Chapitre 69 • Officialisation
Alors que nous traversons le parking main dans la main en direction du lycée, les regards des quelques élèves présents sur le parvis se tournent déjà vers nous, comme si la présence de Simon dans un endroit était automatiquement ressentie par les personnes qui s'y trouvent. Je lutte de toutes mes forces pour ne pas céder à mon envie de baisser les yeux pour regarder mes pieds, et fixe un point loin devant moi afin de ne voir que le portail.
Tandis que nous pénétrons dans l'établissement, je suis déjà satisfaite de ne pas m'être démontée jusqu'ici, mais je réalise aussitôt que ce que je viens de faire n'est rien à côté de ce qui m'attend. En raison des températures hivernales et de l'imminence de la sonnerie, le hall est littéralement plein à craquer d'étudiants. J'esquisse un léger mouvement de recul, auquel mon petit ami réagit en serrant davantage ma main dans la sienne. Ainsi, il m'intime de continuer à marcher sans prêter attention au nombre d'élèves qui se trouvent sur mon passage, et je replace la manière de mon sac sur mon épaule avant de foncer dans le tas.
Au fur et à mesure que nous fendons la foule, les gens qui forment cette dernière sont témoins de notre arrivée. Les conversations qu'ils avaient se transforment alors en messes basses à notre sujet, et les regards se braquent instantanément sur moi pour me détailler de haut en bas.
« Oh mon Dieu ! »
« Simon s'est vraiment mis en couple, ce n'était pas qu'une rumeur. »
« Qu'est-ce qu'elle est jolie... »
« Les chances de se taper un populaire sont presque nulles, maintenant. Il ne reste que Jay sur le marché des célibataires. »
« Ça c'est une arrivée qui envoie du lourd ! »
« Ils ont l'air tellement amoureux l'un de l'autre... »
« En plus d'avoir le cran d'en mettre plein la gueule à Pénélope, elle est putain de canon ! »
« C'est bien la première fois qu'il s'affiche au bras d'une fille, on est d'accord ? »
« Tous mes rêves viennent d'être réduits à néant. Mon coeur est brisé. »
« S'il sort avec cette meuf, je paris que c'est une sacrée chaudasse sous ses airs de sainte nitouche. »
« J'espère qu'Izzie va les pardonner. Comment leur en vouloir quand on les voit si proches ? »
Je tâche de garder un visage impassible tandis que nous arrivons dans le couloir aux rangées de casiers, alors qu'en réalité je suis en train de réprimer un sourire. À ma grande surprise, aucune des personnes dont j'ai entendu les dires à mon propos ne m'a ouvertement critiquée et n'a colporter de ragots sans fondements. Simon tourne la tête vers moi pour être certain que je tiens le coup et, quand il décèle la lueur de joie dans mon regard, il m'adresse un rapide clin d'œil.
Tout ça, c'est grâce à lui. À partir de maintenant, je n'entendrai plus jamais un seul étudiant dire du mal de moi, parce que tout comme ils admirent Simon et ses amis, les lycéens de La Sidoine respecteront sa copine. Et il le savait, c'est pour cette raison qu'il a fait de ce moment précis rien d'autre que l'officialisation de notre couple.
J'ai à peine le temps de répertorier les bienfaits que ce qu'il vient de se passer, ou plus précisément que ce que Simon a fait pour moi entraînera sur mon quotidien, que je me retrouve en face d'une conséquence de ma relation nouvelle qui est toujours aussi douloureuse. Mon amitié gâchée avec Izzie.
- Tiens donc, fait-elle en claquant la porte de son casier. Mais que vois-je ?
Simon et moi nous sommes arrêtés de marcher au milieu du couloir à sa vue. Sous les regards curieux des étudiants présents, elle s'approche de nous en faisant une bulle avec son chewing-gum.
- Mon ex meilleur ami au bras d'une profiteuse, déclare-t-elle en penchant la tête sur le côté.
L'adjectif que la percée utilise pour me décrire est blessant, mais ce n'est rien comparé à celui qu'elle emploie pour définir ce que Simon représente pour elle à présent : quelqu'un de son passé.
- Je suis encore ton meilleur ami, et je le serai toujours, réplique-t-il d'un ton sans appel. Que tu prétendes le contraire ou pas, tu as besoin de moi comme j'ai besoin de toi.
Izzie cligne des paupières à plusieurs reprises, prise au dépourvu par sa réponse, comme si elle s'attendait plutôt à ce qu'il serre les dents et lui dise de ne pas faire d'esclandre en public. Sauf qu'il tient trop à elle pour ne pas atténuer ses craintes en la rassurant sur toute l'affection qu'il éprouve, même s'il est contraint de le faire devant des dizaines d'inconnus impatients de connaître la tournure des événements.
- Je n'ai pas l'air de te manquer, pourtant. (Elle se reprend, et ses yeux glissent jusqu'à nos mains entrelacées.) Tu as rapidement comblé le vide que j'ai laissé, à ce que je vois.
- C'est faux, lui assure-t-il sans dénouer ses doigts des miens. Je ne fais que t'attendre, rien de plus.
Il s'agit de sa façon à lui d'affirmer qu'elle est irremplaçable et que leur éloignement n'est pas définitif. Je ne suis pas étonnée par la confiance qui transparaît de sa voix. Elle est la preuve que Simon croit dur comme fer en ce qu'il dit, et au fond de moi j'en suis certaine aussi. L'un sans l'autre, ils ne sont plus totalement eux-mêmes.
