Sang et loyauté



— Mais je ne veux rien à voir affaire avec toute cette merde ! Chacun reprend sa vie et basta !

— C'est trop tard. Tu as fait un choix cette nuit-là et ce choix te suivra toute ta vie.

— Alors quoi je vais devoir vivre en fugitive parce que j'ai aidé quelqu'un à ne pas mourir ?!

— Cette nuit-là tu as perdu contre la mafia. Elle t'a eu mais t'as gagné un allié. Je t'en dois une, tu m'as sauvé la vie, à moi de te rendre la pareille.

Je ris jaune avant de répondre:

— Parce que ça doit me rassurer ? Je dois être reconnaissante envers toi ? Mon preux chevalier ? Oh merci de veiller sur moi et de m'aider à ne pas me faire tuer ! craché-je hors de moi. Pourquoi étaient-ils là pour moi ces gars ? ajouté-je.

— Tu ferais une bonne mafieuse avec ton sang chaud. Tu as un allié maintenant c'est tout. Que ça te plaise ou non. Crois-moi dans ta situation tu devrais en être heureuse et reconnaissante. Oui ces gars étaient là pour toi. Une vie pour une vie. Tu m'as sauvé il y a six ans alors qu'ils tentaient de me tuer maintenant ils veulent la tiennent pour restituer l'ordre. C'est comme ça dans notre monde.

— Pourquoi ils ne te tuent pas toi alors ?

Ma question le fait doucement rire, ce qui accentue la tension dans mes poings et ma mâchoire.

— Ma belle, ils ont déjà essayé sans jamais y parvenir. Nos deux familles sont ennemies depuis longtemps et sont en perpétuel affrontement. Aujourd'hui ils ont une nouvelle raison de s'en prendre à nous et un avantage considérable car ils peuvent enfin se venger et ça sans déclarer une guerre car tu ne fais pas partie de notre famille.

— Vous êtes pathétiques à vous croire intouchables ! Vous préférez vous en prendre à plus faible que vous plutôt que de régler une bonne fois pour toute vos différends, tu parles d'une mafia toi !

Son regard s'enflamme soudainement de rage.

— On ne se croit pas intouchables, on l'est ! Tu ne connais rien à la mafia et le mal que pourrait causer une vendetta ! Chaque famille jouit de son pouvoir comme elle l'entend et malgré tout on a tous conscience de nos forces ou faiblesses face à nos ennemis donc on ne va pas chercher à déclarer une guerre si nous savons que nous la perdrons !

Sa colère est telle que la veine de son cou est prête à exploser sous la pression. Ne sachant pas quel homme il devient lorsque la colère l'emprisonne, je me contrôle et laisse le silence marquer une pause à notre échange houleux.

— Tu n'as pas répondu à ma question tout à l'heure. me risqué-je d'une voix lointaine.

— Laquelle ?

— Par rapport à Nonna comment sais-tu qu'elle est morte ? demandé-je la peau frissonnante.

— Tu veux dire quand le gars qui voulait ta peau et dont je t'ai sauvé nous a interrompu ?!

— Réponds !

Ses yeux brûlent de nouveau des flammes de colère. Les poings fermés et la mâchoire serrée, il lutte pour se maîtriser et retrouver son calme. Le regard bouillonnant rivé sur moi, il soupire avant de répondre d'un ton mesuré:

— Je pourrais te dire que c'est par simple esprit de déduction, que j'avais reconnu son ancienne maison devenu un restau avec son nom. Mais tu en sais assez pour ne pas me croire et tu aurais raison.

Les larmes commencent à monter et ma gorge à se nouer alors que j'attends la suite. Au fond de moi je crains de n'avoir deviné la vérité.

Soudainement apaisé par mon émotion naissante, Ezio se racle la gorge et détourne le regard.

— Il n'y a pas de meilleure façon pour annoncer ça alors je vais être direct. La mafia l'a tué.

A ces mots je fonds en larmes, mes jambes ne me portent plus et je tombe à genoux sur le sol soulevant un nuage de poussière au passage. Le visage couvert de mes mains, je suis prise de violents sanglots incontrôlables. La mort de Nonna étant loin d'être cicatrisée, cette annonce a l'effet d'un nouveau coup de couteau dans cette plaie encore béante. Comme si j'apprenais une seconde fois sa mort, je ne peux maîtriser mes émotions et les laisse me submerger.

Après quelques secondes, je sens Ezio se rapprocher puis s'agenouiller face à moi. Il essaie alors de me prendre les mains mais je le repousse avant de le gifler puis de me détourner de lui.

