Saisis ta chance
Alors que nous les regardons disparaître dans l'ascenseur, je demande:
— Pourquoi ton père et Isabella viennent souvent en même temps ?
— C'est une très bonne question mais je crois avoir la réponse.
Je hausse les sourcils et le questionne du regard.
— Tout à l'heure en faisant défiler son journal d'appel j'ai vu revenir de nombreuses fois le même numéro et c'est celui de mon père.
— Tu crois qu'ils sont... ensemble ?
— Si c'est le cas Isabella est d'autant plus avide de pouvoir que je ne le pensais et mon père d'autant plus désespérément seul que je le pensais.
Ses paroles font écho à la lueur d'ambition que j'avais discernée dans ses yeux. Si Ezio a ce même constat en la connaissant mieux que moi alors que veut-elle vraiment ?
— Tu penses sincèrement qu'elle est honnête et qu'elle n'a rien à voir là-dedans ?
— Si nous avons raison sur la nature de leur relation avec mon père, je pense qu'Isabella sera une cible à surveiller de plus près.
Sur la route en direction du manoir de son père, ses mots résonnent encore dans mon esprit, m'isolant dans mes pensées .
Retiré de la civilisation, c'est en périphérie de la ville que Raphaël a élu domicile. Après un moment à rouler, nous arrivons devant une imposante maison au style colonial qui détonne complètement avec le style traditionnel sicilien.
Sans rompre notre mutisme, Ezio presse la sonnette dont l'écho étouffé par la porte semble se perdre dans les méandres du manoir. La résonance du grincement se mêle au croassement lointain des corbeaux. Apparaît alors le sourire contagieux de la domestique.
Nous pénétrons dans le hall d'entrée, dominé par un imposant escalier majestueux. De chaque côté, de massives portes en bois sombre encadrent la scène. Ezio me prend par la main pour me guider à travers l'une d'elles sur la droite.
Nous arrivons dans une grande pièce avec une hauteur sous plafond vertigineuse depuis lequel un lustre magistral déploie son cristal. Au milieu se trouve une grande table, je suppose alors que nous sommes dans la salle à manger. Parallèlement se trouve une magnifique cheminée en pierre. A notre droite se trouve un salon où des canapés en cuir luisent de la lumière du feu de cheminée. C'est là que sont tranquillement installés Raphaël et Isabella.
— Enfin vous êtes là. Pile à l'heure, il va être temps de commencer. Yolanda, allez chercher nos invitées s'il-vous-plaît.
Quelques minutes plus tard, la domestique revient accompagnée de trois femmes que je suppose être Giulia, Pia et Valentina.
— Merci Yolanda, vous pouvez disposer. Approchez mesdames. Je vous présente May. C'est elle qui a eu l'information sur la taupe.
Les trois femmes s'échangent des regards perplexes et inquiets puis me fusillent du regard.
— Comment a-t-elle eu cette information la traînée ?
Mes yeux s'écarquillent sans qu'aucun mots ne trouvent la sortie. Seul le rire moquer d'Isabella perce la tension qui chapeaute la pièce.
— Elle n'est pas une traînée, elle est une alliée. répond Ezio clairement en colère.
— Elle couche avec toi non ? Et qui sait ce qu'elle a dû faire pour avoir cette information, alors pour moi c'est une...
— Finis ta phrase et j'te jure que j't'empale avec le tisonnier ! tonne Ezio en s'approchant d'elle de manière menaçante.
— Pour répondre à ta question, Pia, nous sommes sûrs de la source de May, le reste ne te regarde pas. intervient Raphaël mettant fin à l'échange puéril.
Elle croise les bras et se renfrogne.
— Si vous êtes là c'est pour éclaircir ce point.
— Vous pensez que c'est l'une d'entre nous ?! Et Isabella peut tout aussi l'être ! s'agite la jeune femme à la queue de cheval.
— Oh je t'en prie Valentina, je sais que c'est un exercice difficile pour toi mais essaie de connecter deux neurones au moins deux secondes. répond la plante siliconnée.
— Oui je pense que c'est l'une d'entre vous, Isabella étant déjà lavée de tout soupçon, maintenant c'est à vous de nous prouver votre honnêteté. Donnez-moi vos téléphones s'il vous plaît. s'interpose Raphaël.
