Numéro 34567 - 51
— La cour est à nouveau en session. Veuillez vous lever. annonce le greffier.
Malgré la pause, la salle a gardé la gravité en ces murs. Comme si rien ne s'était passé, l'air est toujours aussi suffoquant et chargé de cette tension pesante.
— Vous pouvez vous asseoir. déclare le juge après s'être installé.
Nous nous exécutons avant qu'il ne reprenne la parole.
— Merci. Nous allons maintenant reprendre l'audience. Procureur Bianche, vous avez terminé avec votre témoin précédent. Est-ce correct ?
— Oui, Votre Honneur. Nous avons terminé l'interrogatoire de Madame Pernisse.
— Très bien. Maître Filecci, vous pouvez appeler votre prochain témoin.
— Merci, Votre Honneur. La défense appelle maintenant le Dr. Elena Serraro à la barre.
Convoquée, la femme d'une quarantaine d'année s'avance pour prêter serment avant de s'installer.
— Dr. Serraro, pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer à la cour vos qualifications et votre expérience en médecine légale ?
— Bien sûr. Je suis médecin légiste depuis quinze ans. J'ai travaillé sur de nombreux cas de meurtre et je suis spécialisée dans l'analyse des scènes de crime et des autopsies.
— Merci, Docteur. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez découvert lors de votre analyse de la scène du crime dans cette affaire ?
— Mes analyses ont révélé une discordance entre la taille du meurtrier et la taille de l'accusée.
— Pouvez-vous nous expliquer plus en détails s'il-vous-plaît ?
— Oui. Lors de cas impliquant des armes à feu, nous déterminons la trajectoire des balles. Ceci implique l'examen des impacts dans l'environnement et des victimes en considérant le point d'entrée et de sortie s'il y en a. Ces deux analyses mises en commun nous donnent un angle de tir. Nous recoupons les informations avec des lasers ce qui nous permet d'obtenir une distance et une hauteur. De là nous établissons un profil et ce profil ne correspond pas à celui de l'accusée.
— C'est-à-dire ? Quel est le profil que vous avez pu déterminer ?
— Celui d'une personne mesurant 1m 90 - 95.
— Et pour ce qui est de l'heure présumée de la mort, avez-vous pu la déterminer avec certitude ?
— Les cinq victimes ont été tuées entre 15 h 30 et 15 h 45.
— Bien. Merci Docteur Serraro. Pas d'autres questions.
— Maître Bianche, vous pouvez contre interroger le témoin.
— Merci Votre Honneur. Docteur, est-il envisageable qu'un complice eût été présent ?
— Même si toutes les balles ont été tirées pas le même tueur, rien n'exclu la présence potentielle d'un complice.
— Merci Docteur Serraro. Pas d'autres questions.
— Bien. Le témoin peut se retirer. Maître Filecci, votre prochain témoin.
Vient le tour d'Andy à qui on demande en plus d'appuyer mon alibi, d'établir ma personnalité pour faire émerger la moindre piste sur un mobile. Mais sans succès, il n'y en a évidemment pas. Andrea prend ensuite la parole pour corroborer mon alibi au moment des crimes. Les témoignages se font sans écart malgré l'envie persistante du procureur d'immiscer le doute chez le jury quant à mon innocence.
— Votre Honneur, avec votre permission, je souhaiterais introduire une preuve cruciale pour la défense de ma cliente, Madame Madini.
— Allez-y, Maître. Veuillez présenter votre preuve.
— Merci, Votre Honneur. Mesdames et Messieurs du jury, nous avons entendu plusieurs témoignages. Toutefois, j'aimerais soumettre une vidéo de surveillance qui démontre clairement que ma cliente ne pouvait pas être présente sur la scène du crime à l'heure estimée du meurtre.
L'écho des talons de Filecci s'élèvent dans la pièce alors qu'elle s'avance pour remettre sa preuve au greffier qui la transmet au juge Umerio.
— La preuve est admise. Veuillez continuer, Maître.
— Merci, Votre Honneur, annonce t-elle avant de se tourner vers le jury, cette vidéo a été enregistrée à un péage de l'autoroute A18, portion payante de la E45, le soir du 22 mai. La vidéo montre clairement le véhicule de Madame Madini franchissant le péage à 16h51, soit environ une heure et demie après l'heure estimée des meurtres, qui est fixée aux alentours de 15h30.
Pour appuyer ses propos, la vidéo de surveillance éclaire autant la pénombre de la salle que la curiosité du jury.
