Le parfum - 26

Alors que son nom tourne en boucle dans ma tête cherchant désespérément à s'aimanter à un de mes souvenirs, je m'attarde un peu plus sur leur conversation. Malgré ma proximité, je n'arrive pas clairement à distinguer leur paroles. L'oreille tendue, je me crispe en entendant ce prénom que mon cœur ne connait que trop bien.

— D'abord Ezio puis maintenant Raphaël, en deux ans, ces connards de Madini ont enfin trouvé la place qu'ils méritaient. Entre quatre planches de bois ! chuchote malicieusement Feniosso.

— Une tombe c'est déjà de trop pour eux, ils méritaient le caniveau ces sales rats. rétorque l'autre homme.

— Amen mon frère. Mais bon, on ne peut pas tout avoir Abiani. C'est déjà une belle prouesse que de les voir six pieds sous terre sans se salir les mains.

— Hmm ça c'est toi qui le dit.

Suspendue à ses lèvres alors que Feniosso le sonde gravement du regard, je sursaute quand j'entends la porte à côté de moi se fermer avec fracas. Par réflexe, je me tourne vers la source du bruit. Je découvre alors une femme qui grimace suite à sa maladresse tout en s'excusant silencieusement. Couverte de honte, elle se faufile vers moi et s'installe en se faisant toute petite à mes côtés.

Frustrée de ne pas avoir pu entendre la suite de la conversation des deux mafieux devenus maintenant silencieux, je m'enfonce dans le banc. Tout en croisant les bras, je ne peux m'empêcher de ressentir la tension émaner des deux hommes devant moi.

Trop concentrée, je n'avais pas senti le délicat parfum de ma voisine maladroite. Bien qu'il soit agréable, il me serre instantanément le cœur quand en fermant les yeux, le souvenir de Nonna surgit. J'ai l'impression que c'est elle à côté de moi. 

L'effluve de son parfum teinte mes pensées de ce souvenir dont la recherche me hantait tant.

" — C'est impensable ! Je ne comprends pas comment on peut en arriver à ça ! m'exclamai-je attristée et révoltée.

Oh tu sais ma chérie, leur monde est à part. Ils pensent différemment de nous ces gens-là. Leur esprit est gangréné par leur soif de pouvoir et de puissance. répondit Nonna concentrée sur son tricot.

Choquée devant l'écran qui diffusait la nouvelle du drame, je n'arrivais pas à tenir mes pensées en place. Ni n'arrivais à comprendre le détachement de ma grand-mère face à ce scandale.

Nonna comment peux-tu rester aussi impassible devant ça ?

Ma chérie, quand il s'agit de la mafia, mieux vaut ne pas réagir. Dans tous les cas ils n'y aura pas de justice, ces gens sont au-dessus des lois, ils les contrôlent. Alors épargne toi un peu et laisse les s'entretuer ça nous permettra de souffler un peu.

Mais Nonna, il s'agit d'un frère et d'une sœur ! C'est sacré comme lien ! Comment peut-on en arriver à cet extrême ?! Mafia ou non on ne peut pas rester insensible face à ça !

Parce que tu crois que ta vie vaudrait quelque chose pour eux ? Si ce Feniosso a pu tuer de sang froid sa sœur pour hériter des pleins pouvoir légué par son père, que crois tu qu'il ferait de toi ? Une simple inconnue. Il ne mérite pas ton grand cœur ma chérie, passe à autre chose. Peut-être qu'un jour on leur dira merci.

Ils demeurent des humains malgré tout ! Sa sœur était légitime de ce pouvoir ! C'était l'aîné ! Ils auraient pu le partager j'en sais rien mais en venir au meurtre c'est totalement exagéré !