Chaque fille abdique sauf une, Valentina.
— C'est d'ordre privé vous n'avez pas le droit de fouiller ! s'oppose-t-elle avec véhémence.
— Agir comme ça est très suspect, tu es sûre de n'avoir rien à cacher ? insiste Raphaël.
— Je ne suis pas la taupe si c'est ce que vous pensez mais je ne veux quand même pas vous donner mon téléphone.
Raphaël perd patience et braque une arme, sortie de son dos, sur son front.
— Tu ne veux toujours pas nous le donner ?
J'écarquille les yeux et contient mon effroi alors que Valentina soutient le regard de Raphaël.
— Si tu n'as rien à te reprocher alors donne moi ton portable. On ne te jugera pas du reste, on se fout de ce que tu fais de ton temps libre!
Au pied du mur, Valentina cède et donne son téléphone. Ezio passe au crible les trois téléphones et l'un d'entre eux lève le mystère. Il montre alors l'écran à son père pointant la preuve du doigt.
Raphaël regarde la personne en question et lui assène un coup avec la crosse de son arme sur la tête, la faisant tomber.
— Ça te fait rire de te foutre de ma gueule sale garce ?!
Rempli de rage, il lui donne un coup de pied dans les côtes. Toussant et avec beaucoup de mal elle répond:
— C'est pas moi je vous le jure !
— Pourtant c'est bien ton téléphone Valentina ?! Dès le début tu étais suspecte et maintenant je comprends pourquoi !
Il lui redonne alors un coup de pied dans le ventre. Presque à l'agonie elle répond:
— Je ne comprends pas ! Je n'y suis pour rien, je ne voulais pas que vous voyiez mes penchants sexuels. C'est pour ça que je refusais de donner le portable !
— J'en n'ai rien à foutre de qui tu baises ! Arrête de me mentir, nous avons la preuve sous les yeux que c'est toi ! Aie au moins le courage de l'admettre !
— Mais ce n'est pas moi ! On m'a piégé je ne vois que ça !
Raphaël ignore sa dernière phrase et me plaque l'arme contre le ventre.
— A toi de le faire, tu veux nous prouver que tu es l'une des nôtres ? C'est maintenant, saisis ta chance.
Je prends son arme et la main tremblante je tiens en joue Valentina. Ses yeux voilés de peur se plongent alors dans les miens accentuant mon rythme cardiaque.
— May rien ne t'y oblige, je vois que tu es bonne et respectable, ils ne t'ont pas encore pervertis. Sois indulgente et écoute moi, j'ai été piégée, je t'en supplie, tu dois me croire.
A travers son regard j'arrive à percevoir sa sincérité. Les battements tonitruant de mon cœur brouillent toute pensée qui essaie d'émerger. La concentration et la réflexion me sont impossibles. Semblable à la lumière d'une lanterne qui se fraie un chemin, seule la voix de mon instinct arrive à percer l'épais brouillard de mon esprit. Ce cri de vérité lointain insiste sur son innocence et me fait comprendre que je n'arriverai pas à tirer.
— Et si on s'était trompé ? Et si Valentina est réellement innocente ? demandé-je implorante en regardant Ezio impassible.
— Presse cette putain de détente May ! m'ordonne Raphaël.
Malgré ma volonté de faire mes preuves, je n'arrive pas à me résoudre à la tuer, mon humanité m'empêchant d'accéder à la demande de Raphaël.
— N'importe quoi aller, donne moi ça qu'on en finisse ! T'es vraiment une bonne à rien, tu es et resteras faible !
La détonation du coup de feu qui suit chasse toute les pensées de mon esprit qui se remplit des images de la scène qui se déroule devant moi. Figée face au corps inerte de Valentina, je ne peux détacher mon regard de sa tête. Comme hypnotisée par ce sang qui laisse échapper sa vie, j'entends à peine la voix d'Isabella.
En me plaquant l'arme contre le ventre elle déclare :
— Voilà comment on agit quand la mafia coule dans nos veines, pétasse.
Épouvantée, je reste paralysée sans réagir à ses mots. J'entends le bruit de ses talons s'éloigner, le bruit des sanglots des deux autres filles et le bruit de mon cœur battant à tout rompre. Je ressens alors cette boule se former dans mon estomac me poussant à me demander :
Et si on s'était trompé ?
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