temps, enfin temps pour moi de me relever. A bat ces blessures qui régissent ma vie depuis des mois. J'ai été assez traînée dans la boue et malmenée pour les laisser continuer. Ils ont tenté de m'anéantir, de m'enterrer six pieds sous terre mais ils ne mesurent pas l'erreur qu'ils ont commis en me sous-estimant. Gonflée par cette force que je retrouve en moi, les paroles qu'Ezio avait prononcé face à mon appartement en feu, me reviennent en tête.
« Tel le phénix tu renaîtras de tes cendres, ils ont peut être essayé d'attenter à ta vie mais tu es plus forte que ça, tu es encore là, ne sous estime pas la force que tu as en toi pour te relever. »
Aujourd'hui il n'est plus là mais je sais que de là-haut il me soutiendra et me protégera. Il est grand temps de libérer le phénix qui est en moi et de trouver le meurtrier en me vengeant de chaque putain de famille mafieuse. De les réduire en cendres les unes après les autres. Telle est ma nouvelle raison de vivre, me réconcilier avec une ancienne et fidèle amie: la vengeance.
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