Entre coeur et devoir

Encore secouée par la soirée, je fais malgré tout bonne figure. Je salue quelques invités puis l'organisatrice que je remercie pour l'invitation et pars enfin en contenant difficilement ma hâte. Une fois dans la voiture, je soupire de soulagement et demande à Salvatore de me conduire au rouge à lèvres.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée et que Don Ezio apprécie.

— Salva je vais être claire, j'en ai rien à foutre de ce que pense Don Ezio. Je veux aller boire un verre là-bas avec ou sans ton aide.

Il hoche la tête comprenant qu'il ne sert à rien d'insister et démarre.

Une fois arrivés, nous nous installons au bar et commandons. Je remarque sur mon portable qu'Ezio a essayé de m'appeler une dizaine de fois mais encore trop sobre pour ressentir le besoin d'explications, je l'éteins et le range.

La soirée bat son plein. J'enchaîne les verres faisant valser les cendres de mon cœur dans mon estomac. Salva tente désespérément de me tenir compagnie comme il peut mais il cherche plus à me convaincre de partir que de me divertir. Après un énième verre, l'ennui me gagne et je décide d'aller danser.

Au milieu de la foule, je laisse les ondes de la musique se répandre dans mon corps. Enivrée par l'alcool et la mélodie qui coulent dans mes veines, je les laisse prendre le contrôle de la marionnette que je suis devenue.

Alors que je chaloupe sur le rythme, je sens des mains sur mes hanches. Je me retourne et découvre un homme aux cheveux noirs, mi-longs, et au regard de braise me faire face. Je lui souris et danse lascivement contre lui, le rythme devient torride et l'alcool aidant je me surprends à l'embrasser langoureusement. A la fin du baiser, je regarde l'inconnu et me rends compte que j'ai imaginé Ezio à sa place tout du long.

Je m'excuse et recule puis me précipite vers les toilettes sentant les shots faire le chemin inverse. Je rentre dans les premiers venus et vide le contenu de mon estomac dans le toilette. Assise devant la cuvette, tête contre le mur, je fonds en larmes.

Je ne me reconnais pas, je bois comme jamais je n'ai bu et embrasse un inconnu.

A ce souvenir, je me sens soudainement reprise de nausées et d'un tout autre sentiment qui jusqu'ici ne faisait que dormir. Je ne sais pas si c'est l'alcool qui biaise mon jugement mais c'est à quatre pattes, devant ce putain de chiotte et après avoir embrassé un putain d'inconnu que je me rends compte que je suis amoureuse d'Ezio.

Ma colère m'emprisonnant dans mes pensées, je n'entends pas les bruits de pas venir jusqu'à moi mais seulement les bruits de frappe à la porte.

— Mademoiselle May est-ce-que ça va ?

Énergiquement, j'ouvre et trouve Salvatore inquiet devant moi se retenir au chambranle de la porte pour ne pas tomber.

— Oui Salva ça va. réponds-je d'un ton agacé.

Je le contourne pour me laver les mains et passer de l'eau sur le visage puis en passant devant lui je lui annonce notre départ. Telle mon ombre, il me suit de près.

Cette fois je suis peut être indemne physiquement mais mentalement il en est tout autre.

Salvatore démarre puis après un temps que je ne saurai définir, se gare au pied de l'immeuble d'Ezio.

— Merci Salva pour ce soir. Désolée de t'avoir embarqué là-dedans. On se revoit bientôt, passe une belle nuit et prends soin de toi.

— Merci mademoiselle May vous de même. me répond-il avec un sourire sincère sur les lèvres. 

Je descends de la voiture, l'air frais de la nuit me faisant le plus grand bien. Je rentre l'estomac noué à l'idée de trouver Ezio encore debout à m'attendre. Adossée à la paroi de l'ascenceur, ma jambe s'agite au même rythme que ma lèvre danse sous mes dents. Pendant la montée, je prie pour qu'il soit déjà couché pour pouvoir aller dormir sans histoire et repousser la discussion à demain, les idées moins embrumées. Mais quand les portes s'ouvrent, la désillusion me saisit. En sortant je l'aperçois sur le fauteuil fixant les flammes danser dans le foyer de la cheminée. Dans la main un verre de Whiskey.

Il ne détourne même pas le regard quand il m'entend arriver et me demande directement d'une voix froide.

