Nouvel horizon - 10

— J'adore la nouvelle May ! s'enjoue Andy en applaudissant avec un grand sourire.

Sans perdre une minute, nous nous mettons en route pour le manoir de Raphaël. Les grilles sont déjà ouvertes ce qui laisse à penser que le notaire a informé Raphaël de notre venue. En approchant du manoir, j'espère au fond de moi que je n'aurai bientôt plus à venir ici où sinon pour en finir une bonne pour toute avec Raphaël.

Une fois la voiture garée, nous nous dirigeons vers la porte que j'ouvre sans y avoir été invitée. Nous pénétrons dans le manoir et je tombe directement sur Raphaël surpris en train de descendre des escaliers.

— On ne t'a jamais appris à frapper à la porte avant d'entrer ?

— Si mais seulement pour les personnes que je respecte.

Sans en attendre plus de sa part, je me dirige, le dossier sous le bras, vers le salon. Je croise Yolanda qui réchauffe mon cœur et calme ses battements de son sourire sincère.

— Donna May, je vous présente to...

— Laissez-tomber Yolanda, elle ne mérite pas votre compassion. incise Raphaël.

Malgré la tension qui dynamise mes muscles, je ne me laisse pas perturber et adresse un sourire chaleureux à la domestique avant de m'attabler.

— Hé bien quel changement d'attitude depuis la dernière fois. Où est passée la douce et gentille May.

Sans prendre la peine de le regarder, je lui réponds en lui balançant le dossier sur la table.

— Elle est morte avec Ezio.

Il s'assied et étudie mon visage puis les documents. Il relève ensuite la tête interrogateur.

— Je connais déjà tout ça, pourquoi es-tu là.

— Nous ne sommes pas encore au complet, nous attendons un dernier invité, tu le sauras à ce moment-là.

Il s'enfonce dans son siège, les mains jointes devant son sourire moqueur.

— Alors quoi ? Maintenant que tu n'es plus rien, tu essaies de te donner un nom en étant arrogante et en jouant un jeu trop compliqué pour toi ? Tu te promènes avec tes deux toutous comme si tu étais quelqu'un d'important et craint ? Tu fais encore plus pitié que je n'aurais pu le croire. Si Ezio voyait à quel point tu es pathétique il s'en retournerait dans sa tombe.

Malgré moi, ses mots ont plus d'impact que je ne veux leur laisser. Comme des boulets de canon dans la muraille que j'ai commencé à me construire, il vient fragiliser ma nouvelle identité. J'essaie de masquer mes émotions qui naissent au coin de mes yeux. Je sais que je vais devoir me renforcer pour me protéger de ce genre de paroles et ne plus leur laisser le droit de me blesser autant.

Sauvée par l'arrivée du notaire qui détourne l'attention de Raphaël, je soupire et reprends le contrôle.

Il se joint à nous et nous commençons.

— Bien, si je nous ai contraint à nous réunir ici c'est pour en finir avec le manoir. J'accède à ta demande de le vendre, Raphaël. Je veux juste qu'on me laisse le temps, une semaine voire deux suffiront pour trouver un logement et débarrasser ce foutu manoir du peu d'affaires qu'il reste.

Un large sourire étire les lèvres de Raphaël.

— Marché, conclu, je te laisse même un mois.

— Tant de générosité, je n'en demandais pas tant. réponds-je en roulant des yeux.

Nous signons les papiers nécessaires puis quittons les lieux.

 Il ne me faut pas plus d'une semaine pour trouver et acquérir mon nouvel havre de paix. J'ai jeté mon dévolu sur une maison isolée de toute vie et ancrée sur le sable de la mer. Je quitte la ville pour m'installer à plusieurs centaines de kilomètres. La couverture parfaite pour sortir hors de tout radar et commencer ma nouvelle vie loin de toute attache.

Andrea et Andy me suivent évidemment, n'ayant plus d'attaches non plus de leur côté, ils s'installent dans un petit loft à une dizaine de kilomètres de ma future maison. Andrea dirigera ses hommes et continuera ses affaires de là où il habitera tout en se déplaçant quand il sera nécessaire.

En parallèle, j'ai pu donner une dernière interview où j'ai annoncé mon retrait à durée indéterminée de la musique, évoquant mon deuil pour excuse et mon besoin de me reconstruire avant de pouvoir faire mon grand retour. La nouvelle a scindé deux groupes. Les bienveillants faisant preuve d'une grande tristesse et surtout beaucoup de soutien moral et les autres. Ceux qui ne comprennent pas, que j'abandonne alors qu'ils ont besoin de moi. Spécifiquement Gioele, qui avait dépeint son désespoir de sa main détraquée.

"May, je comprends que tu as besoin de temps pour te reconstruire, mais je ne peux pas imaginer la musique sans toi. Tu es une source d'inspiration et de force pour tant de gens, y compris moi. S'il-te-plaît, ne nous laisse pas dans le noir. Tu es notre lumière dans l'obscurité. Pense à tous ceux qui t'aiment et te soutiennent. Nous avons besoin de toi, ta musique est notre refuge. Reviens-nous vite. #MayRevient #ToujoursAvecToi"

Le même frisson m'avait parcouru la colonne vertébrale à la découverte de ce message auquel j'ai préféré ne pas réagir. A part cette minorité, tout le monde s'attendait à cette pause ce qui m'a beaucoup facilité la tâche.

J'ai ensuite pu empaqueter toutes les affaires que je désirais emmener avec moi dans ma nouvelle vie et faire don des autres que je savais inutiles ou trop riches de souvenirs insoutenables.

Les doigts jouant avec l'alliance d'Ezio pendue à mon cou, je pose une dernière fois mon regard sur ce manoir qui a accueilli tant d'amour, d'espoir, de joie et en même temps de souffrance, désespoir et de deuil. Avec un grand pincement au cœur et les larmes aux yeux, j'enfourche la moto d'Ezio.

Je démarre avec pour seuls souvenirs de mon ancienne vie deux alliances et une photo de l'échographie d'Orfeo.

Je laisse Andrea et Andy partir à bord de leur voiture avec nos affaires et je fais un détour par le cimetière.

Une dernière fois, je me rends sur la tombe d'Ezio et lui dépose un lys blanc. Emue aux larmes, je me redresse pour lui dire adieu.

— Je m'en vais mon amour, il est temps pour moi d'aller de l'avant. Pardonne moi pour ce que je m'apprête à faire et pour la personne que je vais devenir. Je t'imagine déjà me regarder de tes yeux bleus d'acier et me maudire pour mes idées plus dangereuses les unes que les autres. Je vais essayer de me battre pour nous, je te le promets. Je sais que même si tu n'es pas d'accord, de là-haut tu me protégeras et veilleras sur moi. Mon heure à tes côtés n'a pas encore sonné. J'attends que le glas retentisse pour moi mais en attendant, je vais rendre justice à notre fils. Peu importe où j'irais, vous vivrez avec moi, tout comme une mélodie, ton visage ne quitte mes pensées. Mon cœur pour toujours t'appartient. Je t'aime mon amour mais je te quitte. Je sais qu'on se reverra de l'autre côté. Veille bien sur notre fils tel le merveilleux père que tu es. Je vous aime plus que tout au monde, à très bientôt mes amours.

Les yeux embuées, je revêts mon casque et retourne à la moto. Sans attendre l'étreinte du chagrin, je démarre et m'éloigne d'Ezio n'emportant avec moi que son souvenir et son amour. Ma nouvelle vie comme horizon, je fonce à toute allure sur les routes escarpées de Sicile.

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