— Comme vous pouvez le voir, la vidéo montre sans équivoque que le véhicule de Madame Madini passe le péage à 16h51, se dirigeant vers le nord, en direction de la résidence Madini. Il est impossible pour elle d'avoir fait l'aller-retour pour être photographiée à 16h51 à ce péage situé à l'entrée de l'autoroute, alors que plus de deux heures la séparent du lieu du crime. Pour rappel, cette route est la plus rapide pour accéder au manoir. De plus, aucun enregistrement antérieur ne montre Madame Madini empruntant le chemin inverse. Cela signifie que ma cliente ne pouvait tout simplement pas être présente sur les lieux du crime à l'heure du meurtre.
L'horodatage clair et distinct de l'image mise sur arrêt m'inonde de la chaleur du soulagement. Très vite elle se dissipe pour laisser place au froid du doute qui glace ma colonne vertébrale en voyant les mines impassibles du jury.
— Mesdames et Messieurs du jury, cette preuve est essentielle car elle établit un alibi solide pour ma cliente. Elle était loin de la scène du crime à l'heure critique, et il est impossible qu'elle ait pu commettre les meurtres en question. De plus, cette vidéo est corroborée par les registres du péage qui confirment que le véhicule de Madame Madini l'a bien franchi à l'heure indiquée ainsi que son alibi appuyé des témoins entendus.
— L'accusation souhaite-t-elle répondre à cette nouvelle preuve ?
— Oui, Votre Honneur. Nous souhaitons vérifier l'authenticité de cette vidéo et interroger les témoins concernés pour nous assurer qu'il n'y a eu aucune manipulation ou erreur.
— Nous accueillons toute vérification, car nous sommes confiants que cette preuve est authentique et irréfutable. Mesdames et Messieurs du jury, nous vous demandons de considérer cette vidéo avec la plus grande attention. Elle prouve de manière incontestable que Madame Madini n'a pas pu être présente à la scène du crime à l'heure du meurtre. insiste mon avocate.
Le jury reste de marbre contrairement à mon pouls qui s'accélère quand Callegrio prend place à la barre. Je pose ma main sur ma cuisse que je serre pour calmer l'agitation de ma jambe. Alors qu'il se présente à la demande de Felicci, je prends une grande inspiration et tente de me rassurer sur sa loyauté envers nous.
— Inspecteur Callegrio, pouvez-vous expliquer à la cour ce qu'il s'est passé le jour du 12 janvier de cette année s'il-vous-plaît ?
— Oui. Lors d'un contrôle routier que j'effectuais, j'ai arrêté l'accusée pour un excès de vitesse. Cette dernière a obtempéré est s'est mise sur le bas côté puis quand je lui ai demandé ses papiers et qu'elle a ouvert sa veste, j'ai vu la crosse d'un pistolet dépasser. Je suis dans le métier depuis 18 ans, il n'y avait aucun doutes sur l'objet que je venais d'identifier.
— Vous l'avez donc emmené au poste pour détention d'arme illégale c'est ça ?
— En effet. Une fois là-bas, j'ai procédé à l'interrogatoire où elle m'a avoué détenir cette arme suite à un cambriolage à son domicile.
— A ce moment, où était son arme ?
— Sous sachet, entre nous, sur le bureau.
— Quand ma cliente est repartie. Cette arme où était-elle ?
— Toujours sur mon bureau. Après son départ, je l'ai porté à mon collègue, l'agent Maglione, aux scellés pour qu'il le vérifie, l'enregistre et l'archive.
— Votre Honneur, avec votre permission, je souhaiterais présenter une preuve essentielle pour cette affaire.
— Allez-y, Maître. Veuillez présenter votre preuve.
— Merci, Votre Honneur. Mesdames et Messieurs du jury, l'inspecteur Callegrio a témoigné qu'il avait apporté l'arme aux scellés. Pour corroborer ce témoignage, nous soumettons comme preuve la feuille d'émargement que se doivent de remplir les agents lorsqu'ils transmettent l'arme.
Les bruissements du plastique passant de main en main au sein du jury vient perturber le silence qui s'est installé.
— Mesdames et Messieurs du jury, comme vous pouvez le constater, ce relevé présente l'horodatage électronique et la signature de l'inspecteur Callegrio. Il prouve indubitablement les dires de notre témoin.
— L'accusation souhaite-t-elle répondre à cette nouvelle preuve ?
— Oui, Votre Honneur. Nous aimerions interroger l'agent qui a consigné cette arme.
