Battre ses démons - 16

— Ecoute on a tous un passé dont on n'est pas fier. Avant Andy je ne voulais pas me poser, étant le bras droit d'Ezio je n'avais pas vraiment le temps pour ça. Mon travail comptait plus que tout. Avant qu'il ne te rencontre également, nous sortions beaucoup et les filles affluaient sur nous donc ça ne nous donnait pas envie de rester sérieux surtout quand on n'a pas de réel feeling avec la personne. Et puis dès l'instant où j'ai croisé le regard d'Andy ce soir-là à l'appartement d'Ezio après la fusillade de l'opéra, j'sais pas, j'ai ressenti comme un frisson électrique parcourir ma colonne vertébrale. Mon cœur s'est emballé et mon souffle s'est saccadé. Je ne saurais pas mieux décrire mon ressenti mais il n'y avait plus qu'elle comme si mon esprit avait occulté tout le reste. Après ça elle hantait mes pensées et les autres filles paraissaient insipides. C'était elle que je désirais et aucune autre. Alors oui j'ai fais le con avant Andy mais parce que finalement elles n'étaient pas celle qui me convenait. Dès l'instant où elle est entrée dans ma vie, il n'y a eu plus qu'elle et il n'y aura plus qu'elle. Je sais que c'est la femme de ma vie et chaque jour qui passe ma peur de la perdre s'agrandit. Alors tout ce que je fais, je le fais pour assurer ou en assurant sa sécurité car si je la perds, mon monde n'aura plus de sens.

Je sens mon cœur se réchauffer de soulagement lorsque je comprends qu'il tient véritablement à elle et qu'il ferait n'importe quoi pour la protéger.

— D'ailleurs, c'est aussi pour ça que je te soutiens May. Je t'admire d'être arrivée à te relever après le drame que tu as vécu et d'avoir cette rage de vivre et de te battre. Peu de personnes arrivent à ce stade, moi-même je n'y serais pas arrivé. Tu es réellement forte et je suis fier de pouvoir être ton bras droit car je sais que tu iras loin. Tu te rappelles du jour où nous nous sommes retrouvés au restaurant tous les quatre ? Avec Andy vous étiez parties aux toilettes et nous nous sommes mis à parler avec Ezio. On se confiait sur nos ennemis et plus grandes craintes. En est venue la question de qui nous redoutions le plus. Ezio s'est éclairci la gorge et avec un sourire en coin nerveux mais franc a répondu:

" De tous nos ennemis Andrea, aucun n'arrive à la cheville de ma femme. Sa force, sa rage et sa persévérance font d'elle quelqu'un d'extrêmement redoutable si elle sait les contrôler. Je prie pour ne jamais devoir la confronter car je sais que si elle est entraînée, je ne ferai pas le poids face à elle. C'est une lionne en puissance que j'ai épousée et pas le gentil chaton tout mignon, non la redoutable bête assoiffée de sang. Alors de toutes les personnes que je peux craindre, May est de loin celle que je redoute le plus."

Je regarde le sol, les larmes déperlant sur mes joues. La réminiscence du souvenir de cette soirée qui, sans le savoir, était la dernière heureuse que j'allais vivre, est un coup de scalpel sur les blessures de mon cœur. Malgré le chagrin et le vide qui en profitent pour s'y immiscer, la chaleur de ses paroles me soulage. D'un grand réconfort, elles se transforment en une bouée de sauvetage qui me permet de m'extirper de ma souffrance.

Je me sens reconnaissante envers Ezio d'avoir toujours cru en moi mais également envers Andrea pour m'avoir répété ses mots.

Emue, je m'approche de lui pour l'enlacer de toute ma sollicitude.

— Merci infiniment pour tout ça.

Je le sens se tendre puis au bout de quelques secondes il me rend mon étreinte un peu maladroit. Je mets fin à son supplice et sèche mes larmes puis avec un sourire aux lèvres en le regardant, je demande :

— On va s'entraîner ? 

