Le regard vide
Je rattrape Paola qui me guide à travers les espaces sombres du manoir, la lumière manquant cruellement malgré les nombreuses fenêtres présentes. Les murs sont en bois sombre . La seule couleur que j'arrive à distinguer est le rouge. Lorsque ce ne sont pas les murs, ce sont les tapis ou le mobilier. Tout est cossu, quelques touches d'or sont élégamment associées au rouge dominant. Nous empruntons un noble escalier dont l'écho du grincement de nos pas annonce notre arrivée vers les appartements de Mario. L'atmosphère est pesante et malaisante. Plus nous approchons de sa chambre, plus une odeur de maladie et de désinfection s'empare de l'air.
Impossible de rater sa porte, une armoire à glace est piquée devant. A sa vue, je me crispe en comprenant qu'il sera moins aisé que ce que je pensais de le tuer. Nous nous approchons et une fois devant lui je retiens mon souffle de peur que les battements de mon cœur trahissent la raison de ma présence.
— Bonjour Léo, je viens pour les soins de Don Mario si tu veux bien nous laisser passer. Je te présente ma stagiaire, Mina, qui vient m'aider.
— Toi oui, elle non. impose-t-il, impassible, sans bouger.
— Mais j'ai besoin d'elle, de lui montrer mon métier.
— J'ai dit non, elle devra vous attendre dehors.
Sur ces mots, la porte s'ouvre et deux hommes que je reconnais immédiatement, sortent de la chambre. Ce sont les deux frères Condore qui nous ont agressé à la sortie du bar avec Andy. Je me crispe à leur vue de peur qu'ils me reconnaissent. Ils passent devant nous sans même vraiment prendre la peine de nous regarder puis en descendant l'escalier lancent.
— Paola, on compte sur toi pour prendre soin de lui, aujourd'hui père n'est pas en très grande forme.
Puis ils disparaissent, laissant l'écho de leur pas grinçant derrière eux. Paola entre après que Léo l'ai fouillé au corps. Je me rapproche d'elle mais il me bloque avec son bras.
— Vous ne comprenez pas quoi dans non ?
Une voix faible mais grave se fait entendre.
— Léo qu'est-ce-qu'il se passe ?
— Rien Don Mario, je suis venue avec une stagiaire mais Léo désire qu'elle reste dehors.
Le temps de leur échange j'aperçois sur le côté gauche de sa chambre une porte fenêtre qui doit certainement donner sur un balcon.
— Léo a raison, je ne veux être soigné que par quelqu'un de confiance. La stagiaire reste à sa place c'est-à-dire dehors.
Paola se retourne dépitée vers moi mais j'arrive à capter son regard et à lui montrer des yeux la fenêtre. Elle se retourne pour voir puis pour me dire qu'elle a compris elle hoche légèrement la tête.
Léo referme la porte puis je me recule. J'attends plusieurs minutes pour éviter d'éveiller les soupçons. Minutes qui passent très lentement sous le regard pesant du garde du corps.
Enfin je me racle la gorge et ose demander où sont les toilettes.
— Dans la salle de bain, première porte à gauche.
Je le remercie et suis ses indications. Une fois à l'intérieur, je suis soulagée de voir une fenêtre. Je l'ouvre, passe ma tête à travers et me rends compte que la chambre de Mario est juste à côté. Elle se trouve dans la tour au deuxième étage, au-dessus de l'entrée. Seulement je dois enjamber le garde corps de la fenêtre pour ensuite atteindre la balustrade du balcon de la chambre de Mario et l'escalader. Ce changement de plan est plutôt périlleux mais je n'ai pas d'autres choix.
J'enjambe la balustrade et me tiens au garde corps pour ne pas tomber. J'ai très peu de place de manœuvre et la balustrade est plus loin que ce que je pensais. Je tente de l'atteindre en tenant d'une main le garde-corps et essayant de prendre la balustrade de l'autre mais mon bras est trop court. Je me raccroche à la barrière et prends mon courage à deux mains.