— Très bien, Maître. Procureur, veuillez appeler l'agent Pietro Maglione à la barre pour un interrogatoire.
— Bien sûr, Votre Honneur. Agent Maglione, veuillez vous approcher de la barre. demande mon avocate.
S'approche alors à la barre l'homme en question. Après avoir prêté serment, il joint ses mains devant lui pour contrôler son tremblement subtile qui n'échappe pas malgré tout à mon discernement.
— Agent Maglione, lorsque vous réceptionnez une arme, pouvez-vous expliquer à la cour la procédure ?
— En effet. Nous devons suivre une procédure rigoureuse pour assurer la chaîne de garde et l'intégrité des preuves. Nous devons vérifier la conformité et enregistrer les détails spécifiques de l'arme, le type, le modèle, le numéro de série, et toute autre caractéristique distinctive. Ensuite nous devons entrer toutes les informations pertinentes dans le registre des preuves, y compris la date et l'heure de réception, les détails de l'arme, et l'identité de l'officier ayant remis l'arme. Un numéro de scellé unique lui est attribué pour assurer une traçabilité tout au long de la procédure judiciaire. Après s'être assuré que l'arme est bien déchargée, nous la mettons sous scellé. Elle doit être emballée dans un emballage approprié qui la protège tout en permettant une inspection visuelle. Enfin, un scellé est apposé sur l'emballage. L'arme est ensuite stockée dans une zone sécurisée, généralement une pièce ou un coffre-fort spécifiquement destinés aux preuves. L'accès à cette zone est strictement contrôlé.
— Merci agent Maglione pour ces éléments.
Maître Felicci demande de nouveau la permission de transmettre une documentation. La partie du registre des preuves concernant mon arme se balade alors dans les mains du jury.
— Comme vous pouvez le constater, cette page présente les informations de l'arme de Madame Madini ainsi que l'horodatage et la signature de l'agent Maglione. Ce document atteste de la mise sous scellé de l'arme de Madame Madini.
— L'accusation souhaite-t-elle répondre à cette nouvelle preuve ?
— Oui, Votre Honneur. Nous aimerions présenter une preuve supplémentaire pour clarifier la situation.
— Allez-y, Maître.
— Merci, Votre Honneur, répond Bianche avant de se tourner vers le greffier, pourriez-vous apporter l'arme sous scellée numéro 34567, s'il-vous-plaît ?
Sans un mot, il s'exécute et lui apporte la preuve.
— Mesdames et Messieurs du jury, cette arme, sous scellée numéro 34567, a été consignée par l'inspecteur Callegrio le soir du 17 avril 2024. Selon le registre des preuves, il s'agit d'un Glock 19, qui rappelons-le possède le même numéro de série que l'arme du crime. Cependant, à la réception de cette arme, il semble que nous ayons un problème.
Il ouvre alors le sachet sous l'œil curieux de l'assemblée.
— Votre Honneur, comme vous pouvez le constater, cette arme est en réalité un revolver de calibre .38 et non un Glock de 9 mm comme noté dans le registre des preuves. Cet élément montre bien que l'arme de Madame Madini et du crime n'a jamais été sous scellé.
La tension devient plus palpable. Les mines s'aggravent dans le public, les regards se perdent en confusion quand des chuchotements s'élèvent furtivement.
— La défense souhaite-t-elle répondre à cette observation ?
— Oui, Votre Honneur. Nous aimerions interroger l'agent Maglione à ce sujet, afin de clarifier cette incohérence.
— Très bien.
— Agent Maglione, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le registre des preuves indique qu'il s'agit d'un Glock 19, alors que l'arme présentée est un révolver de calibre .38 ?
— Je ne suis pas sûr de ce qui s'est passé, mais il semble y avoir eu une erreur lors de la consignation. Je vais devoir vérifier les documents originaux et voir si une substitution a pu avoir lieu. se défend-il malgré sa voix devenue tremblante.
— Monsieur Maglione, est-il possible que quelqu'un ait eu accès à l'arme après qu'elle ait été consignée ? intervient le procureur.
— Théoriquement, oui, mais l'accès à la salle des preuves est strictement contrôlé et surveillé.
— Nous allons suspendre l'audience le temps de vérifier cette situation. Le tribunal doit s'assurer de l'intégrité de toutes les preuves présentées. L'audience est levée jusqu'à ce que nous puissions obtenir une clarification complète sur cette incohérence.
Le juge lève alors son marteau pour officialiser ses propos.
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