La moustache - 21
Un cliquetis métallique plus tard, je me retrouve au poste, assise face à ce policier qui me toise de derrière son bureau.
— Bien Madame Madini, que faites-vous avec cette arme en votre possession ?
Mon regard rejoint le sien sur le pistolet sous sachet perquisitionné quelques minutes plus tôt. Les mains attachées dans le dos, j'essaie de contrôler mes émotions qui, tels des chiens enragés, se jettent contre les grilles qu'est mon corps pour s'en échapper. Les yeux ancrés dans les siens, j'inspire profondément avant de répondre de manière neutre.
— Pour me défendre.
Sa méfiance se lit dans le froncement de ses sourcils qui accentue son air sévère naturel. En se soumettant à l'appel de son tic qui le pousse à coiffer sa moustache de ses doigts, il trahit sa nervosité grandissante. Ses yeux noirs s'intensifient et s'étrécissent derrière ses lunettes rondes sous l'effet de la question qui lui brûle les lèvres mais qu'il s'interdit de poser ou du moins qu'il va habilement mettre sur la table.
Sa nervosité gagne du terrain quand il se gratte rapidement le haut de son crâne étoffé de ses cheveux ébène. Il la fait soudainement taire en croisant ses bras tout en s'enfonçant dans son siège avant de continuer l'interrogatoire.
— Je ne suis pas sans connaître l'origine de votre nom de famille.
— Et ? demandé-je bien décidée à ne pas lui rendre la tâche facile.
De nouveau, son tic prend le dessus. Tout en se coiffant la moustache, il se redresse et appuie ses coudes sur le bureau. Les mains jointes en un poing, il s'aventure sur ce terrain glissant dont il redoute la chute.
— Votre défunt mari, Ezio Madini, il était loin d'être un homme sans histoires.
— Qu'insinuez-vous officier ?
— Ne faîtes pas l'innocente vous voyez très bien de quoi je veux parler.
Je souris à dents déployées devant les efforts qu'il déploie pour ne pas mentionner le nom de mafia. Comme si l'évoquer allait lui attirer les foudres de ce monde qui ne ferait qu'une bouchée de lui.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je vous l'ai dit cette arme sert à me protéger.
— Vous protéger de quelle manière ? De manière directe ou indirecte ? En neutralisant l'ennemi une fois qu'il vous a fait du mal ou avant de lui laisser cette chance ? interroge t-il d'un ton si bas qu'on en croirait le murmure du vent.
— Je suis veuve officier, qu'est-ce-qu'on peut craindre d'une veuve ?
— La vengeance.
Je me tends à ses mots qui font écho à la dureté de ses traits et à son intention virulente de me percer à jour. Plus qu'un simple officier, il se révèle devenir une possible menace.
Loin de moi l'envie de lui donner de quoi alimenter son ambition, je décide de mettre fin au plus vite à cet interrogatoire et de me laver de ses soupçons sans savoir si j'y parviendrai.
— Ecoutez, je ne sais pas quels genre de fantasmes tordus votre ennui nourri mais je ne suis rien de ce que vous imaginez. Je n'ai rien à voir avec le passé de mon mari. Si je suis venue ici c'est pour tirer un trait sur toute cette ancienne vie et démarrer à zéro. Je vous l'ai dit cette arme sert à me protéger c'est tout. Je l'ai acquise depuis que je me suis faite cambrioler, ça s'arrête là.
— C'est bizarre je n'ai aucune traces de dépôt de plainte pour un cambriolage au nom de Madini. dit-il les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur, le doigt déroulant la mollette de la souris.
— C'est parce que je n'ai pas porté plainte.
— C'est étonnant en générale c'est la première chose que font les victimes.
— Quand on voit l'efficacité de vos services, je ne vois pas où est le problème de ne pas porter plainte.
Il me fusille de son regard noir puis décrispe sa mâchoire.
— Pourquoi la porter sur vous cette arme ?
— Vous avez écouté ce que je viens de vous dire ? Je me suis faite cambriolée, ce n'est pas pour laisser mon arme sans surveillance.
— Pourquoi la garder sur vous ?
— Parce qu'elle est encore plus dangereuse si elle atterrit entre de mauvaises mains.
Ma réponse à l'air de trouver sens en lui puisque malgré sa frustration et son regard sceptique, il décide de me retirer les menottes.
— Bien, nous allons garder votre arme avec nous. Vous êtes libre mais faites bien attention à vous. Il n'est pas exclu que nos chemins se recroisent.
Tout en me levant, je le fixe avant de répondre:
— Croyez-moi l'envie de vous revoir est bien la dernière chose qui m'anime.
Sur mes paroles, je me dirige vers la sortie tout en dissimulant l'anxiété qui me consume. En passant les portes du commissariat, je ne peux m'empêcher de jeter un regard derrière moi et c'est sans surprise que je découvre l'officier Callegrio me fixer de ses yeux perçant les mains devant la bouche. Devenue une énigme à ses yeux, je disparais derrière les portes pour, je l'espère, ne plus les franchir.
