L'investisseur - 47
Vêtue d'une longue robe sirène à manches longues, son col montant et ses manches sont en transparence avec des détails géométriques striés comme une fine toile d'araignée tissée sur ma peau. De multiples pierres à l'éclat immaculé entourent mon cou et mes épaules les structurant d'épaulettes. De ma poitrine à la moitié de mes cuisses, se déversent comme de l'eau qui déferle sur la robe ces mêmes pierres qui taillent ma silhouette et la font scintiller de milles feux. Le reste de la jupe est teinté en un blanc si délicat qu'il en est presque transparent et laisse deviner la couleur de mes jambes.
Le bruit de la sonnette m'annonce qu'il est temps de partir. En ouvrant la porte, je tombe sur Enoro qui est de côté, vêtu d'un élégant costume trois pièces noir et d'une chemise blanche, son regard est rivé sur l'horizon. A ma sortie, il détourne son regard sur moi et est pris d'une légère absence et malgré ses efforts pour le dissimuler, je remarque des étoiles scintiller dans ses yeux.
Ou ne serait-ce pas simplement mes pierres qui se miroitent dans ses pupilles ?
Je le laisse à ses pensées et ferme ma porte avant de me retourner et de le saluer.
— Bonsoir Enoro. le salué-je en me dirigeant vers la voiture sans lui laisser le temps de répondre.
Avant que je n'atteigne ma portière, il me devance et place sa main sur la poignée.
— Bonsoir May, si vous permettez.
Avant qu'il n'ait le temps d'ouvrir la portière, je pose ma main dessus.
— Merci, mais je peux très bien m'ouvrir la portière sans votre aide. rétorqué-je en fixant son regard étonné.
D'un hochement de tête, il se résout à me laisser et part s'installer de son côté. Une fois dans la voiture, il informe le chauffeur de notre destination qui démarre aussitôt. Le trajet se fait dans un silence pesant. Tous deux tendus et ne voulant pas croiser le regard de l'autre, nous gardons les yeux rivés sur notre côté de route. Nous arrivons enfin sur les lieux de la réception. Avant de descendre, Enoro brise le silence de sa voix chaleureuse.
— Avant de sortir, j'aimerais vous remercier d'être venue. Aussi importante que cette soirée est pour votre carrière, elle l'est aussi pour moi. Votre présence fera toute la différence et je vous en remercie.
— Est-ce que j'avais le choix ? rétorqué-je sèchement en le fixant, sans attendre de réponse avant de sortir de la voiture.
Je me retrouve face à un grand bâtiment prestigieux, d'imposants escaliers élégamment décorés de nombreuses bougies mènent à l'entrée où un garde vérifie les identités. Je suis vite rejoint par Enoro qui glisse subtilement une main au creux de mes reins. Je me tends et frissonne instantanément à son contact sentant les papillons sortir de leurs cocons. Je réprime mes émotions et chasse sa main alors que nous avançons pour entrer dans le manoir.
Une fois à l'intérieur, nous nous dirigeons vers la salle de réception où la chaleur humaine me submerge comme une vague. Une foule de beau monde fourmille sous les imposants lustres de cristal qui surplombent la pièce. Un brouhaha ambiant laisse entendre quelques rires et esclaffades percer à mesure que nous avançons. L'atmosphère est festive et chacun est heureux, en façade du moins, de retrouver des visages familiers. Des serveurs avec coupe de champagne et amuse bouche sur des plateaux sillonnent les lieux pour assouvir les besoins de chaque invité. L'un deux s'approche de nous et je me sers en lui souriant pour le remercier. Au moment de prendre ma coupe, une autre main entrechoque la mienne et je me glace quand je croise le regard de l'homme en question.
Franco Abiani.
Au moment où j'essaie de dissimuler ma stupeur, mon téléphone sonne. Je m'écarte un peu laissant derrière moi Enoro et Franco puis décroche.
— May, surtout ne t'inquiète pas mais on ne sait pas où Franco se trouve, on a sa famille mais lui il est...
— Devant moi.
— Quoi ?
— Il est là. Faites au mieux, on se chargera de lui après la soirée. Je vais essayer de le surveiller. Je vous tiens au courant. dis-je avant de raccrocher.
Je me retourne et vois Enoro parler amicalement avec ma cible. Je les rejoins en essayant de contrôler mes émotions.
— May, laissez-moi vous présenter Franco Abiani, l'un des investisseurs de Dottrece production. introduit Enoro.
Prise par surprise de savoir qu'ils sont liés et que mes desseins risquent d'immiscer des doutes chez Enoro et compliquer les choses, je fais bonne figure et affiche un sourire de circonstance en le saluant.
