Insinuations - 31

D' un claquement de feuille, je mets un terme à la conversation agitée entre Andy et Andrea. Habillée de leurs yeux écarquillés, je ne leur laisse pas le temps de calmer les battements irréguliers de leur coeur.

— Ce rendez-vous était un putain de piège !

— Quoi ? me demande Andy en fronçant ses traits, le regard posé sur les clichés qu'Andrea découvre.

— Ca veut dire quoi tout ça ? m'interroge-t-il en me sondant.

— Ce n'était pas Irma Perdosa mais Attilia Nume.

— Oh. échappe Andrea dont le corps se tend et le visage se ferme.

— Oh ? C'est tout ce que t'as à dire ?!

Il pose les clichés puis se gratte l'arrière de la tête.

— Je ne pensais pas que cette histoire allait resurgir.

— Quelle histoire ? intervient Andy.

Il s'éclaircit la gorge avant d'entamer:

— Elle réclame le corps de sa fille c'est ça ?

— En effet, tu peux m'expliquer pourquoi ?!

— Ca date d'il y a bientôt trois ans. Tu te rappelles quand vous vous étiez séparés avec Ezio ?

— A cause du quiproquo avec Paola ?

— Oui à ce moment là. Ezio avait pété un câble et n'était plus lui-même.

— Paola m'en avait parlé et m'avait dit qu'il perdait des alliés et se faisaient de nouveaux ennemis.

— C'est ça au point de s'être mis en danger de mort. Nume était une alliée de la famille Madini. Le problème c'est qu'elle avait un lien avec la famille Guzzo qui était la raison du contrat qui le liait à Paola et celle de votre rupture. Ce lien c'était leur fille Emilia. Née d'une nuit sans amour, Giacomo a malgré tout voulu reconnaître sa fille et faire partie de sa vie. Malgré la vie particulière de sa mère, la petite pouvait vivre normalement quand elle était avec son père. Elle adorait la danse et elle faisait du ballet. Ezio bouleversé par votre rupture n'avait plus rien à perdre alors il a commandité cet acte désespéré pour en finir au plus vite avec les Guzzo, le contrat et tenter de te récupérer. L'alliance de sa famille avec Nume était le cadet de ses soucis il était prêt à tout pour te retrouver.

Un rire jaune m'échappe.

— Il était prêt à tout pour me retrouver à part me dire la vérité sur leur contrat de merde ? Il est allée jusqu'à tuer une petite fille pour nous réunir ?! Alors qu'il en n'avait rien à faire de son alliance avec Nume et qu'il a vaillamment trahit ?

— C'était sa famille qui avait une alliance pas lui directement. Pour le contrat avec Paola c'était lui qui était impliqué. Tu sais que sa parole était une promesse qu'il ne pouvait pas enfreindre.

— Putain mais vous êtes vraiment tordus à ne pas enfreindre une parole mais pouvoir tuer une gamine de sang froid !

— Il ne voulait pas l'abattre. Il a commandité cette fusillade à ce moment pour avoir Guzzo pas la petite. Lors du soir de la représentation, les choses ont mal tournés et il n'y a eu que des victimes collatérales dont Emilia et aucun mort du côté de Guzzo.

— Comment il a pu merder à ce point ?

Andrea inspire profondément puis pince ses lèvres avant de répondre.

— Il avait excessivement bu ce soir là.

— Oh de mieux en mieux ! crié-je.

J'inspire profondément, mes pas foulant le sol alors que je me pince l'arête du nez.

Le feu s'estompe peu à peu quand je prends conscience que cette histoire coïncide avec son arrêt soudain d'alcool. Même si son acte est monstrueux, le fait de savoir qu'il a éprouvé du remord au point tel de se sevrer du jour au lendemain, m'aide à étouffer ma colère. Aussi horrible que son action peut l'être, la culpabilité derrière ce changement prouve qu'il avait bien un côté humain.

— Bref après ça, frustré de ne pas avoir descendu Guzzo, il a caché le corps d'Emilia de telle sorte à ce que personne ne la retrouve.

— S'il-te-plaît, dis moi que tu sais où elle est.

Mon espoir fane vite sous ses yeux fuyants et sa bouche pincée en un trait fin.

— Putain fait chier ! m'exclamé-je en donnant un coup de pied à la chaise qui tombe à la renverse.

— T'as un délai ? se risque Andy.

— Deux mois.

— Ou sinon ?

— Ce sera ta tête au bout d'une pique. révélé-je.

