Chapitre 9 • Oups

On est lundi matin, je suis dans le bus et je regarde par la fenêtre pendant que je dresse le bilan de mon week-end.

Il était tout ce qu'il y a de plus banal. Hormis, bien-sûr, le fait que je me sois levée à 16h samedi. Oui, ça ce n'est pas dans mes habitudes. Il faut dire que rentrer à pratiquement 4h du matin était une première pour moi.

Lorsque je suis enfin sortie de ma chambre, mon père m'a posé de nombreuses questions auxquelles j'ai répondu que je ne me sentais pas bien et que c'était de là que provenait mon besoin de dormir. Je ne mens pas très bien mais il semblerait qu'il m'ait cru. L'idée que sa fille soit allée à une fête en douce ne lui aurait jamais traversé l'esprit, de toute façon.

Andréa est rentrée chez elle dans la matinée, sans que je ne l'ai entendu partir. Il me semble qu'elle était invitée à l'anniversaire de son cousin, ou un truc comme ça.

Quant à dimanche, j'ai passé ma journée à faire mon devoir maison de mathématiques plus que difficile. Je ne sais pas ce qu'il m'ait passé par la tête lorsque j'ai choisi cette option.

Le véhicule de transport scolaire se stationne et j'en descends pour entrer dans l'école.

En passant devant les casiers, je vois Jay prendre des affaires dans le sien et je ne sais pas si je dois m'arrêter pour le saluer ou avancer comme si je ne le connaissais pas. Je choisis la deuxième option et passe devant lui, qui a toujours le nez dans son casier.

- Tu ne me dis pas bonjour ?

Malheureusement pour moi, c'est évidemment la voix du métisse qui résonne dans mon dos. M'étant faite repérée, je n'ai pas d'autres choix que ceux de me retourner pour lui faire face et d'avancer jusqu'à lui.

- Oh, salut, balbutié-je. Je ne t'avais pas vu.

Je mens délibérément en lui adressant un sourire on ne peut plus forcé.

- Tu as déjà croisé Izzie ?

Il me questionne comme si il attendait quelque chose de moi.

- Non. Pourquoi ?

- On se fait une petite soirée pizzas chez moi ce soir puisque mes parents ne sont pas là et elle veut que tu viennes. Vu que l'on se croise avant, je te le propose à sa place.

M'invite t-il réellement à passer une fois de plus une soirée avec eux ? Certes, cette fois c'est juste le repas et ce sera en petit comité, mais je prends quand même un instant pour réfléchir. Simon ne m'apprécie pas et il sera forcément présent. En même temps, je ne peux pas nier que je me suis éclatée vendredi, alors je ne vois pourquoi je me priverais de recommencer à cause de lui.

- Ok, j'accepte.

Je finis par me laisser tenter, engendrant l'apparition d'un joyeux sourire sur le visage de Jay.

- Alors on se revoit tout à l'heure chez moi, ma belle.

Ses surnoms racoleurs déjà antérieurement embarrassants le sont davantage depuis que je l'ai vu mettre sa langue au fond de la gorge de ma meilleure amie.

- Oui, c'est ça... À plus tard.

Je le salue maladroitement, gênée par son comportement aguicheur alors qu'il pelotait Andréa il n'y a même pas deux jours.

Jay me dépasse et disparaît dans le couloir tandis que moi, je reste sur place, ne réalisant toujours pas que ce soir, je retourne à nouveau dans sa maison.

***

- Tu ne devinera jamais ce qu'il vient de m'arriver !

Je m'exclame en rejoignant Charlie en cours de mathématiques.

- Non, mais j'ai l'impression que ça a un rapport avec ça, dit-elle en regardant derrière moi.

Ne comprenant pas le sens de sa phrase, je me retourne. Je vois Izzie s'approcher de notre table accompagnée d'un sourire qui illumine son visage.

- Jay m'a prévenu que t'avais dis oui pour ce soir. On partira ensemble du lycée du coup. Je te conduirai chez lui en voiture, m'informe t-elle, enjouée.

- Pas de soucis, souris-je.

Je lui réponds à mon tour et elle part s'asseoir à sa place. C'est fou à qu'elle point cette fille pleine de tatouages est gentille et avenante lorsque l'on a brisé la glace avec elle. Je ne l'aurais jamais imaginé.