— Tu t'es bien amusée ? Ça te plaît de te mettre en danger inutilement ?

N'étant pas en état de me battre, je décide d'ignorer ses questions. Je retire mes talons et me dirige vers l'escalier pour rejoindre ma chambre.

— Tu crois aller où comme ça ? On est loin d'avoir fini cette discussion !

— Je n'ai pas envie de parler ce soir, parlons demain j'aurai les idées plus claires.

Je commence à monter mais il continue de parler.

— Ça ne te dérange pas de ne pas avoir les idées claires pour embrasser un autre mec ! tonne-t-il en balançant son verre contre la cheminée le brisant en milles morceaux.

Je me stoppe net comprenant qu'il est déjà au courant et qu'il vaut mieux crever l'abcès maintenant.

Je redescends et m'assieds sur le fauteuil en face de lui, la table basse mettant la distance suffisante entre nous.

— Tu croyais vraiment que j'allais rester sagement à t'attendre et te regarder me piétiner comme tu le fais ? Sans agir en approuvant ta double vie ? l'interrogé-je calmement.

Je le regarde droit dans les yeux. Ils sont devenus bleu acier, la colère s'en emparant.

— Je n'ai pas de double vie, tu l'aurais su bien plus tôt si tu n'étais pas allée te bourrer la gueule et agir comme une pute dans ce bar !

Ses mots me transpercent tels des poignards embrochant mon cœur meurtri.

— Pardon ?! Maintenant tu m'insultes en plus de ça ? Tu ne vas quand même pas dire que c'est ma faute ? Tu vas trop loin Ezio ! m'enflammé-je face à son irrespect.

— C'est toi qui embrasse un mec et c'est moi qui vais trop loin ?!

— Tu te fous de moi ?! On n'était pas à la même table ce soir ou quoi ? Ta chère Paola a comparé tes baisers à ceux d'un dieu et a dit de toi être une bête de sexe et c'est moi qui vais trop loin ? T'es complètement à l'Ouest ou quoi ?!

— Elle a menti on n'a jamais baisé.

— Et embrassé ?

Il détourne le regard sans répondre.

— Très bien, je vais aller me coucher dans la chambre d'amis et demain je m'en vais.

Je me lève et en passant à côté de lui, il me retient par le poignet.

— May laisse-moi un peu de temps avant de t'expliquer. Cette situation n'a rien de ce qu'elle a l'air d'être. C'est bien plus compliqué que ça.

— Alors explique-moi maintenant.

Il s'éclaircit la gorge.

— Crois-moi j'en ai très envie mais je ne peux rien te dire maintenant. C'est une situation risquée. Tu dois me faire confiance. Dès que c'est fini je te révèle tout.

Je ris jaune face à ces mots qui ne font que nourrir le vide de ses actes.

— Te faire confiance ?! Vous ne savez que vous cacher derrière ce genre d'excuses bidon. T'es comme ton père finalement, tu ne me fais pas confiance et ne me vois pas digne d'être l'une d'entre vous.

Je libère mon poignet de sa main d'un geste brusque et pars. 

Le cœur brisé et bercée de désillusion, je m'enveloppe dans les draps froids du lit. Après une très courte nuit et agitée, je décide de prendre une douche pour m'apaiser et me réveiller. Une fois prête, j'appelle Andy.

— Hey ma garce préférée comment ça va ? La fête t'a plu hier ?

— Honnêtement pas vraiment. Est-ce-que tu peux m'accueillir quelques nuits le temps de trouver un appartement s'il-te-plaît ?

— Euh ouais... Ouais évidemment viens autant de temps que tu veux ! répond-elle prise au dépourvus.

Je sens au ton de sa voix qu'elle est surprise et inquiète. Malgré tout, elle sait que le temps des explications est à venir et se concentre sur l'essentiel.

— Parfait, je fais juste un détour par les magasins histoire de me racheter quelques fringues et j'arrive.

— Ouais t'inquiète prends le temps qu'il te faut je bouge pas de toute façon, à toute à l'heure.

Je la remercie et raccroche. Je revêts les seuls vêtements qui m'appartiennent puis descends.

Je trouve Ezio de dos, accoudé à la rambarde sur la terrasse. J'inspire profondément puis le rejoins.

— Ça y'est, je suis prête à partir Ezio.

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