Funambule -4




Le voile rouge dissipé de mon esprit, je réalise ce que je viens de faire et panique. Je prends alors mon téléphone et appelle la seule personne qui saura m'aider.


— Andy c'est moi, viens vite à l'hôpital avec Andrea j'ai fait une connerie.

Je raccroche aussitôt et regarde le corps sans vie d'Alma allongé par terre. L'esprit en effervescence, je tourne en rond les mains sur la tête le temps de retrouver un semblant de sang froid. D' une même voix harmonieuse, mes pensées m'imposent de la faire rouler sous le lit.

Je me débat maladroitement avec son corps et parviens enfin à le dissimuler. Je rassemble ses affaires et pars dans la salle de bain pour nettoyer la tâche laissée par son dernier souffle de vie.

Je me réinstalle dans mes draps que je ramène frénétiquement sur mon corps. Assise, le pied agité, je fixe la porte en tournant l'alliance d'Ezio autour de mon pouce.

Faites que personne n'entre.

Le laps de temps entre mon appel et l'arrivée d'Andy et d'Andrea me paraît interminable. Sans le vouloir, je retiens ma respiration quand la porte s'ouvre. Je relâche tout dans un soupire lorsque la mine grave d'Andy apparaît.

— May ?! Qu'est-ce-qu'il t'arrive ?

Incapable de garder mon sang froid, je bondis hors de mon lit et agite les bras en parlant.

— C'est Alma.

— Quoi Alma ?

— Elle est... Elle est sous le lit. réponds-je en illustrant mes mots de mes gestes.

Andrea et Andy me fixent perplexes puis se baissent pour regarder où je leur indique. Andy se relève d'un coup sec et me foudroie de sa terreur.

— Qu'est-ce-que t'as fait ?!

Je m'effondre en larmes sous la pression et leur explique tout. A la fin de mon récit Andy me prend dans ses bras alors qu'Andrea, impassible, sort passer un coup de fil.

— Je suis tellement désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris, je ne voulais pas la tuer. articulé-je entre deux sanglots.

— Chut tout va bien, ça va aller, Andrea va s'en occuper. Entre nous elle a eu ce qu'elle méritait cette garce et encore je l'aurai passé par la fenêtre. Elle l'aurait constaté par elle-même sa légèreté d'âme.

Je reste silencieuse dans ses bras jusqu'au retour d'Andrea.

— On va la garder ici jusqu'à la nuit tombée. On ne peut pas agir tout de suite. Trop de témoins. J'vais la cacher dans ta salle de bain, les soignants n'y entrent pas ?

— Non c'est terminé, je peux enfin faire ma toilette seule. Ils ne vont jamais là-bas.

— Parfait, on va rester là avec Andy jusqu'à ce soir. Certains hommes d'Ezio viendront réceptionner le corps d'Alma en bas de l'immeuble.

— Quand tu dis réceptionner c'est vous accueillir avec le corps d'Alma une fois que vous êtes sortis ?

— Non c'est littéralement réceptionner le corps d'Alma qu'on passera par-dessus le balcon de la sortie de secours.

Je ris jaune et aperçoit les yeux d'Andy qui pétillent telle la névrosée qu'elle est.

— T'es pas sérieux ?

— Il n'y pas d'autres moyens, nous pourrions la descendre avec nous sans problèmes mais je compte passer par les urgences pour nous assurer une sortie qui n'éveille pas les soupçons, chose qui deviendra impossible avec son corps dans mes bras.

— Chouette on va pouvoir la passer par-dessus la rambarde comme le déchet qu'elle est ! s'exclame Andy les bras levés.

Je la regarde dépitée me demandant si elle est devenue psychopathe en étant avec Andrea ou si elle ne l'a finalement pas toujours été.

— Je te fais confiance.

— Que ça ne devienne pas une habitude. m'avertit-il avec un sourire en coin.

Nous restons tous les trois dans la chambre ou plutôt tous les quatres, Andy et Andrea se cachant dès qu'une infirmière vient faire mes soins ou me déposer mon repas.

Pour plus de confort, Andy s'est installée à côté de moi sur mon lit tandis qu'Andrea est tranquillement posé sur un fauteuil dans le coin de la chambre.

— Vous ne m'avez jamais parlé de ce qu'il s'est passé après la fusillade.

Ils s'échangent un regard puis d'un air entendu me racontent.