May, je te l'ai dis ils sont différents de nous. Tu ne sais pas comment ces gens pensent, ils ont le diable en eux. Leur cœur est consumé par les flammes de l'enfer. Ils sont archaïques dans leur raisonnement. Tu crois vraiment que cette Alicia avait une seule chance d'hériter du pouvoir ? Les médias eux-mêmes l'ont dit, elle avait coupé les ponts avec sa famille. Tu crois que ça à voir avec quoi à par son sexe ? Evidemment qu'aucune femme ne sera jamais à la tête de leurs manigances. Ils sont trop arriérés et ont trop peur de nous pour nous laisser le pouvoir ces ordures. Cette pauvre fille était condamnée dès sa naissance parce qu'elle n'a pas eu la chance de naître avec des couilles.

Nonna ! m'exclamai-je choquée de l'entendre jurer pour la première fois.

Son sourire qui suivi m'avait instantanément fait sourire à mon tour.

Tu vois que ça te révolte finalement. concluai-je.

C'est leur retard mental qui me désole mais promets moi quelque chose. Jamais tu ne t'approches de ces gens là qu'ils soient dans le besoin ou non ne leur tend pas la main ! Ce serait le début de la fin, tu pactiserais sans t'en rendre compte avec le diable. Et crois moi personne ne sort indemne de ce genre de contrat.

Tu as l'air d'être plutôt bien renseignée pour quelqu'un qui ne connaît pas ces gens-là. répondis-je un brin de suspicion dans la voix.

Silencieuse, elle m'avait jeté un regard noir puis sans que je m'y attende elle s'était dévoilée un peu plus.

Luisa était une grande amie de ta mère. Elles étaient comme des sœurs. Puis une fois adulte malgré la solidité de leur lien, elles se sont éloignées jusqu'à perdre contact. Ta mère a rendu une seule fois visite à Luisa pendant ces années et c'était sur sa tombe. On n'a jamais su la vraie raison de sa mort mais je suis convaincue qu'elle est tombée de la main de son mari.

C'était qui ?

Tu veux dire c'est qui ? Il est toujours en vie lui. C'est Mario Condore. Un horrible personnage qui pourrait bien être le diable incarné ! Il mériterait le bûcher.

Alors c'est lui le grand patron des mafieux ?

Oh non ma chérie, la famille Madini est la plus puissante. Plus tu les éviteras, plus longue sera ta vie. Dans tous les cas promets moi de ne jamais t'approcher d'eux ! Quoiqu'il se passe !

Je te le promets Nonna. "

Mon cœur se serre à mesure que le souvenir s'évapore. Mes poings fermés de colère envers moi-même pour ne pas voir respecté ma promesse et la culpabilité de sa mort bouillonnant mon sang, je ne peux que tristement constater qu'encore une fois ses paroles étaient pleines de sagesse et de véracité.

Derrière Abiani et Feniosso, je ne peux que réaliser que ce que je considérais comme un drame à l'époque est une aubaine pour nous aujourd'hui. Même s'ils restent toujours bien entourés de famille et de gardes, il reste moins de personnes de qui se venger. Au vu de leur échange, ces deux familles demeurent une menace dont je vais devoir m'occuper. Impossible d'ignorer leur volonté de s'ériger au sommet de la pyramide et si je n'interviens pas, ils pourraient se voir attribuer cette place plus vite que prévu.

La voix claire et distinguible du prêtre résonne dans l'enceinte du bâtiment comme un cri de raison m'extirpant de mes pensées. Je me reprends pour écouter le speech de circonstances avec des éloges que Raphaël ne mérite pas.

A la fin de la cérémonie, nous sommes tous conviés à venir faire le signe de croix sur le cercueil. Debout au fond de la salle à attendre mon tour, mes yeux se perdent dans la file devant moi. Derrière sa mère le petit garçon que j'identifie comme le fils de Feniosso, se retourne pour me fixer de ses grands yeux noirs. Sans savoir comment réagir, je lui rends son regard de manière impassible. Un court échange se produit durant lequel j'arrive à constater que son innocence n'est plus que braises face aux flammes de désir de puissance qui le consument déjà.

Pervertis si jeune des sales ambitions de son père, c'est triste.