- Tu m'expliques ? demande Charlie en haussant un sourcil.

Je lui raconte ma courte conversation avec Jay dans le couloir durant laquelle il m'a invité à manger avec eux ce soir.

- Je suis contente pour toi, m'assure-t-elle.

Elle prononce cette affirmation sans une complète sincérité car je devine son inquiétude au ton qu'elle emploie.

***

Comme je m'en doutais, à la récréation, j'ai droit aux mêmes avertissements de la part d'Andréa que la dernière fois à propos de mon rapprochement avec Izzie et le reste. Sa jalousie se ressent dans ses propos. Elle m'a aussi donné pour mission de découvrir ce que Jay pensait d'elle et honnêtement, j'ai peur de le savoir car un mec comme lui pense avec quelque chose situé beaucoup plus bas que son cerveau.

Je profite également de ma pause pour envoyer un texto à mon père lui disant que je mange chez des amis ce soir et que je rentrerai avant 22 heure, sans plus de précisions. Le couvre feu que je me suis moi-même donné est tout à fait correct donc il n'y a aucune raison pour qu'il refuse.

***

Quand la sonnerie annonce 18h, Charlie me fait la bise pour me dire au revoir et quitte la salle de classe. Je sens l'anxiété s'emparer peu à peu de moi et je prends mon temps pour retrouver Izzie qui m'attends patiemment devant la porte.

- T'es anormalement longue pour ranger tes affaires toi, lâche-t-elle quand je sors enfin.

Sa moue blasée continue la phrase à sa place. Comme tous les intellos, quoi.

Nous nous mettons à parcourir les couloirs en direction de la sortie et, sans réfléchir, je lui fais part de mon stress.

- J'appréhende de passer la soirée seule avec toi et tes amis.

J'accompagne mes propos d'un timide sourire pour qu'elle ne le prenne pas mal mais, étonnamment, elle se met à rire. Je fronce les sourcils car je ne vois pas ce qu'il y a de drôle dans le fait que je sois nerveuse. Elle s'arrête en constatant mon incompréhension.

- Ne tant fais pas, ils ne vont pas te manger, tente-t-elle pitoyablement pour me rassurer.

Nous atteignons le parking et, lorsque nous nous installons dans sa petite voiture jaune, je l'interroge au sujet de cette dernière.

- C'est un véhicule sans permis, non ?

Elle ressemble à un jouet grandeur nature, puis Izzie n'a pas encore atteint la majorité.

- Oui, confirme-t-elle. J'avais besoin d'indépendance mais mes névrosés de parents ne voulaient pas que je conduise un scooter. Ils trouvent que les deux roues sont dangereux, alors ils ont fini par se rabattre sur cette option.

Quand elle démarre, je suis surprise de la vitesse à laquelle elle roule, c'est à dire 45 km par l'heure. Je me souviens ensuite qu'une voiture comme celle-ci ne permet pas d'aller plus vite.

- Un véhicule sans permis coûte des milliers d'euros, contrairement à un scooter.

Je me permets cette remarque parce que la différence de prix est immense. L'avis de mon père en ce qui concerne les scooters est le même que celui de ses parents, ce n'est pas pour cela que je possède une voiture. Je n'ai aucun moyen de transport, point final.

- Le fric n'est pas un problème pour mes parents, loin de là. Ils aiment les couverts en argent, les tableaux de maîtres ou encore les bouteilles de vins millésimés.

Je commence par croire qu'il s'agit d'une plaisanterie, avant de me rendre compte que ce n'est pas le cas. Le regard égaré qu'elle pose sur la route et le ton désabusé qu'elle utilise ne sont pas feints.

- On ne dirait pas, lancé-je. Je veux dire que... C'est pour cette raison que tu as un tel look ?

Je connais déjà la réponse à cette question, en fait. Au moment où les mots passent la barrière de mes lèvres, ça m'apparaît comme une évidence. La richesse de sa famille explique tout. Si elle arbore une apparence particulière, c'est pour faire passer un message à ses parents, tout simplement.

