Confession - 54
Les mains dans les poches, Enoro s'approche lentement. Je me tends et cache mes mains nerveuses dans mon dos. Depuis le soir où je l'ai soigné puis repoussé, nous ne nous sommes pas réellement revu. Après un regard au tribunal et un poing dans son visage jamais je n'aurais pensé le revoir et surtout pas ce soir et pas ici.
— Andy m'a invité. Elle m'a dit que c'était ton anniversaire. révèle-t-il sur un ton aussi distant que son corps l'est du mien.
Putain j'aurais du m'en douter.
— Tu réponds oui à toutes les invitations qu'on te donne ? demandé-je sur le même ton.
Il s'éclaircit la gorge puis d'un pas en avant s'avance. Il se gratte l'arrière de la tête et entame:
— Je me suis dis que c'était la bonne occasion pour parler ce qu'il s'est passé. avoue-t-il en fourrant les mains dans ses poches.
— De la soirée après le gala il y a 6 mois, du procès ou du poing dans la gueule ? interrogé-je la grimace au bout des lèvres.
— De tout à vrai dire. rétorque-t-il un léger sourire en coin.
Il s'éclaircit de nouveau la voix avant de reprendre:
— Je tenais à te féliciter d'abord pour ta liberté retrouvée. Tu le méritais.
— Tu le penses sincèrement ? Tu ne crois pas que j'ai tué ces personnes ?
Il fronce les sourcils en s'approchant d'un pas de plus.
— Je ne l'ai jamais cru. Sans parler des preuves qui le prouvaient, jamais je n'ai douté de ton innocence.
Que je le veuille ou non, ses mots me réchauffent de leur sincérité. Savoir qu'une personne extérieure à notre cercle me considère innocente et qui plus est, lui, me réconforte.
— Merci et merci d'être venu à l'audience, je ne sais pas si c'était en guise de soutien mais ça m'a vraiment touché. avoué-je avec un faible rictus.
— Même si c'était froid entre nous, je me devais d'être là pour toi. assure-t-il.
A toi maintenant de t'excuser May.
— Je suis sincèrement désolée Enoro pour mon attitude de l'autre soir. Enfin des autres soirs. Je ne voulais pas te donner un coup de poing. C'était dans l'action et...
— Ne t'inquiètes pas. Même si tes excuses sont agréables, je sais très bien comment on est quand on est dans cet état. me sourit-il.
Je ne sais pas si son aveu m'intrigue plus qu'il ne me rassure mais il détend instantanément l'un des nœuds de mon estomac.
— Que ce soient les médias où la population, ils ne t'ont pas épargné ces derniers temps alors je peux comprendre ton besoin d'aller oublier tout ça dans le fond d'un verre. Surtout avec la tournure que le procès a pris.
— Ouais, avec du recul c'était complètement idiot. assumé-je en baissant la tête.
Je sens alors les frissons me parcourir quand il relève de ses doigts mon visage face au sien.
— Est-ce que ça t'a fait du bien au moins ?
Mes yeux naviguent entre les profondeurs de ses deux iris. Avant de m'y noyer j'arrive tant bien que mal à déglutir.
— Pas qu'un peu. articulé-je avant de lui sourire.
Il me le renvoie. Perdu dans les yeux de l'autre, l'atmosphère se charge en électricité. Ses doigts toujours sous mon menton, le désir alourdit nos souffles imperceptibles. Le coeur battant, je dévore ses lèvres que mon corps hurle de revendiquer. Je le surpends à regarder ma bouche avec la même tentation qui me consume mais petit à petit, son sourire s'efface. Il s'écarte alors et remet une distance d'un pas entre nous avant de faire volte-face et de commencer à partir.
— Tu ne t'étais pas trompé ! m'exclamé-je pour le retenir.
Mes mots ont l'effet escompté car il se stoppe net avant de regarder par-dessus son épaule.
— J'en avais tout autant envie que toi ce soir-là mais mes fantômes du passé ont ressurgi au moment où ils n'auraient pas dû. m'expliqué-je.
Sublimé par le clair de lune, son regard s'attendrit et son sourire reprend possession de ses lèvres.
— Je suis tout autant désolé. Je n'aurai pas dû réagir aussi impulsivement et essayer de comprendre plutôt que de fuir. Mais tu le dis toi-même je suis arrogant alors quand mon égo est touché je bats en retraite, plaisante-t-il ce qui évapore la tension qui s'était installée, prends le temps qu'il te faut je t'attendrai. ajoute t-il compréhensif en s'approchant de moi.
— Je n'ai pas besoin de plus de temps. réponds-je en empoignant sa nuque avant de joindre mes lèvres aux siennes.
Il place ses mains sur mes joues et transforme le baiser tendre en un baiser langoureux et passionné. L'électricité naît autour de nous et la chaleur s'empare de mon corps. D'une main, il me plaque au sien, je m'embrase instantanément à son contact alors que je lutte pour contenir mon désir. Chacun de ses gestes est chargé de luxure, frénétiquement guidés par un besoin charnel. A bout de souffle, je romps le baiser.
