La menace de l'ombre - 20

Soudain je sens les mains délicate d'Andy se poser sur la mienne et faire doucement pression pour que je baisse mon arme.

— May, qu'est-ce que tu fais ?! dit-elle d'une voix mesurée mais paniquée.

— Je n'en peux plus Andy. Je ne mérite pas de vivre encore alors que ces trois personnes sont mortes pour moi. Paola m'a suivi dans une vengeance dont elle était complètement étrangère et ça lui a été fatal. Nonna est morte par ma faute parce qu'elle voulait me protéger et Ezio est certainement mort à cause de notre mariage que ce soit ses fans ou ses ennemis. dis-je en fondant en larmes, l'arme toujours collée à la tempe.

— Rien n'est ta faute, leur destin était guidé par leur choix, pas les tiens. S'ils sont morts aujourd'hui c'est parce qu'ils croyaient en toi, ils savaient que tu étais capable de grandes choses. Te tuer aujourd'hui ne rendrait leur mort que vaine et inutile. Ils avaient confiance en toi pour les venger, ils savaient que malgré leur mort tu serais assez forte pour accomplir ce qui te porte. Ne les abandonne pas et amène-les avec toi à la victoire. Tu te sens redevable envers eux ? Tu te sens coupable de leur mort ? Alors rachète-toi en les faisant vivre à travers toi et en vainquant ensemble ceux qui les ont vraiment tuer. Apaise leur mémoire et honore les grâce à ta vengeance. Tout ça est dur mais tu as la force en toi pour y arriver et tu sais pourquoi ? Car en mourant, Paola, Nonna et Ezio ont joint leur force à la tienne et l'ont rendue encore plus inébranlable. Si tu as survécu c'est pour une raison et c'est sûrement pas celle de te mettre une balle dans la tête et mourir comme une merde allongée dans la terre battue. Ta mort sera plus épique et dans un tas d'années, le glas n'a pas encore sonné pour toi. Relève-toi et bat-toi pour ceux qui croient en toi et pour toi également. Métamorphose toi en ce phénix qu'Ezio voyait en toi, fais le vivre et rend le redoutable aux yeux de tous !

Mes larmes s'intensifient aux paroles d'Andy et doucement je baisse mon arme me sentant pathétique et misérable. Elle me la retire de la main et la passe à Andrea avant de me prendre dans ses bras. Elle attends quelques minutes que je me calme puis me chuchote à l'oreille :

— Maintenant tu vas taire tes émotions, tu vas les enterrer si profondément qu'on se demandera si tu n'es pas qu'une pierre froide. Tu ne vas plus rien laisser t'atteindre car tu sais que seule toi peut t'anéantir. Seule toi détient ce pouvoir et personne d'autre. À partir de ce moment-là, ils ne peuvent plus rien contre toi. Tu es ta seule allumette, les autres peuvent bien t'immoler tant que tu n'as pas décider de te mettre le feu, ils ne t'atteindront pas. Je sais que tu as assez de force pour résister. Grâce à ton entraînement et à Andrea tu arriveras à trouver les armes pour construire ta carapace et devenir invincible. Ne te sous-estime pas May.

Je me détache d'elle, le regard brillant d'une étincelle flamboyante ranimée par son réconfort. Elle me sourit en retour, heureuse d'avoir réussi à me faire revenir à la vie. Elle pose ses mains de part et d'autre de mon corps et me fait pivoter face aux mannequins. Elle se place derrière moi et avec une main sur mon épaule et l'autre ouverte devant moi avec l'arme à l'intérieur, me dit doucement :

— Tu ne peux plus leur faire de mal, ils sont déjà morts. Le seul mal que tu fais c'est à toi en laissant tous ces souvenirs te dominer. Ce ne sont que des souvenirs, ils ne doivent pas devenir une arme contre ta tempe. Garde le contrôle. Inspire, concentre toi, ne leur laisse même pas le temps de t'atteindre puis tire. Imagine qu'ils prennent forme devant toi en une silhouette humaine et qu'ils veulent s'emparer de toi. Mets les hors d'état de nuire avant qu'eux n'y parviennent. S'ils sont à l'extérieur de ton esprit, ils ne pourront plus prendre le contrôle sur ton corps. Fais les taire une bonne fois pour toute.

