Le contre-temps - 46

— Qui était-ce ? m'interroge Andy, curieuse.

J'entrouvre à peine la bouche pour répondre qu'Amadeo s'empresse de répondre à ma place.

— Un beau brun ténébreux que May déshabillait en pensée et que je me suis fait un plaisir de décevoir. se moque-t-il.

Je lève les yeux au ciel à sa remarque alors qu'Andy enchérit.

— Oh c'est...

— Personne, interromps-je sèchement ne voulant pas donner plus d'importance à Enoro qu'il le mérite, Concentrons- nous sur notre objectif, on en était où ?

— L'interception de la famille Abiani. répond Ginevra impatiente.

— Qu'est-ce que tu sais de leurs habitudes ? Toi qui es devenue leur ombre, tu dois bien avoir quelques pistes.

— Effectivement, je sais par exemple qu'ils aiment aller voir des matchs de foot ensemble, aller à l'opéra mais rarement avec les enfants. Les restaurants font partie de leur quotidien. Mais d'entre toutes, l'activité qu'ils préfèrent, qu'ils font en famille et qui nous donnera une belle ouverture est le théâtre. Une fois par semaine, ils vont voir une représentation. C'est en soirée au grand théâtre de la ville puis ensuite ils rentrent tranquillement dans leur domaine.

— Parfait, nous devrons nous renseigner sur la représentation de la semaine prochaine et faire le repérage du lieu. Ensuite nous devrons également connaître le nombre de domestiques travaillant au manoir pour anticiper les potentiels adversaires. orchestré-je.

— Nous allons faire le même mode opératoire que pour les Feniosso ? demande Andy.

— Non j'ai une meilleure perspective d'exécution pour eux. réponds-je sournoisement.

Nous échangeons nos idées et convenons des derniers détails avant de mettre fin à l'élaboration du plan.

— Mardi sera donc le dernier jour des Abiani. conclut Ginevra le regard lointain, ses mots suspendus dans l'air.

Le bruit de la notification d'un message vient perturber l'atmosphère pesante qui s'était installée suite à la phrase de Ginevra. Je sors mon téléphone de la poche et vois un message d'un numéro inconnu s'afficher.

Rendez-vous demain matin au studio.

Sans avoir besoin de réfléchir, je comprends tout de suite qu'il s'agit d'Enoro. N'ayant pas réellement envie de répondre, je lui envoie simplement un émoji pouce en l'air pour lui faire comprendre que j'ai bien lu son message. Je range ensuite mon portable dans ma poche tout en étouffant les questions qui commencent à affluer. 

Il est tôt quand je me retrouve dans le bureau d'Enoro. Eclairé par la lueur orangée des rayons du soleil levant, il se métamorphose en un lieu chaleureux et intime. Alors que je suis installée dans un fauteuil face à son bureau, Enoro est quant à lui face à moi appuyé contre le bord de son bureau. Son regard planté dans le mien, il me fixe sans que je n'arrive à cerner ses pensées. L'atmosphère se charge petit à petit en électricité, trahissant notre attirance mutuelle. Ma gorge s'assèche et mon cœur bat à tout rompre pulsant mon désir croissant contre la paroi de mes veines. Mon souffle se saccade et la température de mon corps ne cesse d'augmenter. Il me devient de plus en plus difficile de maintenir le regard et sans m'en rendre compte, je promène mes yeux sur son corps en me mordillant la lèvre inférieure. Je prends conscience de mon geste quand je le vois serrer ses mains sur le rebord du bureau. Je me sens alors mouiller excitée par ses petits gestes qui trahissent son désir. Soudain, il se relève et s'approche lentement vers moi. Il pose ses mains de part et d'autre du fauteuil sur les accoudoirs, me dominant de tout son corps. Mon souffle faiblit encore plus si bien que je ne sais pas si je le retiens ou si je respire encore. Il approche ses lèvres de mon oreille, son léger mouvement libère l'odeur de son parfum ambré qui ne fait qu'accroître mon désir. Il me glisse alors tout bas et sensuellement

— J'ai eu envie de ce moment dès le jour où tu as passé cette porte pour la première fois. Maintenant qu'il est enfin arrivé, j'ai très envie de prendre mon temps.

Puis dans un mouvement lent, il frôle de sa bouche mon oreille puis mon cou, ma mâchoire et s'arrête à quelques millimètres de mes lèvres. Nos deux bouches sont si proches que nous pouvons chacun sentir le souffle chaud nous caresser l'un l'autre.