— Nous devrions retourner à la fête avant que notre présence n'éveille les soupçons. dis-je en reprenant mon souffle et en plantant mon regard dans le sien noir de désir.
— Allons-y. répond-il avant de m'embrasser sur le front et de me prendre par la main.
Tout le monde est à la fête et remarque à peine notre arrivée. Ce qui me soulage car je n'ai pas envie de montrer la nature de notre relation avec Enoro. Habilement je retire ma main alors que je le laisse discuter avec des amis. De mon côté, je pars retrouver Andy qui met l'ambiance.
— Andy, t'as deux minutes ? lui demandé-je alors qu'elle monte le son de la musique.
— Oui bien sûr ! hurle-t-elle pour se faire entendre.
Nous entrons à l'intérieur de la maison et partons dans la cuisine trouver un peu de calme.
— Alors rabibochés avec le ténébreux sexy ?
— Oui on s'est embrassés mais ce n'est pas pour ça que je voulais te parler. J'ai croisé Armando plus tôt dans la soirée, il m'a dit être dans un business plus florissant que la musique tu en sais quelque chose ?
— Pas plus, quand on s'est vu il ne m'a rien dit de particulier à ce sujet. Je crois d'ailleurs qu'il n'avait pas encore sauté le pas et qu'il était en pleine réflexion. Pourquoi ?
— Je ne le sens pas. Je sens qu'il s'est foutu dans un truc de merde et qu'on n'a pas fini d'en entendre parler.
— Entendre parler de quoi ? tranche la voix d'Armando qui nous rejoint.
— De le merde dans laquelle tu t'es foutu. claque Andy.
Sa franchise me fait lever les yeux au ciel ne voulant pas qu'il sache qu'on parle de lui.
— Bah alors May, je t'annonce un truc et tu cours le répéter à Andy ? se moque t-il.
— De un on ne se cache rien, de deux ton histoire pue à des kilomètres, donc on aimerait savoir ce que tu trafiques.
— Bandes de pétasses fouineuses, rit-il, je suis la fée clochette qui répand sa poussière magique autour d'elle pour rendre les gens plus heureux pendant qu'elle s'enrichit.
— Tu deales de la coc' ?! s'exclame Andy choquée, alors que tu en sortais ?!
— Mais comment t'en es arrivé là ? demandé-je surprise.
— Grâce à lui. répond-il en pointant du menton Enoro qui fait innocemment son entrée les mains dans les poches.
— De quoi suis-je responsable ? demande-t-il d'un ton léger.
— Comme c'est étonnant, en plus d'être un connard arrogant c'est un trafiquant de drogue. siffle Andy hors d'elle.
Enoro détourne son regard sur moi les sourcils froncés ne comprenant pas la situation. Le regard rempli de déception, je soutiens le sien tandis qu'aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche comme s'ils étaient tous coincés dans ma gorge noués les uns aux autres.
— Mais de quoi vous parlez ?! Je n'ai rien à voir avec cette merde !
Alors que la tension devient palpable, l'éclat de rire d'Armando perce le silence et surprend tout le monde.
— Vous devriez voir vos têtes ! Vous êtes vraiment cons à bouffer du foin ! s'exclame-t-il en riant.
Je sens le regard d'Enoro se poser sur moi mais je n'arrive pas à détacher mon regard noir d'Armando que j'ai soudainement envie de tuer.
— Andy tu as tiré une conclusion trop hâtive alors je t'ai laissé t'embourber. Merci pour cette crise de rire car ça faisait longtemps que je n'avais pas ris comme ça.
— Tu n'es pas dans la drogue ? insiste-t-elle.
— Non il a investi dans mon label à la place d'Abiani qui est mort récemment. répond Enoro à la place d'Armando.
— Les affaires vont vite chez vous à peine froid que déjà on lui trouve un remplaçant ! pouffe Andy.
— On a des listes d'attente d'investisseur, Armando était le suivant c'est tout.
— Quelle heureuse coïncidence Armando, ne serais-tu pas le phénix finalement ? taquine Andy pour détendre l'atmosphère.
— Chérie, tu m'as bien vu ? Je suis un cliché ambulant à moi tout seul. Si on ne me voit pas c'est vraiment qu'il faut être aveugle. Je vis pour avoir le regard des gens rivé sur moi ce n'est pas pour faire tout ce bordel anonymement. Non moi j'aurais revendiqué haut et fort mon oeuvre.
— Où avais-je la tête j'avais oublié que tu étais une drama queen en mal de reconnaissance. rit Andy en prenant Armando par le bras pour sortir de la cuisine.
— Tu vas bien ? s'inquiète Enoro.
— Ouais, t'en fais pas un peu secouée par ce qu'il vient de se passer mais c'est bon avec un verre ça ira mieux. le rassuré-je en passant derrière lui pour retourner à la fête.
Il me retient et me tire à lui.
— Tu es sûre que ça va ? Tu ne me crois pas ? me demande-t-il ses mains sur mes joues.
— Si, bien sûr que si je te fais confiance ne t'en fais pas.