Je prends l'arme de sa paume et sens sur mon épaule un froid laissé par le vide de la main d'Andy. J'inspire et me concentre.

Je sens affluer tous les souvenirs liés à Paola. Je façonne à l'aide de mon esprit une silhouette en accord avec le mannequin de Paola comme s'il était une ombre qui se tenait devant lui. Formée de tous nos souvenirs, l'ombre laisse à mon esprit son calme et sa concentration. Mon ennemi n'est plus le mannequin mais bien cette ombre. J'inspire puis expire et tire sans difficultés sur le mannequin. Sur sa route, la balle a brisé en mille éclats, tel un miroir, la silhouette de souvenirs laissant un sentiment de paix derrière elle.

Soulagée, j'en fais de même avec Nonna, en me remémorant les mots d'Andy .

"Tu ne peux plus leur faire de mal, ils sont déjà morts."

Je reforme cette silhouette de souvenirs avec malgré tout une boule au ventre et les yeux embués par les larmes. L'exercice est loin d'être simple mais je me reconcentre, je ferme les yeux en inspirant puis les rouvre tout en bloquant ma respiration.

L'ombre se tient devant le mannequin de Nonna, je fais fis de qui ce mannequin représente et tire tout en éclatant encore une fois mon réel ennemi. Une fois que je me retrouve devant le mannequin de Nonna sans ombre et avec une balle logée en pleine tête, mon cœur se serre et je manque soudain d'oxygène.

Je ferme les yeux pour ne plus avoir cette vision de Nonna avec une balle dans la tête et me remémore nos moments heureux. Telle une douce étreinte, ils m'apaisent immédiatement. Le sourire aux yeux et les larmes aux lèvres, je rouvre mes paupières lourdes de chagrin.

Je suis tellement désolée Nonna.

Je gonfle mes poumons d'air puis expire doucement avant de poser mon regard sur ma dernière cible.

Face à moi, les yeux bleus océans d'Ezio me transpercent. Peu importe qu'ils soient vrais ou de papier, leur intensité arrive toujours à me faire chavirer et à m'intimider. Mon cœur s'emballe et mes joues s'empourprent alors que mon esprit rejoue les scènes de notre rencontre et de nos retrouvailles. Je ressens la chaleur de son sourire et frissonne aux timbres de sa voix et de son rire qui résonnent encore dans mon cœur. Nos moments heureux refont surface et malgré ma volonté, je ne parviens pas à les laisser s'échapper. Je m'accroche ne voulant pas les laisser se dissiper pour me laisser ce vide. Après un moment passé à revivre notre vie, subitement une pensée vient balayer tout mon monde imaginaire.

Ce n'est qu'une illusion, laisse tout ça derrière toi, vise tire et abat ce leurre avant qu'il ne te détruise.

A contrecœur, je réunis toutes mes forces pour former cette silhouette de notre vie heureuse, les yeux d'Ezio transperçant l'ombre.

Je lève mon arme d'une main tremblante, je retiens mes larmes mais elles coulent malgré tout. Je vise mais ne parviens pas à calmer mes tremblements. Je baisse mon arme et baisse la tête abattue mais pas vaincue.

J'inspire un grand coup, me concentre, relève mon arme et tire. Une fois le coup partit, je hurle de douleur et m'effondre à genoux, l'arme entre les mains.

Je sens l'étreinte d'Andy m'entourer et me dire tout bas :

— Tu l'as raté mais on peut en rester là et retenter quand tu seras vraiment prête, il n'y a pas d'urgences.

Je hoche la tête négativement avant de répondre.

— Non. Je dois y arriver, tu l'as dis toi-même il est déjà mort de toute manière. Ce n'est pas ma balle qui lui sera fatale. Ce n'est qu'une illusion. Je dois me contenir et y arriver.

Je me relève déterminée, sèche mes larmes et contracte la mâchoire. Je me concentre et dans un silence pesant remplis de tension, je lève mon arme, vise et cette fois tire sans détourner le regard. Malgré l'effort que cela me demande, je suis la balle des yeux pour la voir se loger en plein cœur.