Je dégaine alors mon téléphone et appelle Andy pour qu'elle vienne me chercher. Quelques minutes plus tard dans un vrombissement de moteur, elle arrive enfin sur le parking du commissariat. Sans me faire prier, j'entre dans la voiture et nous détalons.
— Putain May qu'est-ce qu'il s'est passé ?! m'assomme Andy de sa panique.
— Excès de vitesse.
— On ne finit pas au poste pour un excès de vitesse ! Crache le morceaux !
— Il a vu mon arme dans ma veste quand j'ai voulu lui donner mes papiers.
— Putain la poisse ! Et alors ?
— Je crois qu'on a un ennemi en plus.
— Quoi ?! Qu'est-ce-que tu as dit ?
— Rien qui ne nous ait mis à mal mais ce n'est pas pour autant qu'il ne se méfie pas de moi. Le passé d'Ezio me colle aux baskets ce qui attise les soupçons. L'arme n'a fait que les accentuer. J'ai essayé de me dépatouiller comme j'ai pu mais il ne lâchera pas l'affaire. Il a l'air de ces flics têtus qui ont un bon flair et qui vont jusqu'au bout des choses. J'ai vu dans ses yeux sa volonté de me percer à jour et si mon instinct ne me trompe pas, je suis devenue une énigme pour lui et ça a l'air d'être tout ce qui attire sa détermination.
— Putain va falloir le buter.
— Non ! Pas de vagues. Il n'a rien de concret sur moi, juste une arme. On va faire notre enquête de notre côté en espérant trouver quelque chose de juteux pour le corrompre. Il pourrait se révéler être un atout. Un joker au sein de la police est loin d'être négligeable. Attendons de voir ce que son passé dit de lui et ensuite on agira.
— Comme tu voudras mais dès l'instant où ça pue, ce gars aura un troisième oeil !
Je souris à sa remarque alors que nous arrivons dans ma cour. La vue de ma moto me rassure et celle d'Andrea sur le perron l'air sévère, beaucoup moins.
— Bon déjà t'as pas une horde de flic à ton cul c'est que c'est moins grave que ça en a l'air. rationnalise-t-il.
— Viens on doit parler. réponds-je en entrant dans la maison.
— Vas-y je t'écoute. déclare t-il une fois arrivé dans le salon, les mains dans les poches.
— Comme je l'ai dit à Andy, je me suis fait arrêtée à cause de mon arme.
— Ton arme ?! Mais qu'est-ce que tu fous avec ?!
— Oh c'est bon pas la peine de faire de leçon de morale ! Tu l'as bien aussi et c'est pas le plus important.
Malgré son évidente rage prête à exploser, il se contient et attend la suite dans un silence fulminant.
— Le plus urgent est de déterrer le passé de ce flic. Il nous faut du croustillant pour tenter de le corrompre parce que malgré mes propos, il ne va pas me laisser tranquille comme ça.
— Son nom ?
— Eustasio Callegrio.
— Bien je suis sur le coup. annonce Andrea avant de disparaître laissant derrière lui l'écho assourdissant de la porte d'entrée violemment claquée.
— Tu me l'as parfaitement préparé pour une baise passionnée et torride ! m'applaudit Andy le sourire jusqu'aux oreilles.
Je lui lance un regard blasée alors que mon corps évacue doucement les tensions accumulées.
— Ca tombe bien que tu restes, car tu vas bientôt reprendre du service en tant qu'agent.
Sa curiosité piquée elle me regarde les sourcils arqués.
— Je ne dis pas que ce sera pour maintenant car j'ai plus urgent à faire mais je veux qu'on commence à réfléchir pour mon retour sur la scène. Si je dois tirer une conclusion de cette rencontre, c'est bien celle de travailler sur une couverture. Je suis bien consciente que je dois me faire discrète et rester dans l'ombre pour ne pas devenir la cible principale des mafieux et c'est ce que je fais actuellement en m'entraînant à l'abri des regards. Mais reprendre la musique fera la couverture parfaite dont j'aurai besoin pour n'éveiller aucuns soupçons sur mon dessein de vengeance. Qui se méfierait d'une pauvre petite chanteuse aux textes empreints de tragédie, nostalgie et d'amour impossible. J'aurai juste l'image d'une veuve torturée essayant de reprendre sa vie en main. Rien de bien redoutable aux yeux de l'ennemi. exposé-je.
— C'est sensé. Et tu comptes faire quoi alors ? Pourquoi me dire ça maintenant si tu ne veux pas reprendre du travail ?
— Parce qu'on doit le préparer, retrouver un label par exemple et parce que je veux que tu aies en tête que je désire retourner sous le feu des projecteurs un jour. Pas que tu ailles dénicher un autre talent entre temps.
— Oh tu me suffit déjà largement, tu es trop de boulot à toi seule , me taquine-t-elle, je vais faire les recherches des labels alentours et voir lequel correspondrait le mieux puis quand le moment sera venu on ira te vendre. ajoute t-elle avec un clin d'oeil.
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