La parole d'or


La douleur sourde et pulsatile qui martèle mes tempes, chasse peu à peu la brume de mon sommeil agité. Mes sourcils se froncent à mesure que mes sens se réveillent.

Rien. Je ne reconnais rien, ni l'odeur, ni le touché des draps. Je me redresse vivement et inspire profondément avant de me laisser tomber sur l'oreiller.

Quelle idiote je suis chez Ezio.

Cette pensée ravive immédiatement les souvenirs de la veille qui alimentent le brasier de mon désir de vengeance.

Je vais leur faire regretter de s'en être pris à Nonna et moi.

D'un pas décidé je pars me laver puis me prépare avant de rejoindre Ezio dans le salon.

Dos à moi et face à la fenêtre, son attention est accaparée par son interlocuteur au téléphone.

— Je t'ai dit que j'en prenais la responsabilité. Je n'ai qu'une parole. Elle ne sera pas un problème... Oui je sais sinon on fera à ta manière. Oui... okay bye.

— A qui tu parlais ?

Ezio se retourne, sourcils arqués et bouche légèrement ouverte ne m'ayant visiblement pas entendu descendre.

— A mon père, rien d'important.

— Vous parliez de moi ?

— Oui mais t'inquiètes, je contrôle la situation. Comment tu te sens ?

— Je vais si bien que j'aimerais te parler de ma vengeance.

— Ta vengeance ? me demande-t-il en fronçant les sourcils.

— Ne me dis pas que ça t'étonne.

— Non, je suis juste surpris que tu en sois à ce stade aussi vite.

— Je n'ai plus rien Ezio. Je ne peux que en être à ce stade si je veux avancer, à rien ne va me servir de rester au fond du lit.

— Vas-y je t'écoute. répond-il, ses yeux ancrés dans les miens, l'épaule appuyée contre la fenêtre.

— Je veux intégrer la mafia. affirmé-je.

J'entends alors pour la première fois le rire d'Ezio. L'instant se suspend de cet éclat franc, spontané et chaleureux. Sans s'en rendre compte, il fait chavirer mon cœur dans un tourbillon de désirs naissants. Se délie dans les profondeurs de mon âme, une envolée enivrante de papillons qui éveille une cascade de sensation insoupçonnée.

Mais qu'est-ce-que tu fous May ressaisis-toi !

Ne voulant pas le laisser entrevoir la naissance de cette vulnérabilité désarmante, je reprends discrètement mes esprits puis m'éclaircis la gorge.

— Pardon mais on n'intègre pas la mafia, soit on l'est par le sang soit on la marie mais on n'en devient pas membre comme ca, c'est pas l'armée. répond Ezio d'une manière naturelle qui m'indique, à mon plus grand soulagement, qu'il n'a rien discerné de mes pensées.

— Je mériterai ma place. Laissez-moi vous prouver que je peux en faire partie.

A Ezio maintenant de se racler la gorge.

— Ecoute ce n'est pas si simple, laisse-moi en parler avec mon père avant.  

Comme s'il l'avait entendu, le ding de l'ascenseur nous interpelle. Sous nos yeux arrondis sort un homme d'une soixantaine d'années, charismatique, à la ressemblance évidente avec Ezio. Les mêmes yeux intenses, il porte une barbe de trois jours, bien taillée, poivre et sel faisant écho à ses cheveux coupés court.

— Bonjour mon fils et... May je suppose ? entame t-il, mains dans les poches, en marchant vers nous d'une démarche si confiante qu'on croirait que le monde lui appartient.

— Père, salue Ezio d'un ton distant et froid , c'est bien elle et May, voici Raphaël, mon père.

— Enchantée monsieur Madini. l'accueillé-je en lui tendant une main qu'il regarde sans daigner la serrer.

— J'aimerais pouvoir en dire autant mademoiselle.

Suite à son ton sec, je range ma main que seul le vide a remplis et maintient mon regard au sien pour tenter de le sonder sans y parvenir.

— Que nous vaut l'honneur de ta visite ? s'interpose Ezio ne me laissant pas le temps de riposter.

