La croûte - 5

— May, tu viens à peine de sortir de l'hôpital, donne-toi plus de temps au moins. insiste Andy pendant le trajet.

— Il a les cendres de mon bébé Andy. Il est hors de question que sa dernière demeure soit celle de ce fils de pute. Ezio était peut-être son fils mais ça ne lui donne pas le droit de prendre le mien !

Andy soupire et s'enfonce résignée dans son siège, la tête dans sa main accoudée à la fenêtre.

— Qu'est-que-tu peux être chiante à être autant bornée sérieusement. Même un mulet est plus docile comparé à toi et ça même sans l'appâter avec un navet.

— C'est une carotte que tu tends à un âne pour qu'il avance Andy. soupiré-je.

— Merde ! T'as compris où je voulais en venir. claque-t-elle.

Le reste du trajet se déroule dans une atmosphère pesante et tendue. Le calme d'Andrea permet à l'habitacle de ne pas s'enflammer de toute la tension qui l'électrise. Imperturbable, il se veut surtout neutre, ne voulant pas déclencher une guerre féminine.

Dans un soulagement général et contenu, nous arrivons enfin devant les grilles du manoir. Malgré les tentatives d'Andrea de les convaincre d'ouvrir à l'interphone, les portes restent désespérément fermées. Impatiente, je décide de sortir et de me montrer à leur caméra. Le pas lourd de ma contrariété, je me dirige à l'interphone pour y crier:

— Ouvre tes putains de portes Raphaël, je rentrerai dans ton taudis quoi qu'il en coûte que ce soit de manière douce ou de manière forte !

Quelques secondes passent avant que les portes ne s'ouvrent enfin dans un grincement sinistre. Je souris victorieuse et entre dans la voiture qu'Andrea gare quelques mètres plus loin, dans la cour. Je sors et marche d'un pas déterminé et rapide en direction de la porte d'entrée. Je n'arrive plus à penser, seulement guidée par le désir de retrouver les cendres de mon fils, mon environnement devient flou et dépourvu d'intérêt. D'un coup franc, j'ouvre la porte et tombe sur Isabella.

— Il est où ?

— De qui tu parles ?

— De la croûte que tu baises, où est Raphaël ?! tonné-je.

— Dans le salon mais il est occ...

Je ne prends pas la peine d'écouter la fin de sa phrase que je la pousse d'un geste brusque hors de mon chemin avant de débouler en furie dans le salon. Je découvre ma cible assise à la table à manger avec un homme tiré à quatre épingles. A ma vue, Raphaël se lève brusquement de sa chaise et fusille Isabella du regard.

— Pourquoi l'as-tu fait entrer ?! s'enflamme-t-il.

— Je me suis dit que l'histoire de la maison pourrait ainsi être réglée bien plus vite. explique t-elle en s'attablant.

— Très bien, May assieds toi qu'on règle ça. siffle Raphaël en essayant de contenir sa colère.

— J'en n'ai rien à foutre de vos histoires ! Je veux les cendres de mon fils, où sont-elles ?!

Raphaël se raidit à ma question. Puis après une grande inspiration répond :

— On parlera de ça après, quand le notaire sera parti, on ne va pas le faire attendre.

Ne tenant pas compte de ce qu'il vient de me répondre, j'insiste.

— Pour la deuxième fois, où sont les cendres de mon fils ?!

Raphaël ne cède pas. Nous nous enorgueillons alors d'une compétition silencieuse. Comprenant que les choses peuvent durer très longtemps, je m'empare du katana exhibé derrière moi sur une commode. Je le sors de son étui et menace Raphaël, la table devenant son bouclier.

Je pointe le sabre à quelques centimètres de son visage. Son sourire satisfait s'efface et malgré son insoumission évidente, la peur voile doucement ses yeux. Le notaire pétrifié s'agite nerveusement au bout de la table alors qu'Isabella, surprise par mon geste, reste de marbre et attentive à chacun de mes mouvements.

— J'ai dit où sont les cendres de mon fils ? articulé-je calmement pour étouffer de chacun de mes mots la tempête qui me tourmente.

— Tu peux baisser ton arme je vais te répondre.

J'obéis à sa demande sans pour autant baisser mon regard qui signerait ma défaite dans cette bataille. Il se racle la gorge et réajuste sa veste.

— Je les ai disséminées sur la tombe d'Ezio.

Ses mots déchaînent la tempête qui prend possession de mon esprit et de mon corps. De toute mes forces, j'assène une grand coup de katana à la verticale mais ne rencontre que le dossier de la chaise sur laquelle Raphaël était assis. Juste assez rapide pour éviter le coup, il se tient derrière son notaire qui s'est évanoui de peur.

— Comment osez-vous l'avoir fait incinérer pour le disperser sur la tombe de son père ?! Vous auriez pu l'inhumer à ses côtés plutôt que de le jeter vulgairement comme s'il n'était rien.

— J'ai fait ce qu'il méritait. Avec une mère comme toi, il n'aurait rien valu de plus qu'un bâtard. Je l'ai traité comme le foetus qu'il était. Il était hors de question que je lui fasse de la place aux côtés de mon fils et encore moins que je lui rende hommage aux yeux de tout le monde en l'inscrivant sur une tombe. Il allait devenir une honte pour la famille alors j'ai anticipé en lui offrant une sépulture digne de lui, de la vulgaire terre retournée. Il deviendra le terreau et la nourriture des insectes qui embelliront la tombe de mon fils.

Ses mots me rendent folle. Je me mets à hurler et à agiter le sabre dans tous les sens, fouettant l'air et détruisant tout ce qui se trouve sur mon passage. Isabella et Raphaël se réfugient dans une autre pièce alors que je continue de tout détruire autour de moi.

Je m'essoufle vite et c'est ce moment que choisis Andrea pour me contenir par derrière et me faire lâcher le sabre. En pleurs je laisse le katana tomber par terre dans un bruit assourdissant d'acier.

Il me soulève et m'emmène à l'extérieur puis une fois sous le porche, il me pose à terre.

Dos à lui, je m'empresse de me retourner et lui donne des coups de poing sur le torse pour qu'il me laisse passer et retourner à l'intérieur. J'ai beau mettre toute ma force, il ne bouge pas d'un poil. Frustrée de ne pas arriver à le faire bouger, je continue malgré moi de le taper, soulageant ma colère un peu plus à chaque coup.

Après quelques secondes, il comprend que je ne m'arrêterai pas et décide de me prendre en sac à patates pour me ramener à la voiture. Une fois à l'intérieur, il enclenche la sécurité enfant et démarre en trombe.

— Pourquoi tu ne m'as pas laissé le tuer ?!

— Pour qu'une horde d'hommes de main de Raphaël viennent te tuer ensuite ? Non merci.

— Ça aurait été une belle fin, j'aurais tué mes deux plus grands ennemis !

— Comment ça ?

— Raphaël et moi-même. réponds-je, les bras croisés en regardant par la fenêtre.

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