Leader par la peur - 29

— Voici les cendres de feu Raphaël Madini, mon regretté beau-père adoré. Vous allez me dire que c'est impossible, qu'il a été enterré hier mais je vous assure que ce n'est pas son corps que vous trouverez si vous fouillez sa tombe.

Là-dessus, Andrea pose la tablette au milieu de la table avec une vidéo prise au crématorium montrant Raphaël dans son carton devant le four puis glisser à l'intérieur et prendre feu. Les réactions ne se font pas attendre, des cris refoulés d'horreur s'élèvent, certains se crispent d'effroi, les yeux ronds devant les images et d'autres comme Amadeo, restent imperturbables.

— Bien et ça prouve quoi ? Vous avez su établir un plan et passer entre les mailles du filet pour ne pas vous faire prendre et détourner un mort. C'est sûr que face à un cadavre il était facile de réussir. rétorque-t-il présomptueux.

— En effet, même s'il s'agit du baron de la mafia et qu'une équipe de policiers était présente ainsi qu'une surveillance minutieuse qu'il a fallu déjouer et tellement d'autres détails qu'il a fallu maîtriser, ça reste simplement un cadavre comme les autres dirons nous. Rien de faramineux comme travail. Alors maintenant laissez moi vous présenter le colosse.

Pour imager mes propos, je renverse la boîte qui libère la tête de mon agresseur de la veille. En roue libre sur la table, elle finit sa course au centre, les yeux face au plafond. 

Tous reculent. 

Leurs yeux écarquillés se figent et leur visage livide se déforme en une grimace muette. Même Amadeo, si assuré depuis le début de la réunion, reste sans voix. 

Emplie d'une sombre satisfaction, je savoure ce moment de triomphe silencieux.

— Notre cher ami au milieu de la table s'est présenté à moi hier soir dans ma chambre. Animé par la volonté de me tuer, il s'est révélé être un adversaire redoutable. Malgré toute son expérience et sa force, il n'a pas réussi à faire le poids contre moi et a terminé sa journée par une rencontre avec la mort. Finalement c'est peut-être le destin qui l'a amené à moi pour vous convaincre de me faire confiance. Il fait son effet en tout cas à voir vos mines livides et déconfites, dis-je un sourire triomphale aux lèvres, oh et une dernière chose avant de vous laisser à votre choix. Soyez conscients que si vous sortez d'ici sans m'offrir la promesse de votre loyauté, je vous fais la promesse que vous sortez d'ici en tant qu'homme condamné. précisé-je.

Je quitte la pièce le temps de leur réflexion en laissant le bruit glaçant de mes talons claquer le sol derrière moi.

 Après quelques minutes où j'ai pu remettre à zéro le compteur de mes émotions, je retourne dans la pièce où se trouvent les hommes, Andy et la tête.

— Je vous ai assez laissé de temps. Ceux qui me suivent, mettez vous à droite les autres à gauche.

Cinq hommes dont Sergio et étonnamment Amadeo se mettent à droite. Un autre se met à gauche laissant le dernier indécis assis sur sa chaise.

— Tu trouves que tu n'as pas eu assez de temps pour réfléchir ? demandé-je fermement à l'homme assis.

— J'aimerai revoir quelques détails avant.

— Très bien, voyons ça.

Sur mes mots je dégaine mon arme et tue d'une balle dans la tête l'homme indécis et l'homme à gauche. Les autres hommes cachent tant bien que mal leur stupeur face à la scène.

— Comme je vous l'avez dit, si vous ne m'étiez pas loyal vous étiez un homme mort.

— Lorenzo n'avait pas encore fait son choix. se risque Amadeo.

— En effet mais il n'a pas été efficace. Les choses étaient claires et simples. J'ai besoin d'hommes qui savent agir sans avoir à demander des précisions. Si vous n'écoutez pas ce que je vous dis, que vous vous permettez des écarts ou prenez des libertés, voilà ce qui vous attend. Je me fiche de savoir comment Ezio se comportait avec vous, voici ma façon de faire. Je vous respecte tant que vous me respectez. Si j'ai besoin de votre avis je vous le demande. Si je vous donne carte blanche je vous le dis. Je serai le plus concise possible pour ne pas avoir à me répéter, je n'ai pas de temps à perdre. A partir de maintenant, vous m'êtes totalement disponible. Vous avez un rendez-vous ? Annulez le. Vous avez un repas de famille ? Repoussez le. Mes requêtes sont votre priorité sinon vous savez ce qui vous attend. Je n'ai pas le temps de faire dans la relation humaine. Tout ce que je vous demande c'est de me respecter, de respecter votre engagement et tout se passera bien pour vous c'est compris ?

Un silence s'installe puis la voix distincte d'Amadeo se fait entendre.

— Je vous en fais la promesse.

Les autres hommes suivent son exemple et tous m'honorent de leur promesse de loyauté.

— Merci les gars, vous ne le regretterez pas. Maintenant débarrassez moi ces hommes s'il-vous-plaît, on se revoit vite. ordonné-je en prenant la direction de la sortie suivie d'Andrea et d'Andy.

Assise sur le siège arrière de la voiture, je me coupe du monde en claquant la portière. Je laisse tomber mon masque d'un soupir de soulagement pour retrouver ma vraie identité avec ses doutes et ses peurs. Le visage entre les mains, je prends le contrôle de ma respiration pour calmer les battements anarchiques de mon cœur.