Acculée, je respire profondément face à ce portail que jamais je n'aurais voulu franchir à nouveau. Les paupières lourdes et les muscles tendus, je me masse la nuque puis les tempes pour dissiper les séquelles de ma nuit agitée. Passée à réfléchir à un autre moyen que celui là, j'ai finalement pris la route au lieu de dormir sachant pertinemment que je ne pourrai pas échapper à nos retrouvailles.

D'une main lente et incertaine, j'appuie sur le bouton de l'interphone pour signaler ma présence. Je n'ai pas besoin de parler que les portes s'ouvrent déjà. Je démarre et pénètre sur cette propriété que j'aimerai voir brûler.

Le pied à terre, je me dirige vers la porte qui s'ouvre sur le visage familier de Yolanda. Je baisse ma main avec laquelle j'étais sur le point de frapper pour lui accorder un sourire sincère.

— May, ça fait un moment. Comment puis-je vous aider ? m'accueille-t-elle.

— J'aurai aimé parler à Isabella si elle est disponible.

— Elle est absente.

— Pourquoi m'avez vous ouvert alors ?

— Je me rappelle encore de la dernière fois où vous êtes venu du vivant de Don Madini. Je travaille peut-être pour les mafieux mais je suis loin d'avoir la force de me mesurer à l'un deux. me sourit-elle.

— Vous savez quand elle va revenir ? Je peux peut-être l'attendre.

— Elle ne devrait pas tarder. répond-elle en m'invitant à entrer.

L'atmosphère est aussi pesante qu'à ma dernière visite, les pleurs et visages faussement tristes en moins. La mort règne sur les lieux. Aucune vie à part les craquements aléatoires du bois qui travaille ne réchauffe le manoir. Sans but, les domestiques errent tels des fantômes autour de nous. Ma présence ne leur fait même pas lever un sourcil. Comme si Raphaël allait rentrer d'une minute à l'autre, personne n'ose sortir de sa routine de peur d'expirer son dernier souffle.

Ou serait-ce la peur d'Isabella ?

— Je vous en pris installez-vous. propose t-elle en m'indiquant le fauteuil près de la cheminée.

Je ne me fais pas prier et m'assois.

— Voudriez-vous du thé ou quelque chose d'autre ? Son retour peut être long.

— Non merci c'est gentil mais je veux bien votre compagnie en attendant.

Elle reste un instant bloquée avant de me rendre mon sourire et de prendre place sur le canapé à côté de moi.

— Votre quotidien semble encore plus morose que ce que je pensais.

— La mort de notre Don a été tragique. Malgré le visage qu'il a pu vous montrer, nous le connaissions autrement. En privé il était un autre homme. Très respectueux avec son personnel, il veillait toujours à ce que nous nous sentions bien ici. Il accédait à chacune de nos requêtes personnelles. Pour lui notre fidélité tenait d'abord par le repect mutuel. Et il avait raison, jamais l'un de nous n'a désiré quitter la famille Madini pour une autre.

Les yeux ancrés dans les siens, je laisse mes sourcils se lever, muette. En dépit de la sincérité évidente de ses propos, il m'est difficile d'imaginer Raphaël autrement que le connard fini qui me servait de beau-père.

— Maintenant notre quotidien est différent. Nous redoutons chaque minutes de voir Isabella franchir le pas de la porte car nous savons que la suite sera désagréable.

— C'est-à-dire ?

Le corps de Yolanda se tend. Elle joue avec ses doigts tout en jettant un coup d'oeil par-dessus son épaule. Elle se penche ensuite vers moi avant de me murmurer:

— Elle est tyrannique si bien qu'on se demande si elle a vraiment un coeur. Elle nous fait vivre un enfer si on n'agit pas comme elle le demande. Personne n'ose s'enfuir de peur des représailles.

Suite à sa confidence, mes yeux se perdent dans le lointain.

Ca explique donc leur comportement.

— Don Raphaël n'a pas eu la même chance qu'Ezio.

— Comment ça ?

— D'épouser quelqu'un qui lui serait autant dévoué. Peu importe ce que vous pouvez penser ou ce qu'on a pu vous dire, vous étiez la force d'Ezio. C'est certainement ce qui lui a valu sa chute. Avec vous à ses côtés il devenaient plus redoutable. Vous le rendiez meilleur et heureux, je vous ai toujours apprécié pour ça. Après le drame de sa jeunesse il méritait d'enfin trouver la paix et le bonheur. Dans ce monde ce genre d'amour est rare car bien trop souvent il est arrangé pour le pouvoir et animé par l'ambition.

— Où voulez-vous en venir ? demandé-je les sourcils froncé en sondant son regard.

Toujours assise, elle se replace avant de s'éclaircir la gorge.