Il opine du chef et repart en direction de sa voiture. Perplexe, je lui demande où il va.

— Chercher le matériel, viens m'aider y'en a pas mal.

Je m'exécute et le rattrape en quelques foulées. Il me donne deux trois sacs de sport bien remplis et je repars vers le hangar. Au bout de deux aller-retours, nous avons récupéré tout le matériel. Essoufflée, les mains sur les genoux, je lui balbutie :

— T'as emporté quoi là-dedans ça pèse une tonne.

— Tout ce dont on a besoin pour te transformer en machine de guerre.

— Alors qu'est-ce-qu'on attend ? souris-je de toutes mes dents.

— Patience, avant la pratique, la théorie.

— Oh non sérieusement ? Si je voulais de la théorie je serais retournée en cours. réponds-je dépitée.

— Pour devenir redoutable, tu dois passer par là ce n'est pas que du bang bang tout le temps. Tu dois comprendre ce que tu fais, gérer tes émotions bref être entraînée psychologiquement avant de l'être physiquement. Les deux vont de paires sinon tu ne seras pas au paroxysme de ton potentiel.

Blasée je soupire et croise mes bras en attendant la suite.

— Allez suis-moi.

Il part sur la gauche. Il y a une petite porte à l'intérieur du hangar que je n'avais pas remarqué plus tôt. On entre dans une petite pièce où se trouve une table et quelques chaises.

— Oh super c'est vraiment le retour en cours quoi.

— Arrête de te plaindre et accepte-le. De toute manière, tu n'as pas le choix. Soit tu te plains tout du long, soit tu nous épargnes tes jérémiades et on peut enfin passer aux choses sérieuses.

Je soupire et relève les sourcils détestant cette sensation qu'il ait raison. Je m'installe sur une chaise et le fusille du regard, bras croisés.

— Merci May pour ta coopération. affirme-t-il avec un sourire amusé.

Je lui rends un sourire exagéré étant toujours agacée et frustrée de ne pas pouvoir faire bang bang comme il dit si bien.

— Bien laisse-moi deux minutes, je dois avant tout faire une petite installation.

Il part et revient avec l'un des sacs qu'il pose lourdement sur la table que je soupçonne être à deux doigts de céder. Il en sort un petit projecteur et un ordinateur.

— Tu crois vraiment qu'il y a de l'électricité dans cette épave ? interrogé-je d'un ton calme, sceptique, en regardant autour de moi.

Il prend la prise d'alimentation du projecteur qu'il branche à côté de la porte. Tout en me regardant, il appuie sur le bouton pour démarrer le projecteur qui s'allume directement.

— J'ai tout vérifié avant de choisir cet endroit . Déclare t-il avec un sourire satisfait.

Je reste silencieuse, battue à mon propre jeu. Je le laisse terminer son installation, curieuse de connaître la suite et de comprendre où il veut en venir. Après quelques minutes tout démarre correctement et avant de projeter quoi que ce soit, il entame son cours.

Avant de lui laisser le temps de parler, je lève le doigt le sourire aux lèvres.

— Monsieur, j'ai oublié mon carnet de notes et ma trousse chez moi c'est grave ?

Il soupire contrarié mais amusé en même temps.

— Non tu n'as pas besoin de notes mais concentre toi s'il-te-plaît sinon j'arrête tout et tu t'démerdes.

— Okay okay j'arrête.

— Bien avant toute chose, tu dois apprendre à ne plus rien ressentir pour survivre. Tu dois arriver à te détacher de tes émotions, de tes sentiments. En gros de ce qui fait de toi un être humain. On l'a vu il y a quelques jours, la simple écoute de la voix d'Ezio t'as anéantie. Tu es devenue si vulnérable que tu étais à la merci de tous si des ennemis étaient dans les parages. Je sais également qu'à la simple évocation de son prénom tu vacilles. C'est ce point qui sera le plus dur à travailler et qui va nous demander beaucoup d'effort et de temps. C'est pour cela que nous devons travailler dessus dès le début sans jamais s'arrêter tant que tu ne t'ais pas forgé une carapace impénétrable. Tu ne pourras jamais ne rien ressentir à l'évocation d'Ezio c'est normal mais tu dois t'entraîner férocement pour revêtir un masque et faire croire à ton adversaire qu'il n'est pas ta faiblesse et qu'il ne pourra pas t'atteindre par lui.