— Enchantée de vous rencontrer monsieur Abiani. menté-je.
— Il en est de même pour moi, madame Madini. Permettez-moi de vous présenter mes condoléances pour votre défunt mari. Il était un homme honorable comme on en compte peu en ce monde. Sa fin a été tragique pour nous tous. Amis comme ennemis, on ne pouvait pas ignorer le fait que c'était un grand homme respecté et craint qui ne méritait pas une fin de ce genre. dit-il avec un regard fier.
— Merci pour un grand ennemi d'Ezio, vous avez le compliment facile. L'œil fier et la conscience apaisée de ne plus avoir ce grand rival à affronter. Il est plus aisé maintenant de reconnaître qu'il était un grand homme dont vous n'aurez jamais les qualités ni même la réputation. cinglé-je.
Un long silence s'ensuit alors qu'Enoro est plus tendu que jamais et moi plus méprisante que jamais. Puis lentement, le visage d'Abiani dessine un large sourire.
— J'aime ce franc parler, l'indomptable May Madini ! Vous n'avez pas la langue dans votre poche et j'aime ça ! Avec vous on sait ce qu'il en est pas de chichi pas de blabla et c'est une qualité que j'aime avoir en face de moi. Si Ezio était encore en vie, vous feriez un sacré couple redoutable.
— Vous n'avez pas idée. réponds-je avec une étincelle dans le regard et un sourire en coin.
Je détourne le regard sur Enoro qui regarde face à lui, la mâchoire contractée et l'air agacé.
— Bien je dois aller saluer d'autres de mes amis mais j'aimerai vous revoir dans la soirée. A plus tard May, Enoro. salue-t-il avant de partir.
Oh t'inquiète pas on va se revoir.
— Je ne savais pas qu'il était l'un de vos investisseurs ni que vous en aviez d'ailleurs. demandé-je à Enoro, mes yeux rivés sur Franco qui salue exagérément d'autres invités.
— C'est parce que ce sont mes affaires et non les vôtres. répond-il sèchement.
Je me tourne alors vers lui et le dévisage tandis qu'il finit sa coupe de champagne.
— Pas la peine d'être aussi désagréable c'était une simple question.
— Qui est désagréable depuis le début de soirée ? C'est loin d'être moi. Vous refusez ma galanterie et m'envoyez sur les roses alors que je vous remercie.
— Est-ce vraiment ça le fond du problème où y'a t-il en ce cœur une pointe de jalousie qui vous agace ? soulevé-je en me rapprochant de lui, le doigt à l'emplacement de son cœur et la tête légèrement relevée pour lui parler plus doucement tout en le fixant dans les yeux.
Un court silence laisse mes paroles en suspend quelques secondes avant qu'une voix féminine ne les fasse s'écraser au sol.
— Enoro ! Comme il est plaisant de te rencontrer ici. s'exclame une femme filiforme dont les attributs sont exubéramment mis en valeur par sa robe trop moulante et trop courte.
Ses longs cheveux auburn sont élégamment ondulés et arrivent dans le creux de ses reins. Du haut de ses talons aiguilles, elle s'immisce entre nous revendiquant toute l'attention d'Enoro qui la prend dans ses bras.
— Rafia, quel plaisir ! l'accueille Enoro.
Son ton et son expression sont complètement incernables si bien que je ne sais pas s'il est réellement ravi ou simplement hypocrite. Alors que la jalousie commence à embrumer mon cœur, dans une tentative désespérée d'annihiler à jamais ce sentiment désagréable, je bois une gorgée de ma coupe.
— Je te présente May Torre dont je suis le producteur. me présente-t-il en se tournant légèrement vers moi, sa main pointée dans ma direction.
Rafia affiche un sourire des plus faux et m'agresse de sa voix nasillarde et fluette.
— Oh la célèbre May, enchantée et bravo pour votre parcours ! Que pensez-vous du fait qu'on ne saura jamais vraiment si c'est votre talent, la curiosité de votre scandale ou la pitié des gens suite à la mort de votre mari qui est à l'origine du succès de votre retour ? pique t-elle avec un grand sourire, une main sur le torse d'Enoro.
— Pardon mais je n'ai pas très bien saisi qui vous étiez ?
Ma remarque pique son égo et je la vois se redresser et sur un ton fier me répondre :
— Rafia Polli, fille du grand fortuné Roberto Polli...
Je ne la laisse pas terminer ne pouvant plus tolérer sa voix une seconde de plus.