Sans détourner ses yeux glacés de moi, il répond sur le même ton sec et froid.

— Je vais être direct. May vous me posez problème, votre notoriété plus exactement. Je ne veux pas mettre le feu des projecteurs sur ma famille et encore moins sur nos affaires. Votre fâcheuse implication dans les derniers événements va bien trop vite faire la une des journaux et les questions vont commencer à affluer. J'aimerai qu'on trouve un arrangement pour que vous sortiez de nos vies et que jamais nous ne soyons reliés.

Bouche bée, je déglutis et serre mes mains devenues moites le long de mon corps.

— Ecoutez , jamais je n'ai voulu tout ça. Il y a six ans, je voulais simplement venir en aide à Ezio sans penser aux conséquences que ça impliquait...

— C'est bien ça votre problème vous ne pensez pas aux conséquences ni l'un ni ​l'autre, me coupe-t-il, la chaleur de la colère réchauffant sa voix, Ezio à quoi pensais-tu quand tu as fait cette promesse à mère-grand ? Elle serait morte de toute façon ! Tu sais très bien que dans la mafia la parole est de l'or alors on la donne seulement quand il est nécessaire et là ça ne l'était pas !

— Stop je ne te laisserai pas continuer. May m'a secouru cette nuit-là, tu devrais lui en être reconnaissant d'avoir sauvé ton dernier fils en vie ! Il était normal que je fasse cette promesse et quand bien même je ne l'aurais pas fait, j'aurai recherché May !

A ces mots mon cœur s'emballe ravivant le battement d'aile des papillons dans mon ventre.

Serait-ce plus qu'une simple promesse qui nous aurait réunis ?

— Ne la blâme pas pour tout ce qui s'est passé ! Les animosités entre nos deux familles remontent à bien plus longtemps que notre génération alors ils trouvent tous les prétextes possibles pour s'en prendre à nous, reconnais-le ! May a assez payé pour tout ça ! me défend-il.

— Ezio, Ezio, Ezio ne pourrais-tu pas penser avec autre chose que ta queue ou ton cœur pour une fois ? Tu es pathétique, que ce soit de sexe ou d'amour, ces histoires n'ont rien à faire dans notre famille ! Tu sais très bien que ça nous donne une faiblesse aux yeux de nos ennemis. Ils s'en servent contre nous et vous êtes assez cons pour faire des accords pour sauver cette relation illusoire. Tu perds la tête mon fils, réveille-toi elle causera ta perte !

— C'est toi qui es pathétique a être aussi borné et fermé d'esprit. Tu sais quoi ? May va intégrer la mafia et devenir notre alliée pour nous venger des Condore que tu le veuilles ou non j'en prends la responsabilité. s'impose Ezio.

— Est-ce-que tu t'entends parler mon fils ? Te rends-tu compte de la gravité de tes paroles ? Inclure une fille ignorante et qui plus est célèbre dans notre mafia c'est signer notre arrêt de mort ! Je ne peux pas te laisser piétiner le nom des Madini comme ça !

— Père, tu es bientôt en retraite, une nouvelle recrue ne serait pas une si mauvaise idée. May est jeune et apprend vite. Elle saura devenir une vraie mafieuse d'ici ta retraite. Laisse-lui cette chance, je vais l'entraîner.

Un court silence s'installe durant lequel Raphaël toise son fils d'un visage sévère et indéchiffrable. Sans savoir ce qui se passe dans sa tête, on imagine sans mal l'engrenage de sa réflexion s'activer.

Au bout de quelques secondes, un sourire qui ne présage rien de bon vient chasser subtilement la déception évidente inspirée par Ezio qui s'affichait sur son visage quelques secondes plus tôt.

— En tant que futur chef de la mafia c'est ta première décision et peut-être ta dernière. Elle peut tout changer. Tu as une chance ne la rate pas car moi je ne te raterai pas, annonce t-il d'un ton calme mais menaçant avant de me regarder de toute la haine que je lui inspire. Tu auras très vite de mes nouvelles avec ta première tâche.

