Chapitre 78 • Regretter

Je reste environ une heure supplémentaire au chevet de la percée, qui ne l'est plus d'ailleurs. Effectivement, les médecins lui ont dès son arrivée à l'hôpital enlevé ses piercings au nez ainsi qu'à la langue. Il s'agit de l'une des premières choses dont elle s'est plainte à sa sortie du coma, avant même de remarquer son bandage à la tête ou encore sa main perfusée.

- Il faut que j'y aille, il est presque 7h30. À demain, même heure, même endroit ?

Izzie lève les yeux au ciel face à ma plaisanterie qui je l'admets est de mauvais goût. Quant à moi, je mets mon écharpe et enfile mon manteau car mon premier cours de la journée commence dans une demi-heure.

- Ce n'est pas comme si j'avais pour interdiction de quitter cette pièce... ironise-t-elle à son tour. Au fait, ne dis pas à Charlie et Castiel que tu connais la date de ma libération. Je tiens à leur annoncer cette heureuse nouvelle moi-même.

Je lui promets de ne rien leur dire avant de lui faire un bisou sur la joue en guise d'au revoir. Je me lève ensuite du tabouret pour me diriger vers le canapé qui est devenu le lit de Jay il y a quasiment un mois.

- C'est l'heure ! crié-je en me penchant vers son oreille comme une enfant, ce qui le fait comme d'habitude sursauter. Lève-toi vite ou je pars sans toi.

Izzie se marre depuis son lit tandis que j'attends qu'il se bouge enfin, tenant la porte de la chambre grande ouverte et tapant du pied sur le lino.

- Et tu comptes aller où avec tes petites jambes comme seul moyen de locomotion ? Jusqu'à l'arrêt de bus ? se moque-t-il en se frottant les yeux et en étirant ses bras. T'aimes trop nos promenades matinales sur ma moto pour ça. Sentir mes abdos sous tes doigts, coller ta poitrine contre mon dos...

Alors que j'arbore une grimace de dégoût, la fille aux cheveux gris explose maintenant de rire. Excédée, je m'empare du sac à dos rempli de fournitures scolaires de Jay et je lui jette sa veste en cuir dans la figure pour qu'il se magne.

- Garde ces belles paroles pour ta ribambelle de prétendantes, ok ?

Un sourire ravageur illumine soudain les traits de son visage, et j'ai peur d'entendre les mots qui s'apprêtent à sortir de sa bouche. Ces derniers temps, le métis et moi nous sommes énormément rapprochés, il représente pour moi un soutien de taille, au même titre que Castiel. Par conséquent, l'expression que son visage affiche juste avant qu'il ne me lâche une remarque dégouttante n'a désormais plus aucun secret pour moi.

- Ok, mais n'hésite pas à me demander un ticket, je serais honoré de te voir intégrer la file d'attente.

Enfin prêt à prendre la route pour le lycée, il passe devant moi afin de quitter la pièce au moment où un « beurk » passe la barrière de mes lèvres.

- À tout à l'heure ! crie-t-il à Izzie depuis le couloir.

- Passe une bonne journée ! la salué-je à mon tour, avant de refermer la porte derrière moi.

Jay et moi n'arrêtons pas de nous chamailler dans l'ascenseur, où il remarque ma nouvelle coupe de cheveux et prend un malin plaisir à les ébouriffer. Nous traversons le parking de l'hôpital en continuant de nous bousculer lorsque son regard se bloque sur une personne qui se dirige vers l'établissement dont nous venons de sortir. Il ralentit aussitôt la cadence de ses pas et s'adresse à moi d'un ton navré que je ne comprends pas.

- Et merde... lâche-t-il tout à coup avec un désarroi aussi soudain qu'étonnant. Elle m'a vu. Je suis désolé Éla, mais je vais être obligé de m'arrêter pour lui dire bonjour.

Ses yeux verts d'eau se sont posés sur une femme d'une cinquantaine d'années qui marche dans notre direction. Mais pourquoi est-il aussi troublé ? Jay ne s'excuserait pas pour la simple raison que saluer cette dame nous mettrait en retard.

- Ça m'est égal, fais-je en haussant les épaules. Qui est-ce ?

Mais il n'a pas le temps de me fournir une réponse, car la femme en question se retrouve devant nous, le sourire aux lèvres et les bras tendus vers lui.

- Oh, mon garçon ! s'exclame-t-elle d'une voix joyeuse en le serrant longuement contre elle. Ça fait au moins 6 mois que je ne t'ai pas vu. Comment est-ce que tu vas depuis tout ce temps ?

- Anne ! (Quand j'entends le métis prononcer ce prénom, tous les membres de mon corps se tétanisent.) Bah entre l'une de mes fêtes qui a mal tournée, Izzie qui s'est retrouvée dans le coma suite à ça et sans oublier le stress de passer le bac qui s'intensifie, je ne suis pas au top de ma forme.