Courageux mais pas téméraire, il baisse enfin le regard avant de suivre le mouvement de file. Lorsque vient mon tour, je me poste devant le cercueil et bénis le mannequin dans son repos éternel. À la fin de mon signe de croix, je lève les yeux et les plante dans ceux d'Isabella qui me dévisagent et me foudroient. Fière de moi je lui adresse une léger sourire en coin puis, tout en continuant de la regarder, je prends le chemin de la sortie.

Je descends les escaliers vers ma moto et attends patiemment la sortie du cercueil. Une fois qu'il est installé dans le corbillard, j'enfourche mon destrier et pars en direction du cimetière où sont enterrés Ezio et Giuseppe. 

Très vite, j'arrive à ma destination. Quelques personnes sont déjà présentes et je les rejoins. En quelques minutes à peine, le monde afflue comme des fourmis autour d'une miette de pain. Placés en demi-cercle autour de la dernière demeure du mannequin, je suis tout à gauche du prêtre ayant une vue splendide sur Isabella qui ne me quitte pas non plus du regard. Je n'écoute pas un mot du discours de l'homme de Dieu n'ayant pas envie d'entendre une seule parole attentionnée pour la mémoire de Raphaël.

Sans attendre la fin, je pars tout en maintenant mon regard sur Isabella. Je souris sachant pertinemment qu'elle me maudit et que mon comportement soulève des questions d'éthique.

Je pars en direction de la tombe d'Ezio, qui étonnamment n'est pas aux côtés de son père pour leur repos éternel.

C'est mieux ainsi.

Après quelques pas, j'arrive devant la pierre froide sous laquelle demeure Ezio. Attristée, je m'agenouille et éclaircis quelques pousses de mauvaises herbes qui prennent un peu trop de place. J'effleure de mes doigts la pierre ce qui me serre instantanément le cœur et attise mes larmes.

Je commence à me recueillir silencieusement en fermant les yeux devant sa tombe ne voulant pas que des oreilles indiscrètes entendent ce que je lui dis, jusqu'à ce que je sente une paire de mains me plaquer à terre. En ouvrant les yeux, je découvre Isabella métamorphosée en une sorte de monstre affreux à la tête rouge et aux lèvres humidifiée par la salive qu'elle crache à travers ses dents.

— Tu as mis moins de temps que je pensais pour m'attaquer. déclaré-je en souriant.

— Arrête de sourire ce n'est pas un jeu espèce de folle ! rétorque-t-elle hors de contrôle alors que je pare son poing levé et prêt à m'enfoncer le visage.

Avec force, je la fais basculer sur le côté et me mets à califourchon sur elle. En dosant ma puissance, je lui donne un coup de poing qui l'assomme quelque peu.

— Ne me force pas à te tuer dans un cimetière, je suis bien déterminée à te pourrir la vie mais je veux prendre mon temps. N'essaie pas de jouer dans une cour où tu n'as pas le niveau. Je ne te ferai pas plus de mal pour l'instant mais je te promets que quand ton heure viendra tu le sauras. articulé-je en la maintenant à terre.

Je la relève par le col et la claque violemment au sol puis la laisse à terre avant de reprendre la route. 

Je me dépêche pour rejoindre Andrea et Andy, qui ont laissé les trois hommes se charger de la fin de la mise en terre du cercueil, pour partir retrouver le vrai corps de Raphaël.

Après une quarantaine de kilomètres, je suis soulagée de voir le camion avec le chauffeur et Andy et Andrea autour. Je descends de ma moto et mon premier réflexe est de courir dans les bras d'Andy ayant besoin de réconfort et de soulagement de revoir un visage familier que j'aime. Prise par surprise, elle ne met pas longtemps avant de me rendre mon étreinte.

Je me détache d'elle et lance un regard à Andrea qui hoche de la tête. Je me presse pour aller vérifier que le corps de Raphaël est bien dans son carton puis je souris les larmes aux yeux telle une grande psychopathe en le découvrant sous le couvercle.

A nous deux maintenant.

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