— Ezio m'avait demandé de revenir plus tard dans la soirée pour qu'on travaille sur le cas d'Ettore. Quand je suis arrivé, votre manoir était plongé dans l'obscurité alors je me suis dit qu'il avait oublié même si ce n'était pas son genre. J'ai fait le tour des pièces et de votre chambre, après avoir toqué je précise. Ne vous voyant nulle part j'ai commencé à avoir des doutes alors je suis sorti. J'ai fait le tour de la maison et c'est là que je vous ai trouvé tous les deux étendus à terre, dans une mare de sang. J'ai tout de suite appelé les secours qui sont arrivés rapidement. Vous étiez encore tous les deux en vie mais le pouls d'Ezio faiblissait de plus en plus. A peine arrivé à l'hôpital, il a succombé à ses blessures. Les urgentistes ne donnaient pas cher de sa peau au vu de l'impact de la balle si proche du cœur.

— C'est là qu'ils vous ont donné son alliance ?

Son regard se durcit sous le froncement de ses sourcils.

— Tu as son alliance ? On ne nous a rien donné mais peut-être que les infirmières l'ont gardé pour toi.

— Certainement. déclaré-je en la faisant tourner sur mon pouce, la contemplant d'un regard vide.

— Très rapidement Raphaël a pris les devants pour Ezio et s'est chargé de tout, ses obsèques, son inhumation, il n'a rien laissé au hasard.

— Oh c'est vrai les obsèques. soufflé-je anéantie de ne pas avoir pu être présente pour lui rendre hommage.

— Elles étaient magnifiques et très respectueuses. Il a eu le droit aux hommages qu'il méritait. me glisse tendrement Andy en serrant sa main sur la mienne.

— Ensuite par rapport au bébé, Raphaël a été désigné pour prendre la décision de l'inhumer ou l'incinérer. se risque Andrea.

—  May j'ai sincèrement essayer de le faire entendre raison, je l'ai supplié de l'inhumer avec son père mais il n'a rien voulu entendre, je suis désolée. s'excuse Andy.

— Tu n'y es pour rien c'est un connard fini qui se fout des autres. affirmé-je avec dépit.

— Il nous a complètement évincés et mis de côté dès que l'incinération a eu lieu. Depuis on n'a aucunes nouvelles, aucune intervention dans les journaux, ses grilles sont fermées et aucun invité n'est accepté. Bref il s'est mis hors circuit. conclut Andrea.

Je reste impassible, réduite au silence par le bouillonnement des questions qui m'assaillent mais aussi par la colère envers Raphaël qui me consume. Il m'aura pourri la vie jusqu'au bout et même lorsque plus rien ne nous relie, il faut encore que je paie les conséquences de ses décisions.

S'il croit que la mort d'Ezio l'a définitivement débarrassé de moi, il se trompe sur toute la ligne.

A la nuit tombée, mon duo de choc se chargent du corps froid d'Alma. Comme prévu, ils le balancent par-dessus la rambarde de la sortie de secours d'où je fais le guet. Andy ne perd pas l'occasion d'agrémenter la chute d'Alma d'un petit " on se retrouve en enfer, pétasse".

Sans perdre de temps, ils me disent au revoir puis disparaissent dans la pénombre des escaliers.

En retournant dans ma chambre, je sens la légèreté du soulagement d'être débarrassée du corps d'Alma contrebalancer ma culpabilité. Je sais que sa disparition fera du bruit mais comme pour Angie, elle sera vite oubliée.

Le temps défile et c'est six mois après mon admission que je sors enfin de l'hôpital.

Physiquement, je suis rétablie, mon corps a retrouvé la jouissance de tous ses membres. Émotionnellement je suis très instable. Devenue un funambule sur le fil de ma vie, l'équilibre est éprouvant à maintenir et le moindre détail peut me faire basculer et entraîner ma chute. Il m'est très difficile d'envisager un avenir serein, ce qui me pousse à appréhender un jour après l'autre.

Malgré la pluie ruisselante sur mon visage, aujourd'hui est une belle journée car j'ai un objectif en tête. Déterminée, je sais que sa réussite ou son échec tranchera ma volonté ou non de continuer à me battre.

— On est parti May, on pensait t'emmener à mon appartement et ensuite te ramener chez toi quand tu seras vraiment prête, ça te va ? demande Andy en m'ouvrant la portière.

— Non je veux aller ailleurs. réponds-je en m'engouffrant dans l'habitacle.

Je leur tends mon téléphone pour partager l'adresse puis Andy me regarde avec des soucoupes à la place des yeux.

— May c'est loin d'être une bonne idée. tente t-elle de me dissuader.

— Andrea, emmène-moi chez Raphaël s'il-te-plaît. ordonné-je sans prendre les doutes d'Andy en considération.

A mon regard déterminé, il comprend que je ne lâcherai pas l'affaire. Dans un silence mortuaire, il démarre et se met en route pour le manoir Madini.

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