Il termine à peine sa phrase qu'il disparaît déjà derrière les portes de l'ascenseur, laissant derrière lui un silence pesant et lourd de doutes.

Sans certitudes et fébrilement, je décide de briser la glace.

— Hmm, merci d'avoir pris ma défense, je sais que ça a dû te coûter et je t'en suis sincèrement reconnaissante, je ne te décevrai pas.

— J'espère pour toi car sinon c'est la mort qui t'attend, expose t-il en se tournant vers moi, l'air grave, ce n'est pas moi que tu devrais avoir peur de décevoir mais bien mon père. Prépare-toi, on a du pain sur la planche. m'avertit-il encore prisonnier des flammes de colère, avant de me laisser seule avec mon anxiété.

Démunie, je m'isole sur la terrasse pour prendre l'air. Les coudes sur la rambarde, la tête dans les mains, je masse mes tempes tout en respirant profondément. La vibration de mon téléphone attire mon attention.

Mes sourcils se froncent en voyant la notification du journal national.

"Incendie dévastateur : L'appartement de la chanteuse May Torre ravagé"

Putain ils ont pas perdu de temps.

Je fais défiler l'article dont la seule information intéressante réside dans la mention de la possible source. Les frères Condore se sont apparemment bien débrouillés pour le faire passer en incident domestique dû à une surchage électrique. Une enquête est en cours pour déterminer les causes exactes mais en résumé, la piste de l'incendie criminel est écarté.

Putain de mafieux à se croire au-dessus de tout. Vous vous en n'êtes pas pris à la bonne personne.

Mâchoire crispée et poigne tendue, je fais mon devoir de personnalité publique et poste un message de remerciements envers les pompiers sur mes réseaux.

Sur le point de ranger le téléphone, je le regarde à nouveau quand il se remet à vibrer. Les réponses à mon post ne se font pas attendre. Je les passe en revue avant de m'arrêter sur un qui me fait sourire autant qu'il me fait plisser le front.

"@MayTorreMusicOfficial,

Je viens d'apprendre la terrible nouvelle de l'incendie de ton appartement. Mes pensées sont avec toi en ce moment difficile.

Tu es une artiste incroyablement forte et courageuse, et je sais que tu surmonteras cette épreuve avec la même grâce et détermination que tu mets dans ta musique. N'oublie jamais que tes vrais fans, comme moi, sont toujours là pour te soutenir, peu importe les circonstances.

Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis toujours là pour toi. Je sais que nous ne nous connaissons pas personnellement, mais ton art a touché ma vie de manière si profonde que je ressens une connexion spéciale avec toi.

Reste forte, May. On t'aime tous et on croit en toi.

Avec tout mon soutien,

Gioele."

La chaleur de son soutien asphyxie le frisson qui essaie de s'insinuer en moi. Je me concentre sur ma réponse évasive mais amicale avant de cette fois, étouffer mon portable dans ma poche.

En début d'après-midi, Ezio me rejoint dans le salon, vêtu d'un survêtement il me demande de le suivre. Silencieusement, nous descendons les escaliers pour nous retrouver dans une grande salle de sport. Un ring siège au milieu de la pièce entouré d'appareils de musculation et de cardio.

— On ne va pas se faire un combat de boxe, rassure-moi ?

— Non je t'aurais à peine effleuré que tu seras déjà à terre, ce n'est pas intéressant, se moque t-il taquin, on va améliorer ton cardio et renforcer tes muscles. Je ne sais pas ce que mon père te réserve mais dans tous les cas ton corps sera malmené et mis à rude épreuve. Je veux donc minimiser les dégâts et t'entraîner au mieux. Mais avant ça, va te changer. Y'a un vestiaire derrière cette porte, tu trouveras des affaires de sport à l'intérieur.

Je prends la direction indiquée et tombe sur le vestiaire en question. La droite est réservée à la douche et la gauche aux casiers. J'en ouvre un et trouve les fameux vêtements.

C'est quoi cette manie d'avoir des vêtements féminins de rechange ? 

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