S'il m'a présenté des excuses, ce n'est effectivement pas à cause du retard que nous prenons sur les cours, mais parce que la dame à qui il est en train de faire la conversation n'est autre que la tante de mon ex petit-ami. La seule famille qui lui reste, la femme qu'il considère depuis toujours comme sa mère, celle qui gardait Izzie quand elle était petite et grâce à qui ces deux-là se sont rencontrés.

- Mon pauvre, déclare-t-elle en posant une main réconfortante sur son épaule. Cette soirée a vraiment affecté le moral de nombreuses personnes, mais le principal est qu'Izzie soit aujourd'hui saine et sauve. Simon m'a dit que tes parents t'avaient fait un chèque pour payer une entreprise de nettoyage mais que malgré ça tu ne dormais plus chez toi depuis un mois...

Anne fronce les sourcils, inquiète pour l'un des meilleurs amis de son neveu, tandis que ses cheveux bruns volent tout autour de son visage à cause du vent frais. Je suis intimidée par la présence de cette femme devant moi, pleine d'élégance avec son long manteau noir, tant elle est importante pour celui dont je reste éperdument amoureuse.

- Si j'ai choisi de dormir ici, c'est plus pour Izzie que pour moi. Perso, je n'aimerais pas passer mes nuits seul dans cet endroit déprimant, alors je me suis mis à sa place et j'ai décidé de partager la même chambre qu'elle jusqu'au jour de sa sortie de l'hôpital. (Il parle comme si ce n'était pas grand chose, mais je vois dans son regard qu'Anne pense tout le contraire, exactement comme moi.) Et vous, comment est-ce que vous allez ?

- Tu sais, quand Simon est malheureux, je ne peux que l'être aussi. C'est un jeune homme compliqué parce qu'il a du mal à contrôler ses émotions, rien de plus. Alors j'espère sincèrement que cette fille dont il me parle sans arrêt trouve au fil du temps la force de lui pardonner ses erreurs passées.

Les morceaux de mon coeur brisé s'agitent dans ma cage thoracique, à tel point que j'en ai physiquement mal à la poitrine. Simon a parlé de moi à sa tante, et j'en suis bouleversée. Des dizaines de sentiments différents s'emparent de moi, de la joie à la tristesse en passant par l'espoir, mais celui qui prime à cet instant précis, lorsque ses yeux préoccupés croisent les miens, c'est la culpabilité.

- Mais tu ne connais pas les mêmes peines de coeur que lui à ce que je vois, continue-t-elle à l'intention du métis après m'avoir observée un moment. Tu es toujours en aussi charmante compagnie, certaines choses ne changent pas.

Je n'arrive même pas à être flattée par son compliment, tant je suis choquée par les pensées qu'elle a en tête depuis tout à l'heure. Elle croit que je suis l'une des innombrables conquêtes de Jay, alors que le seul garçon qui ne m'ait jamais attirée n'est autre que son neveu.

- Non, je... Pas du tout ! bafouille-t-il. Je ne couche pas avec elle. Si c'était le cas, j'aurais des hématomes sur tout le corps.

Évidemment, elle ne comprend pas le sens de sa dernière phrase. Anne le regarde donc avec une drôle d'expression tandis que je fixe mes chaussures, mal à l'aise. Quant à lui, il me jette un coup d'œil qui me demande maladroitement la permission de lui révéler qui je suis ou bien qui me supplie de me présenter pour mettre un terme à ce moment gênant. Je prends une profonde inspiration avant d'opter pour la seconde option.

- Je m'appelle Éléanore, fais-je d'une voix peu assurée. Je suis enchantée de faire votre connaissance, même si j'aurais préféré vous rencontrer dans d'autres circonstances.

- Oh mon Dieu ! s'écrie-t-elle, ramenant une de ses mains gantées à sa bouche. Je suis tellement confuse. Excusez-moi, autant pour avoir parler de Simon devant vous que pour avoir insinué que vous aviez une aventure avec Jay. Je ne voulais surtout pas remuer le couteau dans la plaie, j'imagine que cette situation doit être encore plus douloureuse pour vous que pour lui. Encore une fois, pardonnez-moi.

Immédiatement, elle réajuste les anses de son sac à main sur son épaule, prête à rejoindre Izzie dans sa chambre pour écourter cette conversation embarrassante. Au moment où elle nous contourne pour recommencer à marcher en direction de l'hôpital, Anne me prend au dépourvu en s'emparant de mes doigts pour les serrer entre les siens, recouverts de cuir.

- La vie est courte, déclare-t-elle en me regardant droit dans les yeux, et aucun de vous deux n'est éternel. Alors il vaut mieux la passer à regretter d'avoir fait des choses ensemble que de ne pas les avoir faites.

*****

Pensez-vous que cette rencontre avec la tante de Simon peut influencer la décision d'Éléanore, elle qui ne sait plus quel est le meilleur choix à faire ? Réponse dans le prochain chapitre que je vais continuer à écrire ce soir, j'ai aussi hâte que vous.

Il vaut mieux regretter d'avoir fait des choses que regretter de ne pas les avoir faites. Personnellement, je trouve que cette dernière phrase d'Anne est totalement vraie. La vie est trop courte, alors profitons-en au maximum !

Charleen,
XO
💋

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