- Toutes ces merdes sont leurs vies, pas la mienne. Je ne veux pas suivre leurs traces, je n'en ai rien à foutre de leurs tunes, crache Izzie. Alors oui, j'imagine que mon style est la seule solution que j'ai trouvé pour leur faire comprendre.

La confession qu'elle vient de faire me touche. Elle ne reçoit pas l'affection dont elle a besoin de la part de ses parents. Izzie est constamment aux côtés de ses amis parce qu'ils sont devenus sa famille.

- Je suis désolée pour toi. L'argent ne remplace pas l'amour, ils devraient le savoir.

Le compte en banque de mon père n'est pas énorme, mais je ne manque de rien. Il m'apporte tout l'amour du monde, ça me suffit amplement.

- Ils devraient, répète-t-elle. Bref, je devine que plus le début de la soirée approche, plus tu stresses ?

Elle change de sujet, celui de ses parents étant difficile à aborder. Avec une totale franchise, je lui indique précisément d'où provient mon angoisse.

- J'ai l'impression que Simon et Castiel ne m'apprécient pas.

Étonnamment, Izzie commence à me réciter un discours rassurant.

- Castiel est distant et très méfiant, c'est normal que tu ais cette sentation. Il ne s'ouvre pas facilement mais une fois qu'on gagne sa confiance, il est un ami fidèle et loyal. Elle arrête de parler et réfléchis avant de continuer. En ce qui concerne Simon, il agit exactement comme moi avant de te connaître. Il a juste des apprioris sur toi, comme j'en avais moi aussi et comme tu en as sur lui. Malgré ça, j'ai le pressentiment que vous êtes fait pour vous entendre.

Son court briefing sur le caractère de ses amis me soulage. Elle les connait et sait comment ils agissent, elle ne peut que dire la vérité. Je me doutais que Castiel s'était consolidé une solide carapace qui sera dure à percer. En revanche, avec Simon, c'est des préjugés que je dois affronter. Je ne sais pas exactement ce qu'il pense de moi mais j'ai envie de lui prouver qu'il se trompe à mon sujet. Aussi, que veut-elle dire par "vous êtes fait pour vous entendre" ? Je doute que cela soit vrai mais je veux bien y croire.

- J'espère que tu as raison.

***

Au bout d'une vingtaine de minutes silencieuse, je sens la voiture ralentir jusqu'à s'immobiliser complètement. Je regarde par la fenêtre et constate que Izzie vient de se garer devant l'immense maison de Jay. Elle enlève les clés du contact et sort du véhicule sans dire un mot. J'expire un bon coup pour me préparer psychologiquement avant d'ouvrir ma portière.

Je marche lentement sur les dalles traversant la pelouse pour retarder le moment tant redouté. Une fois devant la porte d'entrée, Izzie se retourne brusquement pour me faire face.

- Je t'ai invité pour que tu t'amuses, pas pour te torturer, alors détends toi.

Elle attrape mes bras et me secoue. Je la regarde faire en grimaçant, un peu étonnée par sa méthode pour me détendre. Elle veut que je m'amuse ? Je suis bien trop timide et renfermée pour pouvoir m'amuser avec eux.

- Fais semblant au moins, d'accord ? Simon risque de profiter de ta nervosité pour t'atteindre sinon.

Je suis très surprise qu'elle me mette en garde concernant la technique d'intimidation de Simon. C'est un peu comme si elle avait pris mon parti et je ne pensais pas qu'elle ferait une chose pareille.

Je ferme mes paupières pour rassembler mes esprits et me donner du courage. Je suis sûre que si il arrive quelque chose, Izzie prendra ma défense. Et puis, Jay est sympa. Je vais rentrer dans cette maison et je vais tâcher de ne pas me sentir inférieure à eux. À partir de maintenant et pour approximativement trois heures, je vais avoir confiance en moi et être au même niveau qu'eux. Je rouvre mes yeux afin de devoiler à Izzie un regard confiant.

- Je suis prête.

Elle me sourit pour m'encourager et détourne son attention sur la porte avant de l'ouvrir sans même frapper.