Alors que je m'apprête à m'emparer de sa bouche, il me soulève de la chaise pour ensuite me poser sur le bureau. Placé entre mes cuisses, une main à plat sur le meuble, il caresse mes lèvres de son pouce. Son regard me dévore si bien que je me sens nue sous ses yeux. Ma peau brûle de désir et mon cœur est prêt à sortir de ma poitrine tellement qu'il bat d'excitation. Mon ventre se transforme en cage pour papillons déchaînés alors qu'un courant électrique me parcourt tout le corps. Je meurs d'envie de lui, de le goûter et de nous oublier l'un dans l'autre. Après des secondes qui me paraissent une éternité, il rompt enfin la distance qui nous séparait et revendique mes lèvres. Le baiser dévient instantanément passionné trahissant notre envie désespérée de s'abandonner à l'autre. Nos gestes se font vifs et brusques impatients de découvrir et de toucher chaque parcelle de notre peau. Alors que ses lèvres se posent dans mon cou, je commence à lui retirer sa chemise puis à son tour, il retire d'un coup mon haut et relève ma jupe jusqu'à mi -cuisse. Il s'empare à nouveau de ma bouche pendant que je déboutonne son pantalon avant de glisser ma main dans son caleçon pour le masturber. Un grognement sort instinctivement de sa bouche alors que son plaisir augmente. Tout en parcourant mon corps de ses lèvres, il glisse ses doigts sous mon string et me caresse doucement mais avec une petite pression qui accentue mon plaisir. Ne tenant pas plus longtemps, excités par nos bruits de jouissance, Enoro me tire par dessous les cuisses pour me rapprocher du bord avant de me pénétrer d'un coup sec. Je crie de plaisir. Embrasé par mes cris, il accélère le rythme en me plaquant le dos contre le bureau. Ses mouvements précis et vifs me font vite atteindre l'orgasme et alors que je suis sur le point de jouir, je me réveille en sursaut dans mon lit, seule et l'intimité mouillée.

Haletante dans un mélange d'excitation et de frustration, je me laisse retomber dans mes oreillers plus troublée que jamais. C'est la première fois que je désire autant un homme autre qu'Ezio et aussi bon que cela est, il m'est difficile de l'accepter, la culpabilité et l'impression de trahir Ezio prenant le dessus. C'est dans tous les états et les hormones en ébullition que je retrouve difficilement le sommeil. 

Cette fois, c'est bel et bien réveillée que je me trouve devant la porte du bureau d'Enoro sur le point de frapper. J'essaie de calmer les pensées de mon rêve érotique qui ne m'ont pas quitté depuis le réveil. Une fois prête, je toque avant d'entrer. Mon souffle se coupe lorsque je suis à l'intérieur et que je le vois assis à son bureau. Dès que nos yeux se croisent, les pensées reviennent de plus belle et je dévie le regard ne pouvant pas le soutenir. Je m'approche tant bien que mal du fauteuil sans m'y asseoir.

— Bonjour mademoiselle Torre, asseyez-vous je vous prie. dit il d'un ton détaché.

— Je préfère rester debout. renoncé-je en chassant les images nocturnes qui fleurissent mon esprit et réveillent les sensations.

— Comme vous voudrez. Je vais aller droit au but n'ayant pas plus de temps que vous pour cette conversation. annonce-t-il clairement agacé.

Je ne lui réponds pas le laissant poursuivre.

— Mardi soir vous serez mon invitée d'honneur à un repas d'affaire. Nous rencontrons de très grand noms du show-business et je tiens à présenter mon talent le plus prometteur.

J'écarquille les yeux quand je comprends le dilemme qui s'offre à moi.

— C'est un honneur mais je me dois de refuser, je ne suis pas disponible.

Je le vois se crisper et contenir son agacement.

— Vous n'avez pas compris. Vous n'avez pas le choix, si vous n'êtes pas présente, notre contrat prend fin et vous serez livrée à vous-même avec un énorme handicap. Votre réputation. Sans parler du scandale qui vous fait de l'ombre, je m'engagerai à en rajouter une couche pour la ruiner. Et on sait très bien ce qu'une mauvaise réputation signifie dans le métier.

— Vous ne pouvez pas mettre fin à notre contrat et ruiner ma réputation juste parce que je vous ai dit non ! m'exclamé-je.

— Ah vous croyez ? Sachez que je peux faire ce que je veux, c'est mon label, mes règles. Je n'en ai rien à faire que vous deviez aller manger avec mamie le mardi soir. Vous venez où vous êtes morte pour nous. C'est vous qui voyez à quelle importance vous jugez votre avenir professionnel.

—Vous n'êtes qu'une ordure ! Seul votre intérêt passe avant celui des autres. La vraie raison est que si je ne viens pas vous passerez pour un imbécile devant vos grandes pompes et que vous n'aurez pas la crédibilité que vous supposez avoir grâce à votre arrogance !

De colère il se lève et vient se planter devant moi l'air menaçant.

— Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Je vous remplace comme je veux. C'était une opportunité pour vous mais vous crachez dessus. Si ce n'est pas vous mardi soir c'en sera une autre. Il n'y a que vous qui perdrez à ce jeu là. argumente t il ses yeux plantés dans les miens.

Le simple fait de l'imaginer aux côtés d'une autre me pique de jalousie et me fait voir rouge.

— Allez-y avec votre autre talent et faites nous le cadeau de sortir de la vie de l'un et l'autre ! m'emporté-je avant de lui tourner le dos pour partir.

J'ouvre alors la porte pour m'en aller mais Enoro la referme brutalement en plaçant sa main à droite de ma tête. Son action me fait me retourner et il en profite pour placer son autre main à ma gauche. Entourée de ses mains et face à lui, je suis prise au piège et à sa merci.