Je me tends comprenant que la suite ne va pas me plaire du tout et qu'elle sera très pénible.

— Pour battre tes démons May, il faut les affronter. Comme tu t'en doutes, ça te sera très désagréable, tu risques même de me détester mais ce point n'est pas contournable. Si nous ne faisons pas le travail en amont et dès maintenant, tes ennemis auront l'ascendant sur toi en quelques secondes. Tu dois t'immuniser contre la douleur, tes sentiments et la faiblesse. Tu dois avoir le contrôle et le maintenir. La suite va être douloureuse et même si tu ne partages pas cet avis c'est pour ton bien. Accroche toi, on est parti.

Il lance le projecteur et la photo d'Ezio apparaît sur le mur en face de moi. La scène de la fusillade me revient instantanément en tête. Les coups de feu, la neige, le sang, son regard. De douleur, je sers le bord de la table avec mes mains si fort que mes jointures en deviennent blanches. Malgré mon évidente bataille contre moi-même, il continue à faire défiler d'autres photos que je n'arrive plus à voir à cause de mes larmes. Un serrage de dent plus tard, je détourne le regard et supplie Andrea d'arrêter en criant.

Il s'exécute puis s'approche de moi et s'agenouille pour avoir son visage à hauteur du mien. Il me prend la main et d'un ton calme et rassurant me dit:

— Il faut que tu aies vu Ezio sous toutes les coutures pour qu'aucune image ne te heurte ou ne fasse ressortir ta faiblesse. Il faut que tu aies vu le pire pour arriver à te détacher de tes émotions. Il ne faut rien laisser au hasard et surtout pas les laisser entrevoir ta vulnérabilité. Il faut que tu saches qui était Ezio, qui il a été avec toi et qui il est maintenant. Une simple ignorance peut devenir une arme que l'on retourne contre toi. Il faut que tu te familiarises avec son souvenir, que tu arrives à cohabiter en paix avec lui. Que l'évocation de son nom ne te percute pas, qu'une photo de lui ne te renverse pas et que le son de son rire ne t'anéantisse pas. Tu dois être en paix avec son fantôme, il est ton ombre, tu dois vivre en harmonie avec lui car même dans l'obscurité il ne te quitte pas. Affronte-le pour qu'il devienne ta force et non plus ta faiblesse. Laisse ton amour pour lui te guider et accepte de te confronter à lui chaque jour à partir de maintenant. Plus tu lutteras, plus ce sera dur, laisse-toi aller. Pleure si tu en ressens le besoin, vomis, hurle , frappe, extériorise tout ce que tu peux car ce n'est que de cette manière que tu arriveras à trouver la paix intérieure lorsqu'on évoquera le souvenir d'Ezio. Ça ne veut pas dire que tu auras chassé le moindre sentiment envers lui, simplement que tu auras accepté de vivre main dans la main avec son fantôme et non plus avec lui.

Mon corps convulse de sanglots. En plein désespoir et chaos intérieur, je demande à Andrea de nous arrêter là et de reprendre demain. Mes jambes ne me portent plus, ma force s'est comme évaporée de mon corps et je m'effondre de tout mon poids. Il vient à mon aide et me porte jusqu'à sa voiture.

— Nous reviendrons demain, je sais que c'est dur mais tu ne dois rien lâcher. Je nous conduis à notre appartement, tu passeras la soirée avec nous. En attendant repose-toi.

Sur ces mots, vidée de toute émotion et éreintée je m'assoupis avec comme dernière image le visage d'Ezio souriant sur le mur du hangar. 

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