Je suis la fille aux cheveux gris dans le couloir et nous débarquons dans la pièce à vivre qui paraît encore plus grande à la lumière du jour et sans aucun adolescent à l'intérieur. Le gigantesque écran plat est allumé sur une émission de télé-réalité que regarde Jay et Simon. Ils sont assis sur un canapé et sont en train de parler. Ils sont dos à nous mais je reconnais le bonnet noir du métisse et les cheveux brun de l'autre garçon.

- Vous dérangez pas pour nous surtout, dit Izzie en croisant les bras sur sa poitrine.

Les deux jeunes hommes tournent soudainement leurs têtes et se lèvent en voyant la mine sévère de leur amie.

En faisant le tour du canapé pour nous rejoindre, Simon plonge son regard dans le mien et mon coeur accélère ses battements. Son expression est impassible mais je sais qu'il est agacé par ma présence. Il ne le laisse pas paraître le moins du monde car il sait sûrement que Izzie le réprimanderait de sa méchanceté.

Un petit sourire fini par apparaître sur sa bouche quand il détourne ses yeux sur elle et la serre dans ses bras.

- Désolé. Jay m'expliquait comment la bombasse de son programme débile s'est fait jetter comme une malpropre par son mec pour une autre. Il était tellement impliqué dans son explication que t'aurais dû voir ça, raconte-t-il, provoquant le rire de tout le monde.

- Tu dis que de la merde, mec.

Jay se défend comme il peut en frappant l'épaule de Simon.

- On sait tous que tu regarde ces télé-réalités pour retardés, l'enfonce Izzie.

L'hilarité générale redémarre sous le regard gavé de Jay. Lorsque nous nous calmons, la piercée fronce les sourcils et déplace son regard dans toute la pièce.

- Castiel n'est pas encore arrivé ?

Subitement, un étrange silence nous entoure et ils se mettent tous à se lancer des regards complices.

- Il ne peut pas venir, répond Simon avant de rapidement passer à autre chose. Venez, on va s'asseoir en attendant les pizzas.

Nous le suivons tous et même si ceci est bizarre, je choisis de ne pas poser de question sur Castiel pour ne pas être indiscrète.

Nous nous installons confortablement sur les canapés. J'en partage un avec Izzie, Jay s'assoit sur celui à côté du nôtre alors que Simon prend place dans un fauteuil après avoir posé un carton de bières sur la table.

- Je suppose que ce n'est pas la peine que je t'en propose, m'affirme ce dernier d'un air moqueur.

- Tu supposes bien, rétorqué-je avec un faux sourire.

- Dis moi ma jolie, qu'est-ce que tu as fait à Izzie pour qu'elle tienne tant que ça à passer du temps avec toi ? m'interroge Jay.

- Rien. On a juste parlé et on a appris que les apparences peuvent être trompeuses.

Je tourne la tête pour regarder à mes côtés et comme je m'en doutais, Izzie me sourit en reconnaissant ses propres mots.

- Parce que tu as découvert qu'elle n'était pas une pucelle coincée ?

Simon questionne Izzie d'un air sincèrement surpris.

- Elle est bien plus que ça. Tu ne sais pas encore à quel point tu lui ressemble.

Le ton qu'elle emploie est ferme. De plus, elle parle en le regardant droit dans les yeux.

Je suis choquée par sa dernière phrase. Qu'est ce qu'elle veut dire par là ? Je suis diamétralement à l'opposé de Simon. Je ne vois pas quels sont les points communs que je suis censée partager avec lui. Et comment ça "pas encore" ?

- Ah oui ?

Le principal intéressé pose la question, étant aussi interloqué que moi.

- Tu vas être étonné de l'apprendre mais elle partage ta passion de la philosophie, lâche Izzie avant de mettre sa main devant sa bouche pour accentuer le faux effet non-prémédité. Oups, c'était un secret ?

*****

Je ne sais pas vous, mais j'ai l'impression de ne pas avoir posté pendant longtemps.

Je reviens avec un chapitre plus long que d'habitude. J'espère qu'il vous plaît, malgré la fin 😇

Je tiens à faire un petit disclaimer : Ne soyez pas offusqués par les propos que tiennent Izzie et Simon envers les émissions de télé-réalité. J'en regarde également !

On se retrouve le week-end prochain pour la suite. Le dîner n'a pas fini de vous surprendre, vous pouvez me croire.

Charleen,
XO
💋

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