— Don Madini n'a pas eu de chances côté coeur. Donna Sienna était véritablement son plus grand amour mais était loin d'être heureuse dans ce monde. A plusieurs reprises elle a essayé de partir mais comme vous pouvez l'imaginer ça ne se passe pas comme ça. En mariant un mafieu vous scellez votre âme à la sienne ce qui veut dire que seule la mort peut vous séparer. Le divorce étant un grand déshonneur, on ne laisse pas un tel acte impuni. Heureusement pour la Donna, elle n'en est jamais arrivé jusque là et les séparations ont toujours été si courtes que c'est comme si elle n'était jamais partie. La suite vous n'êtes pas sans la connaître. Pour Isabella c'est différent, un certain attachement s'est fait entre eux mais je ne pourrais pas le définir comme l'amour. Le bonheur n'est rien face au pouvoir. Chacun se servait de l'autre sans savoir comment. Alors ce qui devait fatalement arriver s'est produit. L'un est mort de la main de l'ambition.

— Vous ne voulez pas dire que ?

— Yolanda !

La voix grave d'un domestique fait pivoter ma confidente qui se relève avec hâte. Les mains tremblantes elle réajuste son tablier.

— O...Oui ?

— Il est temps pour notre invité de partir, Donna Isabella a appelé, elle ne reviendra pas aujourd'hui. tranche l'homme stoïque, les traits aussi sévères que son ton.

— Ne vous donner pas le mal de me raccompagner Yolanda, je vous laisse en paix. affirmé-je en me redressant avant de lui poser une main réconfortante sur le bras.

Je lui adresse un sourire avant de lui demander de transmettre à Isabella mon désir de la voir à son retour. Nous échangeons nos numéros de téléphone puis d'un hochement de tête je la quitte et sors du manoir.

L'esprit embrumé par notre échange avec Yolanda, j'ai ressenti le besoin de plonger dans la mer en revenant chez moi. Par leur fraîcheur, les vagues ont cristallisé mes pensées pour les emporter dans les fonds marins.

Apaisée, je profite maintenant des doux rayons du soleil caressant ma peau pour faire une pause. Très vite un nuage voile la lumière. Ce nuage n'est autre qu'Andy éclipsant le soleil derrière son visage espiègle entouré de ses cheveux flottant au dessus de moi.

— Tu désires ? demandé-je en ouvrant un oeil encore sensible à l'éclat astral.

— L'étoile de mer a repris du service ? se moque t-elle le coin des lèvres recourbé.

— Tu m'empêches de profiter du soleil avec tes conneries. réponds en fermant les yeux.

— Tu crois que tu as le temps de lézarder ? Tu nous dois des comptes Torre alors bouge ton cul !

Elle attend que j'ouvre les yeux pour retirer son visage et laisser le soleil m'assaillir d'un flash de lumière. Les mains sur le visage je me tourne en pestant. Le confort retrouvé, je rejoins le couple infernal tranquillement installé dans mon salon.

— Est-ce trop demander une journée de repos ?

— Faut savoir ce que tu veux May ? La vengeance ou la détente ? présente Andrea.

Je lève les yeux au ciel et soupire en m'affalant sur le fauteuil libre.

— Bon ca s'est passé comment avec Isabella ? Elle a accepté de coopérer ?

— Elle n'était même pas là. J'ai attendu avec Yolanda qui m'a gentiment laissé entrer mais elle ne rentrait pas dans l'immédiat apparemment.

— Okay donc on n'a quedal pour avancer sur l'affaire d'Emilia. souffle Andrea.

— Non on est toujours au point mort mais j'ai demandé à Yolanda de lui dire que je voulais la voir avec un peu de chance sa curiosité la poussera à rappliquer rapidement.

— Elle a pu te dire des choses intéressantes ?

— Une en particulier mais qui est à confirmer. Elle soupçonne Isabella d'avoir tué Raphaël.

— Elle te l'a dit comme ça ? Alors que vous vous connaissez à peine ? interroge Andy.

— Elle m'aime bien apparemment mais elle n'a pas eu le temps de vraiment le confirmer, on a été interrompu par un autre domestique.

— Comment tu vas faire pour lui faire cracher le morceau ?

— J'ai mon idée, dis-je l'esprit ailleurs, Mais pour l'instant revenons en à ce qu'on peut contrôler. On ne va pas rester les bras croisés à ne rien faire. Pour ce qui est de Nume, je vais mettre Callegrio sur le coup en parallèle, histoire de pas se retrouver le bec dans l'eau si on fait fausse route avec Isabella. Quant à nous, attelons-nous à notre première victime, Feniosso. 

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