Méfiance

Je me réveille après une nuit agitée plus fatiguée que reposée. Quand je n'étais pas réveillée par la douleur, c'étaient les cauchemars qui s'en chargeaient. A chaque épisode, Ezio arrivait à me calmer me permettant de me rendormir rassurée mais l'heure d'après tout recommençait.

Après quelques secondes passées à émerger, j'ouvre enfin les yeux et remarque que la place d'Ezio est vide. Je me redresse alors difficilement, la douleur des lacérations sur mon dos me faisant un mal de chien. Les pieds à terre, j'enfile la chemise d'Ezio. Sa légèreté n'empirant pas ma souffrance et son odeur accentuant mon réconfort. Je descends ensuite le retrouver dans la cuisine.

— Salut Ezio, bien dormi ?

Il se retourne, l'air surpris.

— Hey ma belle, c'est surtout à toi qu'il faut demander ça après la nuit que tu as passé.

Je m'approche de lui et me recroqueville dans ses bras en faisant attention à mon dos. Lovée au creux de son cou, tous mes maux semblent disparaître, je me sens apaisée.

— Honnêtement je ne sais pas, je me sens bizarre. A la fois plus forte et étrangère à moi-même. Je n'arrête pas de revoir son visage. Même s'il méritait de mourir et que ça m'a soulagé sur l'instant, je me sens horrible, je ne me reconnais pas dans la personne que j'étais hier. Je crains que ça ne m'ait changé à tout jamais et me sachant capable du pire ça me fait peur.

— C'est normal ce que tu ressens, tuer un homme c'est loin d'être évident surtout quand tu es étrangère à notre milieu. Je ne sais pas si ça te rassurera mais je me rappelle chaque détail de ma première fois. Comme si c'était hier. Je revois ma victime chaque jour. Son visage se cache derrière mes paupières me hantant à chaque fois que je les ferme. Tu n'arriveras jamais à l'oublier mais le temps t'aidera à ne plus en souffrir. Cet homme savait qu'il encourrait à sa vie chaque jour, comme nous. Dans les gang ou la mafia, nous savons que chaque jour peut être le dernier. Avec tous nos ennemis, les ennuis et les situations dangereuses que nous vivons nous avons en permanence une cible sur le front. Alors cet homme devait mourir un jour ou l'autre et grâce à toi il a été arrêté plus vite. Tu devras malheureusement t'y faire si tu veux continuer ce que tu as entrepris et si tu veux rester à mes côtés. La question est, es tu prête à vivre comme nous ? A vivre cette vie de danger, d'adrénaline, de violence et de risques ? Es-tu prête à te réveiller chaque matin en te demandant si ce n'est pas le dernier ? Est-ce que tout ça en vaut vraiment la peine ?

Je réfléchis et prends conscience de l'éphémérité de cette vie. Que d'une seconde à l'autre tout peut basculer pour une autre vie ou pour la mienne.

Finalement n'est-ce pas ça qui m'attire ? Au fond de moi ne suis- je pas en train de me révéler à mon destin ? Pourquoi ne me suis-je jamais sentie aussi vivante et autant à ma place que depuis qu'Ezio est revenu dans ma vie ?

— Je crois qu'inconsciemment mon esprit savait tout ça. Sinon je pense que jamais je ne t'aurai suivi. A l'incendie de mon appartement je me serais d'autant plus effondrée et n'aurais pas voulu me venger. Le choc de la réalité est dur et je prends bien conscience que tout ça n'est pas un jeu loin de là mais je ne me suis jamais sentie aussi vivante et à ma place que quand je suis à tes côtés. La contrepartie est éprouvante et difficile mais je suis prête à endurer tout ça et à m'endurcir pour être avec toi.

Mes mots semblent être ceux qu'il voulait entendre puisqu'un énorme sourire illumine le visage d'Ezio qui m'embrasse fougueusement en guise de réponse. A travers son baiser je ressens toutes ses émotions, sa joie, sa colère, son inquiétude mais également sa peur de me perdre. 

— Je dérange peut-être ? 

Nous nous retournons rapidement pour découvrir Raphaël aux côtés d'Isabella.

Il est vraiment doué pour surgir au mauvais moment.

Si notre peau devenait réellement verte de jalousie, alors Isabella ferait pâlir les plus belles plantes vertes.

— May, allez vous changer. Je ne veux pas tenir de discussions d'affaires avec vous dans cette tenue.

Encore intimidée par sa personnalité, je m'exécute sans broncher, mettant sous silence mon côté rebelle.

Alors ça y est, il m'accepte vraiment ?

Une fois changée, je redescends auprès de tout le monde.

— Bien nous pouvons commencer.

Je les rejoins dans la salon où Isabella est assise aux côtés d'Ezio sur le canapé et face à eux Raphaël est accoudé à la cheminée. Je prends place sur le fauteuil à droite du canapé.