— Pourquoi est-ce que j'ai le sentiment que vous n'en pensez pas un mot ? déclare-t-il calmement de sa voix grave en me scrutant de ses iris ténébreuses.

La proximité accélère mon rythme cardiaque et mes pensées commencent à divaguer.

— Y'aurait-il une autre raison pour laquelle vous tenez à rester dans mon label ? Quand on y pense, si vraiment j'étais le connard fini que vous décrivez si bien, mettre un terme à notre contrat malgré votre scandale serait la meilleure chose à faire. Vous pourriez vous auto produire avec la fortune que vous avez. Sans personne pour vous manquer de respect. sonde t- il sans me lâcher du regard un rictus aux lèvres.

— Vous n'êtes qu'un enfoiré orgueilleux. claqué-je en réprimant mon envie irrépressible de coller mes lèvres aux siennes.

Il s'avance alors lentement vers mon oreille.

— Je sais que mon orgueil te plaît autant que ta rébellion me plaît. Seulement, à un moment il faudra bien que l'un de nous baisse sa garde. Ça ne peut pas être continuellement explosif entre nous. murmure-t-il suavement.

Papillons, décharge, cyprine, le combo du désir refait surface alors qu'il revient à sa position initiale mais avec quelques centimètres plus proche.

Je décide de jouer avec lui à mon tour et de lui susurrer à son oreille tout en prenant soin de l'effleurer de mes lèvres.

— Jamais je ne changerai pour qui que ce soit, surtout pas pour un connard arrogant.

Je le sens se tendre et découvre des yeux remplis de luxure quand je lui fais de nouveau face.

— C'est bien dommage pour vous, vous aviez un grand talent, il est triste de devoir nous séparer de vous. annonce-t-il en reculant.

La distance qu'il met d'un coup entre nous me fait l'effet d'un vide dans mon ventre. Plus que déplaisant, je me sens frustrée de ne pas pouvoir continuer de jouer plus longtemps.

Toujours adossée à la porte, Enoro me somme de partir en empoignant la poignée sans me regarder. Je me détache de la porte qu'il ouvre d'emblée. Je le contourne et en passant devant lui, je m'arrête face à lui. Je romps l'espace entre nous puis me mets sur la pointe. Je passe ma main dans sa nuque et fais mine de vouloir l'embrasser mais arrivée à quelques centimètres de ses lèvres murmure:

— A mardi.

Puis sans lui adresser un regard, je pars sans me retourner. 

****

— On a un contretemps. déclaré-je gravement en retrouvant Andy dans le salon.

Elle se tourne vers moi, la mine curieuse et inquiète.

— Enoro m'oblige à assister à un repas soit disant pour ma carrière. Si je refuse, il fout toute ma carrière en l'air et enterre mon nom à jamais. Cette vengeance est très importante pour moi mais je ne peux pas sacrifier ma passion. J'ai bossé trop dur pour en arriver là tout comme pour la vengeance mais elle peut se reporter, ma carrière non. Il est si difficile d'atteindre ce rêve que je ne peux pas me permettre de le réduire en poussière à cause d'une mauvaise décision. Si je dois tirer ma révérence dans le domaine musical, ce sera avec panache et non à cause d'un connard arrogant au chantage facile. me défendé-je avec virulence.

Andy se lève et vient se poster face à moi en posant ses mains sur mes épaules.

— May personne ne te demande de choisir. Nous sommes là pour t'aider et tu sais que tu peux compter sur nous. Nous allons trouver une solution mais ne t'en fais pas le plan se déroulera comme prévu avec quelques petits ajustements. Dans tous les cas, tu ne pouvais pas être à deux endroits en même temps. Donc on s'occupera de l'exécution de la famille de Franco et lui, nous l'apporterons comme prévu au hangar où on démarrera les hostilités une fois que tu seras libérée de ton bourreau sexy. On sait que les imprévus peuvent nous tomber dessus à tout moment mais on est une équipe soudée ce qui nous permet de les affronter et de retourner la situation à notre avantage.

Je lui souris et la prend dans mes bras soulagée par sa réponse.

— Merci Andy, tu ne sais pas à quel point tu m'es indispensable. réponds-je en la serrant fort dans mes bras.

— La question ne se pose même plus, évidemment que je te suis indispensable. Je suis le soleil de tes jours, la lune de tes nuits, le sel de ta mer, le nutella de ta tartine...

— Oui c'est bon Andy n'en fait pas trop non plus. l'interromps-je en souriant et en me délivrant de son étreinte.

Elle me rend mon sourire, victorieuse de ma confidence et ajoute:

— Je te laisse tranquille, je vais informer les autres du changement de plan, on se voit plus tard. m'annonce-t-elle avant de quitter la pièce.

Un battement de cil plus tard, nous sommes au soir de la vengeance. Comme prévu, mes acolytes me quittent pour incarner leur rôle. Alors qu'ils se dirigent tous les quatres en direction du théâtre pour intercepter les Abiani, je finis de me préparer avant de jouer ma partition à moi. 

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