Loin d'être apaisée, je ressens la douleur de l'impact de cette balle comme si elle m'était destinée. Plus vide que jamais et comme si toute humanité m'avait quitté. Je me retourne et plaque l'arme contre la poitrine d'Andy puis sors du hangar sans un mot, laissant le bruit du tir ricocher sur les murs du hangar tout comme dans ma tête et faire écho à ceux qui ont mis fin à mon idylle avec Ezio. 

Marquée par l'épisode d'hier, le besoin de me retrouver seule pour faire le point sur mon processus de guérison et mes émotions me pousse à chevaucher ma moto.

L'intensité de l'entraînement a ravivé tellement de choses, de douleurs que finalement je n'ai pas l'impression que plus d'un an s'est écoulé entre aujourd'hui et la fusillade. Comme si tout ce que j'avais vécu était finalement vieux d'hier et que le temps n'avait absolument pas pansé mes blessures.

En plein désir d'évasion, la moto m'aide à le combler parfaitement. Elle me permet de me retrouver et de réaliser ce que je veux vraiment : avancer.

Je suis épuisée de ressentir inlassablement les mêmes émotions. Je dois laisser Andrea exorciser mes démons et m'aider à me défendre contre mes propres sentiments. Je sais que je suis sur la bonne voie et je dois m'accrocher pour parvenir à notre objectif.

D'avoir tiré sur le mannequin d'Ezio hier, a été comme un déclic. Je ne dois pas laisser mon amour pour lui me détruire. Plus qu'une balle destinée au mannequin, c'est mon ancienne vie qui en était réellement la cible. La douleur que j'ai ressenti au moment de l'impact reflétait les prémices de ma métamorphose. Je suis encore loin du stade où je ne ressens plus rien mais je me sens déjà moins vulnérable à l'évocation d'Ezio. Du chemin reste à faire.

Cependant, pour la première fois je sais qu'il sera possible de vivre main dans la main avec son fantôme. Je sais qu'une vie après lui est possible et elle sera riche de vengeance. J'apprends tout doucement à vivre avec mes démons.

Ma culpabilité envers Paola sera toujours présente mais je suis la seule à pouvoir l'utiliser contre moi. Je sais que peu importe ce qu'il arrivera, avant tout j'avance pour eux et avec eux. Me tourmenter avec mes propres émotions comme pour me punir ne sert à rien. Je suis déjà bien punie de ne plus les avoir dans ma vie et de devoir la continuer sans eux. Je dois être indulgente envers moi-même et me laisser tranquille avec mes regrets. La guérison est loin d'être constante mais le tout est d'avancer même si je tombe, je dois me relever. Ça prendra le temps que ça prendra mais je suis bien décidée à dire au revoir à mon ancienne vie pour embrasser la nouvelle.

La guérison pour destination, je ne me rends pas compte de ma vitesse qui augmente dangereusement. Ce n'est que lorsqu'une lumière bleue surgit par flash dans mon rétroviseur que je prends conscience de mon excès.

Putain de merde !

Je laisse la place à la fille sage que mes parents se sont donné tant de mal à formater et réduis ma vitesse pour me garer sur le bas côté. J'ai à peine le temps de retirer mon casque que le policier se poste déjà à côté de moi, la mine sévère et prétentieuse.

— Vous avez une idée de la vitesse à laquelle vous rouliez ?

— Trop vite si vous êtes là. souris-je pour détendre l'atmosphère.

— Vos papiers s'il-vous-plaît. déclare t-il d'un ton neutre.

Sans un mot j'obtempère et ouvre ma veste pour lui tendre mes papiers. A la place de sa main tendue, je rencontre son arme avec laquelle il me tient en joue.

— Descendez de votre moto tout de suite !

— Mm...Mais qu'est-ce que j'ai fait ? demandé-je la panique au coin des lèvres en m'exécutant.

Sans comprendre ce qu'il se passe, il vient chercher mon arme cachée dans ma veste. Je me rends alors compte de mon erreur.

— Ceci dépassait de votre veste. Je vais devoir vous emmener au poste. Appelez quelqu'un pour venir récupérer votre moto.

Je m'exécute et envoie un message à Andrea.

Paralysée par ma panique, je me laisse faire sans rien dire alors qu'il me passe les menottes. 

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