Il s'approche et m'embrasse tendrement puis passionnément. Mon cœur oublie instantanément les dernières minutes ne désirant qu'Enoro tandis que mon cerveau installe confortablement le doute qui vient de s'immiscer.
Nous retournons auprès des invités et je me sers un verre bien mérité. Je valse entre chaque invité pour échanger des banalités, rire et oublier. Je remarque alors Amadeo seul, appuyé sur la rambarde l'air pensif.
— Tout va bien ? demandé-je en lui donnant un coup d'épaule, ce qui le fait sourire.
— Ouais si on veut. admet-il.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Maria est enceinte.
— Ooooh mes félicitations c'est une grande nouvelle ! Pourquoi ne l'as-tu pas amenée avec toi ce soir ?
— Parce que le gosse n'est pas de moi. Je suis stérile.
Je me crispe et ravale mon enthousiasme suite à ses mots qui me font me sentir tout d'un coup très conne.
— Outch je suis désolée pour tout ce que je viens de dire.
— Non ne t'en fais pas tu ne pouvais pas savoir.
— Que comptes-tu faire ?
— J'en sais rien, j'ai appris ça ce matin et pour tout te dire j'ai qu'une envie l'oublier. Je ne veux ni de son gosse ni d'elle mais l'amour est parfois cruel et me fait me torturer pour une femme qui ne me mérite pas.
— Tu sais, il vaut mieux que tu souffres maintenant et une bonne fois pour toute plutôt qu'au quotidien et coincé dans une situation que tu regrettes jour après jour. Des femmes il y en a plein, certes elles ne sont pas elle et au vu de ce que tu me dis, c'est tant mieux. Mais ne te focalises pas sur une femme qui ne te mérite pas par amour car tu vaux mieux que ça. Préserve-toi avant que ça ne te ronge et t'engloutisse. C'est elle qui a tout perdu, pas toi. Tu as vu qui elle était vraiment avant qu'il ne soit trop tard alors même si c'est douloureux, prends cette porte de sortie qui t'ai offerte et va t'en, guéris et retrouve un amour qui te mérite. Ça m'arrache la mâchoire de le dire mais tu es une personne bien Amadeo.
Mes derniers mots le font sourire et rire.
— Je crois que tu as raison, il faut que je la laisse partir pour mon bien, conclut-il en me prenant dans ses bras, merci pour tes conseils.
— Si tu veux je peux te donner du boulot pour te changer les idées. dis-je en souriant et en me détachant de lui.
— Haha je savais que ce conseil allait me coûter cher. Vas-y accouche.
Il se prépare au pire en fermant les yeux et en se crispant exagérément ce qui me fait rire.
— J'aurai besoin que tu surveilles Armando et dans le cas des possibles, Enoro.
Il rouvre les yeux étonné.
— C'est tout ?
Je lui frappe l'épaule en souriant.
— Oui bien sûr mais pourquoi ?
— Tout à l'heure on a eu une discussion, je t'en dirai plus plus tard, mais ça m'a donné des doutes malgré tout et je veux savoir si mon instinct dit vrai ou non.
— A vos ordres mon général ! blague-t-il en faisant le salut militaire avant de partir rejoindre Andrea sur la piste de danse.
Le regard intense d'Enoro posé sur moi appelle mes yeux à le rencontrer. Entouré de quelques amis, il n'a pas l'air d'être très impliqué dans la conversation mais plus attiré par un autre sujet, moi. Adossée à la rambarde, je lui souris. Au moment où je me décide d'aller le voir, le visage familier de Callegrio remplace celui d'Enoro mettant fin au magnétisme qui nous reliait.
— May, salut.
— Salut Eustasio, souris-je encore sous l'emprise séductrice d'Enoro, merci d'être venu malgré tout. Je tenais à m'excuser pour t'avoir suspecté ces derniers jours par rapport à Maglione. Tu n'as rien à voir là-dedans je l'ai bien compris.
— Merci, vos excuses me font du bien. sourit-il en retour. Profitez de votre fête May, vous l'avez mérité.
Alors qu'il se retourne pour partir, il s'arrête net. Je me décale pour comprendre et me rends compte qu'il est en pleine bataille silencieuse avec Enoro. Toujours entouré des même personnes, c'est Callegrio qu'il fixe désormais. Tous deux impassible, je ne comprends pas la scène qui se joue devant moi.
— Eustasio tout va bien ? demandé-je en alternant mon regard entre lui et Enoro.
— O...Oui oui, désolé May mais je dois y aller. annonce-t-il avant de disparaître.
Je reste coi devant son changement soudain et ne remarque pas la présence d'Enoro.
— Tu es amie avec Callegrio ?
— Tu connais Callegrio ? renvoyé-je en inclinant la tête vers lui.
— Malheureusement nos chemins se sont déjà croisés. déclare-t-il la mâchoire verrouillée.
— Comment ?
— Désolé mais c'est pas un moment dont j'ai envie de parler maintenant.
L'esprit ailleurs et fermé, je le sens se tendre.
Qu'est-ce qui peut bien les relier pour que ce soit aussi tendu ?
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