— Bravo May, tu as vraiment bien géré. me félicite Andrea.

Je libère mon visage pour planter mon regard dans le sien à travers le rétroviseur central.

— Merci mais c'était moins une. Je ne pense pas avoir totalement gagné leur loyauté ni être vraiment légitime à leurs yeux. Pour la plupart ils ne voulaient simplement pas mourir bêtement de ma main aujourd'hui je pense.

— Tu es dure envers toi là, intervient Andy, Oui ces mecs en ont vu et ce n'est pas ta gueule qui va les impressionner mais sincèrement tes exploits d'hier soir les ont surpris et la peur s'est lue dans leurs yeux. Alors peut-être qu'ils ne te craignent pas autant qu'ils devraient mais s'ils te suivent c'est sincèrement parce qu'ils voient le potentiel que tu as en toi. Sinon crois moi, les armes qu'ils avaient à leur ceinture seraient fumantes des balles qui nous auraient tué s'ils ne te respectaient pas ni ne te redoutais pas.

Sans un mot, je jette un coup d'œil à Andrea qui confirme d'un hochement de tête les propos d'Andy.

— Crois en toi May, ils ne pourront que te suivre. ajoute t-il.

Je lui souris faiblement, l'esprit encore en proie aux doutes. Je me perds dans les paysages qui défilent derrière le filtre sombre de la vitre teintée quand j'entends Andy s'exclamer :

— Oh je ne t'ai pas dit ! Avec tout ça j'en ai perdu le fil mais une maison de disque m'a contacté !

— Quoi ? Comment ça ? demandé-je en fronçant les sourcils, la tête inclinée sur le côté.

— Tu sais la recherche de maison de disque dont on avait parlé ? J'ai déposé ta candidature chez un grand nombre.

— Mais pourquoi ? On s'était dit qu'on attendait avant de les contacter, je ne suis pas encore prête !

Malgré le siège qui nous sépare, je sens Andy se tendre devant moi et même s'il m'est impossible de le voir je sais très bien qu'elle martyrise ses cuticules nerveusement.

— Ils avaient déjà pour la plupart, une liste d'attente longue comme la muraille de Chine. Je me suis dis que ça prendrait du temps avant qu'ils n'arrivent à ton nom. Je ne pensais pas que ça allait aller aussi vite. présente t-elle en terminant sa phrase de manière presqu'inaudible.

Les yeux fermés, j'inspire et expire profondément tout en me massant le front avant de répondre d'un ton maîtrisé :

— Ok et tu veux en venir où du coup ?

— Tu as une entrevue avec Irma Perdosa, la responsable A& R - Artiste et Répertoire - de la maison de disque Vernima. C'est suite à ça qu'ils décideront ou non d'un contrat avec toi.

— Et ce rendez-vous ?

— Dans un mois annonce-t-elle timidement en rentrant la tête dans ses épaules.

Je soupire en m'enfonçant dans mon siège. Le regard fixe sur l'horizon, je joue avec l'alliance d'Ezio pendue à mon cou. Au bout de quelques minutes de silence, je fends la tension qui s'était installée.

— Où est-ce qu'on doit se rencontrer ?

— Je ne connais pas l'endroit, elle m'a envoyé l'adresse par mail, je te la fais suivre. informe Andy en se penchant sur son téléphone.

De retour à l'hôtel, mon portable sonne. Encore sous l'emprise de ma colère, je ne décroche pas. Au bout de la troisième fois, je daigne regarder qui se permet d'insister autant puis m'empresse de répondre quand je vois le nom affiché sur l'écran.

— Torrimone ! Un plaisir de vous avoir aussi rapidement. Qu'en est-il ?

— Votre instinct ne vous a pas trompé. Vous aviez raison. Je vous ai envoyé les résultats par mail. Bonne journée madame. s'empresse-t-il de dire pour mettre fin à notre conversation.

— Merci pour votre rapidité, j'apprécie. Bonne journée à vous.

Le sourire aux lèvres je raccroche et pars plier bagage avant de rentrer à la maison.

 ****

Le mois balayé, me voilà de nouveau sur la route. J'avale les kilomètres vers cette destination inconnue où m'attend Irma Perdosa. Plus je me rapproche de l'adresse plus je me demande si Andy ne m'a pas fait une farce. A quelques mètres du point de rendez-vous, je ralentis. Je scanne du regard chaque établissement autour de moi, me tourne et me retourne à la recherche d'un élément qui m'aiderait à trouver un repère mais en vain. 

Je m'arrête enfin où mon téléphone m'indique.

Sur ma droite se dresse un bâtiment qui porte les vestiges du temps et de la négligence. Les fenêtres barricadées par des planches de bois pourries ferment définitivement les yeux de ce lieu autrefois vibrant sur le monde désertique et délabré qu'est devenue la rue. Des affiches délavées de spectacles passés pendent tristement sur les murs extérieurs, témoins d'une époque révolue. La façade noircie, le lierre et les moisissures demeurent les derniers spectateurs de l'ultime acte que ce théâtre accueille : sa propre mort.

Accompagnée d'un frisson, je détache mon regard pour le reporter sur mon écran en espérant de toutes mes forces m'être trompée d'adresse. Je zoom et dézoom alors que mes pensées se perdent en directions.

Alternativement, je regarde mon écran puis la rue qui sort tout droit d'un film post-apocalyptique .

Mais putain c'est quoi cette blague ?

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