— Que pensez-vous du fait que sans votre papa chéri vous n'êtes rien, que sans sa fortune vous ne valez rien ? Que tout ce que vous possédez ou connaissez n'est pas grâce à vous, votre labeur ou votre ténacité mais simplement parce que vous êtes bien née ? La fortune ne vous rend pas supérieur aux autres ni plus respectable par contre elle vous rend bien conne et pathétique. Maintenant si vous permettez, je vais aller me nettoyer les oreilles qui sont en train de saigner à cause de votre voix à rameuter des baleines. claqué-je avant de partir avec ma coupe de champagne.
Je me dirige agacée vers le plan de table cherchant mon nom pour aller m'installer. Au même moment, une voix familière s'exclame à côté de moi.
— Quelle merveilleuse surprise nous sommes à la même table ! s'enquit Franco.
Je le regarde déconfite avec un sourire hypocrite.
— Super ! Vous qui vouliez qu'on se revoit c'est même mieux que ce que vous désiriez.
— Pour être honnête je suis très curieux de percer tout ce mystère que vous inspirez. Dès qu'on vous voit on ne peut être que happé par vos ténèbres. Vous êtes énigmatique et ça me plaît.
— Ne creusez pas trop profond vous pourriez être effrayé. déclaré-je en partant rejoindre ma place.
Je l'entends s'esclaffer derrière moi puis me prendre par le bras en me rattrapant.
— Laissez-moi vous conduire à votre siège. Nous sommes à la même table après tout et ce cher Enoro qui vous a faussé compagnie n'est qu'un crétin de vous avoir laissé à ma merci.
— Vous me croyez si vulnérable Franco ? Qui vous dit que c'est moi qui suis à votre merci et pas l'inverse ? l'interrogé-je avec un rictus.
Ma question le fait s'arrêter et lorsque je lui fais face, je le vois sourire de toutes ses dents, l'étincelle dans le regard.
— Vous êtes un sacré numéro, tenace, rebelle et confiante. Ce qui m'attriste le plus c'est de ne pas vous avoir connu plus tôt. dit-il en me reprenant le bras avant de reprendre notre marche.
— Pour ça il n'aurait pas fallu planter un couteau dans le dos à mon mari. Ou une balle dans le cœur peut-être ?
— Me croyez-vous assez fou pour faire ça ?
— Vous l'avez dit vous-même , on ne se connaît pas assez. souris-je.
— Il est temps d'y remédier.
Nous arrivons à notre table et à mon plus grand désarroi, je constate que nous sommes placés à côté. Nous nous installons et petit à petit tout le monde en fait de même. Enoro nous rejoint enfin et alors qu'il s'installe à sa place, il me glisse doucement à l'oreille:
— Qui est jaloux déjà ?
Je plonge mes yeux dans les siens et mon cœur manque instantanément un battement. Je lui souris en coin avant de rétorquer:
— A vous de me le dire.
Il répond d'un rire étouffé et de la tendresse dans le regard. La voix de Franco interrompt notre moment complice.
— Dites-moi May, vous n'êtes pas sans savoir les dernières actualités. Toute cette histoire de phénix pue la vengeance désespérée ne trouvez-vous pas ?
Je sens le regard d'Enoro se poser sur moi alors que le mien s'hypnotise de la flamme de curiosité qui danse dans les pupilles de Franco.
— Parce qu'une vengeance ne naît pas forcément du désespoir ? demandé-je d'un ton neutre.
Franco s'esclaffe avant de reprendre :
— Pas lorsqu'on est issu directement de la mafia. Et puis l'implication des médias est loin d'être notre mode de fonctionnement. renchérit-il
— Qu'insinuez-vous ? Que la mafia n'est pas derrière tout ça ? Pourtant il ne s'en prend qu'à des familles issues de ce milieu. Auriez-vous peur pour votre avenir monsieur Abiani ?
— S'il y a bien quelqu'un qui devrait avoir peur c'est ce putain de phénix car il ne sait pas ce qu'il a commencé en entamant cette vendetta. s'échauffe-t-il le regard noir en me fixant.
— Je ne sais quoi vous répondre à part que si vous vous sentez être une cible potentielle c'est que vous avez de noirs secrets. S'il y a bien une fois où vous seriez content de vous tromper c'est celle là sinon on vous retrouvera bientôt dans la rubrique nécrologique. rétorqué-je sans dévier mon regard du sien.
— Pour votre plus grand plaisir je suppose.
— Avec tout le respect que je vous dois, évidemment. assumé-je avant d'entamer mon plat ne voulant plus parler.
Le reste du repas se fait sans écart. Les conversations virevoltent au-dessus de la table certaines plus légères que d'autres. Depuis les suspicions sous-entendues de Franco, une légère tension règne et je sens que le doute s'est immiscé en Enoro qui, même s'il veut le cacher, me regarde légèrement d'un air méfiant.
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