— May, tout d'abord, laissez-moi vous féliciter pour votre baptême mafieux réussi. Vous êtes arrivée à notre objectif avec brio. Je saurai m'en rappeler même s'il vous faudra plus que ça pour faire partie intégrante de notre cercle.

— Ce n'est pas parce que tu as tué un homme que ça fait de toi l'une des nôtres. Tu es loin d'avoir le sang mafieux dans tes veines et ta présence ici n'est que grâce à Ezio. Nous tous, les autres membres du cercle, ne désirons pas ta présence qui nous causera, je suis sûre, des problèmes médiatiques et bien d'autres encore insoupçonnés. Un jour ou l'autre ça nous retombera dessus et nous saurons où te trouver. ajoute Isabella d'un ton condescendant.

En silence, je tue du regard la pétasse siliconée. La fraîche victoire auprès de Raphaël retient mon envie irrépressible de la remettre à sa place.

Avec la tonne de plastique que tu as dans ton corps, le réchauffement climatique a du soucis à se faire.

— Merci pour ton intervention Isabella, si j'avais eu besoin d'entendre ta voix sifflante je te l'aurais fait savoir. la rembarre Raphaël.

Je dissimule non sans mal la satisfaction que l'intervention de Raphaël me procure. Isabella s'enfonce alors dans le canapé. Ezio baisse la tête en essayant de réprimer son sourire moqueur, ce qui me fait sourire à mon tour mais il disparaît vite quand j'entends la voix du patriarche résonner à nouveau.

— Comme je disais, tu devras prouver plus d'une fois que tu peux être véritablement des nôtres et pour que tu sois digne de notre confiance totale. Cependant avec ce que tu as accompli tu mérites de faire part de nos réunions et de nos plans. Nous nous gardons le droit de t'en exclure si nous avons des doutes quant à ta fiabilité ou sur les conséquences médiatiques que cela pourrait avoir.

Je comprends alors que ma notoriété leur sera toujours un problème quoi que je fasse pour eux. Monte en moi l'envie irrépressible de leur prouver leurs torts et que malgré ma célébrité je peux être discrète sur ma vie privée et protéger leur cercle des médias. Je saurai faire taire leurs doutes et leur prouver ma fiabilité.

— Je vous prouverai que je suis digne de confiance, que ma vie privée peut être loin de toute effervescence médiatique et que jamais vous n'aurez les feux des projecteurs sur vous et vos affaires.

— Tes paroles sont sages mais ne t'engages pas sur un terrain glissant. Tu ne peux pas savoir à l'avance ce qui va se passer alors garde tes mots pour toi et nous nous concentrerons plus sur tes actes. Seuls ces derniers feront foi de ta légitimité au sein de notre famille.

Je hoche la tête, demeurant impassible ne désirant pas qu'il comprenne que ses mots, semblables à des flèches, sont allés directement se planter dans mon égo.

— Maintenant pour ce qui est de la taupe, en savons-nous plus ?

— Tout ce que j'ai réussi à lui extraire comme information est qu'il était contacté par numéro masqué et qu'au bout du fil une voix de femme l'informait de ce qui allait se passer.

— Bien, il n'y a pas trente-six solutions. Au sein de notre cercle, il y a toi Isabella, Pia, Valentina et Giulia. C'est forcément l'une d'entre vous. accuse Raphaël.

— Vous ne me suspectez quand même pas ? s'offusque Isabella, les yeux écarquillés et la bouche ouverte.

Si elle ne m'inspirait pas autant de mépris j'aurais presque pu la prendre en pitié mais au lieu de ça je jubile des soupçons qu'elle attise en espérant secrètement qu'elle soit cette fameuse voix.

— Et pourquoi pas ? répond Ezio d'un ton sec en la fusillant du regard.

— Mais parce que.... Enfin..., elle marque une pause pour formuler une phrase compréhensible, soyez sérieux deux minutes je ne vais pas vous trahir. Depuis la mort de Giuseppe je n'ai fait que vous aider et m'investir dans les plans pourquoi j'irais contrecarrer tout ça et vous planter un couteau dans le dos ?

— Désolée Isabella, on doit douter de tout le monde. Je vais te demander de me passer ton portable pour vérifier ton journal d'appel, simple vérification tu comprends ? répond Raphaël en calmant les esprits.

Isabella s'exécute et c'est Ezio qui s'empare de son téléphone. Après quelques minutes à faire défiler le journal, il hoche la tête négativement. Dépitée qu'elle ne soit pas la taupe, je le regarde rendre le téléphone à sa propriétaire qui reste muette.

— Bien, maintenant que tu es dégagée de tous soupçons, nous allons devoir fouiller dans le portable de chaque fille et découvrir qui nous a trahis.

Sur ces mots, Raphaël quitte le salon avec Isabella à ses talons.

— Rendez-vous dans une heure chez moi pour nous réunir avec les filles et percer tout ça à jour. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top