Après une grande inspiration je me lance pour atteindre la balustrade mais le coin de du rebord de fenêtre s'effrite sous mon pied ce qui me fait déraper. De justesse je rattrape le garde corps avec ma main gauche mais tombe de tout mon poids contre le mur ce qui me fait un mal de chien. Grâce aux entraînements de Salva, j'arrive à me hisser à l'aide de mes deux mains sur le rebord de fenêtre. Je me tiens au garde-corps et me rends compte qu'il est impossible de tenter de nouveau le coup n'ayant plus du tout de marge de manœuvre.
Je me résous à revenir dans la salle de bain. Je fais les cents pas à la recherche d'une idée mais tout ce qui me vient en tête est une idée à hauts risques. Je ferme les yeux pour me rappeler la posture de Léo. Il est debout devant la porte, les mains jointes devant lui. Il fait un bon mètre quatre-vingt quatre vingt-cinq. J'ai beau me concentrer, je ne vois pas d'armes. J'ouvre les yeux, me regarde dans le miroir.
Rapidité et précision.
Je hoche la tête de manière entendue puis inspire et expire. J'arme mon pistolet et le range dans ma poche. Je me concentre en calmant ma respiration puis après une grande inspiration je prends l'arme dans ma poche. D'un pas rapide, je sors de la salle de bain. Sans réfléchir, je pointe le pistolet en direction de la tête de Léo et tire.
Le coup de feu part et dans la foulée, le corps de Léo s'effondre à terre. Je m'empresse de regagner la chambre en tirant une nouvelle fois dans sa tête.
Au cas où...
J'ouvre la porte d'un coup sec et découvre Mario dans son lit. Malgré sa maladie, une lueur de rage brille dans ses yeux. Il se redresse et regarde le corps de Léo étendu à mes pieds. A cette vue, un mélange de peur, de surprise et de fascination illumine son visage.
— Voyez-vous ça mais qui avons nous là. formule-t-il avec un sourire sournois.
Je retire ma perruque et soutiens son regard.
— Imelda Torre vous vous souvenez ?
— Ma petite j'ai vu tellement de femme dans ma vie que je ne saurai te répondre.
Il joue avec mes nerfs et son air supérieur m'agace au plus haut point. Je m'avance jusqu'à son lit et lui plaque le canon de mon arme contre la tempe.
— Et moi je suis sûre que vous vous rappelez d'elle. affirmé-je en le regardant de haut.
— May, fais vite ! Le coup de feu de toute à l'heure a alarmé les personnes présentes dans le manoir. Ils seront ici d'une minute à l'autre. me presse Paola.
— Tu veux parler de ce vieux croûton qui s'est cru plus maligne que nous en nous mentant ? Tu ne vaux pas mieux qu'elle, peu importe si tu arrives à me tuer ou non, nous serons toujours intouchable. Si ce n'est pas moi ce seront mes fils qui te poursuivront et si ce n'est pas eux ce seront mes alliés, ta vie est foutue May. Ezio ne pourra pas te protéger indéfiniment, que tu le veuilles ou non tu es faible et le resteras. Tu ne seras jamais à la hauteur de la mafia et tu en auras encore moins le contrôle. Tu n'es bonne qu'à finir une balle dans la tête et le regard vide comme ta chère grand-mère.
Ses mots attisent ma rage si bien qu'elle prend possession de mon corps. Sa chaleur se répand et s'insinue dans chaque cellule de mon organisme, les brûlant de l'irrésistible envie de mettre fin à sa vie misérable. Complètement possédée, mes yeux s'enflamment de cette rage qui enveloppe sa main impulsive sur la mienne.
Sans m'en rendre compte, dans une détonation fulgurante, la rage s'évanouit. A nouveau maître de mon corps, je demeure hébétée, comme réveillée d'un rêve. Devant moi git Mario, sans vie, un trou béant sur le front d'où s'échappe une large coulée de sang.
Qui a le regard vide maintenant ?
Le bip continu du cardioscope accompagné de la voix de Paola criant mon nom, me font sortir de mes pensées.
Je me tourne alors pour faire face à Fabio, un des fils de Mario. Il tient Paola par derrière, son revolver sur sa tempe. D'instinct, je pointe mon arme sur lui.
— Ne fais rien de stupide ou ta pote crève. Pose ton arme et rends toi c'est la meilleure chose à faire, tu ne sortiras pas vivante d'ici.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top