Au bout d'un moment, entre deux sanglots je parviens enfin à balbutier :

— Pourquoi ? Elle était innocente et étrangère à tout ça !

— La mafia ne se soucie pas de l'innocence. Pour eux, toute personne impliquée, même de façon périphérique, fait partie de leur jeu. Un jeu dont les règles sont écrites dans le sang et la loyauté. La mort de ta grand-mère était un message, un rappel brutal qu'aucun acte de gentillesse ne reste impuni à leurs yeux. Les trois hommes de ce soir appartiennent à la même famille : les Condore. Lorsque je suis revenu de cette nuit, mon père m'a informé que l'homme que j'ai combattu avant de me retrouver sur votre terrasse, l'un des frères, avait succombé à ses blessures. Alors, son père a dit au mien que si je survivais, c'était parce qu'on m'avait aidé, et que cette aide serait sacrifiée à la mémoire de son fils.

— Alors tu as vendu ma grand-mère ??!!

— Non jamais je n'aurai fait ça ! Je ne suis pas une balance et encore moins de ceux qui m'ont aidé !

— Alors comment ont-ils retrouvé ma grand-mère et savaient que c'était chez elle que tu étais ??

— Les hommes des Condore ont fouillé les maisons, ils ont semé la terreur, la peur pendant des semaines pour faire craquer les habitants. Ta grand-mère a toujours tenu le coup, jamais elle n'a cédé, elle était forte et d'une sagesse rare.

— Comment le sais-tu si tu n'y étais pas ?

— Dans notre monde, l'information circule plus vite et plus précisément qu'on ne l'imagine. Ils n'ont pas eu besoin de moi pour le savoir, ils l'ont découvert par eux-mêmes. Surveillance, informateurs à l'hôpital, à la police, même parmi les civils, il y a des yeux et des oreilles partout. Ma famille a suivi l'affaire et a eu des contacts qui l'ont informée de l'évolution de la situation. Ils nous ont dit que jusqu'à la fin, elle n'a pas été soupçonnée. Même dans ses derniers instants, elle n'a rien révélé. Ils ont même douté qu'elle ait été réellement impliquée dans tout cela.

— Alors comment ont-ils compris ?

— Un voisin l'a dénoncé, il nous aurait vu à la barque et a compris que tu m'aidais à m'échapper. Il est allé la voir pour lui dire qu'il ne tenait plus qu'il avait trop peur et qu'il allait te dénoncer, toi. Alors ta grand-mère a rassemblé tout son courage et lui a demandé de te préserver et de la dénoncer à ta place, sa vie étant derrière elle et la tienne devant toi. De te savoir sous ma protection, de partir avec ce secret lui permettait de mourir en paix et soulagée. Elle m'a fait promettre de te retrouver et de te protéger avant de se faire dénoncer. Ensuite le voisin a fait ce qu'il a fait et les hommes des Condore se sont occupés d'elle.

— Tu l'as vu avant de mourir ?

— Oui quand j'ai su ce qu'il se passait, je suis retourné chez elle une nuit et on a parlé. C'est là qu'elle m'a demandé de veiller sur toi.

Je me rends alors compte que je retiens ma respiration depuis le début de son récit. Lentement, je recommence à respirer. Silencieuse, les informations tourbillonnent dans ma tête.

Je finis par réaliser qu'une chose m'échappe.

— Je ne comprends pas. Si pour eux Nonna était fautive pourquoi en ont-ils après moi ?

Je vois Ezio réfléchir, les yeux cherchant dans le lointain, les sourcils froncés.

— Je ne sais pas comment mais ils ont forcément appris la vérité.

De nouveau, je me renferme dans un silence songeur si bien que je n'entends pas les pas d'Ezio s'éloigner.

Les mots me manquent. Le souvenir de Nonna me hante. Jusqu'à son dernier souffle elle m'aura protégé me prouvant une ultime fois son amour inconditionnel. Le tourbillon de mes émotions me donne le tournis. Je n'arrive plus à réfléchir ni à mettre de mots sur quoi que ce soit à part ce sentiment qui, j'ai l'impression, me tient compagnie depuis bien trop longtemps : la souffrance du deuil de Nonna.

Paralysée dans mes pensées, je reste immobile et muette. Isolée avec pour seule compagnie, le souvenir de Nonna, je me laisse de nouveau engloutir par la noirceur de mes émotions.

C'est alors que perce le lointain cri d'alerte d'Ezio se précipitant vers moi.

— Putain May bouge ils nous ont retrouvé ! 

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