- J'espère que cette nouvelle version de toi est davantage patiente que celle que j'ai connue, dans ce cas.
La sonnerie annonçant le début des cours se fait entendre dans le couloir, obligeant les étudiants regroupés autour de nous à déguerpir enfin. Izzie avance vers moi et ne s'arrête que lorsque son visage est assez près pour que je sente l'odeur mentholée de son chewing-gum mélangée à celle de tabac de la cigarette qu'elle a à coup sûr fumée avant d'entrer dans le lycée. Contrairement à la colère dont était rempli son regard hier matin, la tristesse a désormais pris l'avantage dans le bleu de ses yeux.
- Izzie, je suis...
- Bienvenue dans le monde des populaires, me coupe-t-elle d'une voix tranchante. Mon monde.
Je reste muette face à ces paroles. Puis elle me bouscule avec son épaule, avant de prendre la direction de notre salle de classe en m'adressant une dernière phrase pleine d'ironie.
- Que le sort puisse t'être favorable !
***
Pendant le cours de littérature qui est passé à une lenteur atroce, j'ai senti dans mon dos le regard perçant d'Izzie, installée au fond de la salle comme à son habitude. Mais je n'ai pas eu l'occasion de cogiter à ce sujet, distraite par la conversation que les deux filles assises derrière Charlie et moi ont eu sans aucune discrétion. Elles parlaient de la rouquine et de Castiel, mais surtout de mon couple avec Simon, avec tant d'enthousiasme que j'en suis resté pantoise. J'entendais l'une raconter à l'autre qu'elle a déjà passé des après-midis shopping avec nous, ce qui n'était qu'un mensonge, et répéter à quel point nous sommes « cools ». Quant à la deuxième, elle s'extasiait devant le fait que nous réussissions à lier réussite scolaire et sociale étant donné que Charlie est première de la classe et moi 5 ème, cela tout en sortant avec les garçons les plus en vue de notre lycée. Mon amie et moi avons étouffé plusieurs rires durant le cours, et roulé quelques fois des yeux aussi, amusées et dépassées par la nouveauté de ces on-dits à notre propos.
À la récréation, je n'ai pas croisé une seule fois Simon, qui a d'après Castiel été convoqué chez le proviseur. Devant mon air affolé à l'entente de cette information, il s'est empressé de préciser que mon petit ami était juste en train de donner sa version des faits concernant la gifle que lui a asséné Pénélope au sein de l'établissement mardi. Par conséquent, j'ai passé une vingtaine de minutes assise à une table de la cafétéria, à tenir la chandelle entre Charlie et Castiel, mais ils sont tous les deux tellement adorables que ça ne m'a pas plus dérangée que ça.
Il est désormais midi, et nous sommes tous autour de la table des populaires de la cantine. Dans la file d'attente, j'ai été contente d'apprendre par Simon l'exclusion temporaire de Pénélope pour son mauvais comportement, même si trois jours ne sont pas suffisants selon moi.
En mangeant mon entrée, je demande des conseils à Charlie par rapport à l'épreuve d'histoire géographie de bac blanc qui a lieu bientôt, pendant que les garçons sont occupés à peaufiner les derniers détails de la soirée que Jay prévoit de faire demain soir.
- Les filles ? nous interrompt le métisse. Y'a moyen que vous veniez plutôt demain pour nous aider à tout mettre en place ? Comme Izzie risque de ne pas se pointer, on aurait besoin de vos muscles réunis pour compenser les siens.
Malgré le fait qu'il se moque de nos petits gabarits, Charlie lui répond par l'affirmative, toujours prête à rendre service à n'importe qui, surtout que Jay a l'air maussade en évoquant la possible absence d'Izzie.
- Si j'obtiens la permission de mon père pour me rendre à ta soirée oui, je lui demanderais d'y venir en avance. (Maintenant que je l'ai mis au courant de ces fêtes, lui mentir sur mon absence un vendredi soir est impossible.) Mais pourquoi Izzie ne viendrait pas ? Elle ne te fait pas la gueule, à toi.
À l'instant où cette phrase sort de ma bouche, je remarque la fille aux cheveux gris qui avance dans notre direction. Son plateau dans les mains, elle se dirige naturellement vers la table qu'elle occupe tous les midis depuis des années, quand son regard croise le mien. Aussitôt, elle s'arrête à quelques mètres de nous, comme si elle prenait soudain conscience qu'elle allait partager son repas avec deux personnes par qui elle se sent trahie.
Tout le monde assiste à son hésitation, que ce soit la bande mais également la totalité des étudiants installés dans le réfectoire. Debout face à moi, elle a le visage fermé en tournant les talons pour aller s'assoir à une table près des baies vitrées. Le groupe de filles qui y est déjà, à coup sûr des secondes, se lance des regards en coin puis se lève rapidement pour changer de place, intimidée par la présence de la plus bagarreuse des élèves du lycée.
Alors que j'observe cette dernière faire comme si de rien n'était, le bruit strident d'un couvert balancé dans une assiette me fait sursauter. Simon secoue la tête en soufflant bruyamment, profondément agacé par la situation. Alors que Castiel pose une main sur son épaule en signe de soutien, Jay se lève immédiatement de table.
- Non, elle n'a rien contre moi, me répond-il d'un ton froid qui ne lui est pas habituel. Mais elle refuse de traîner avec moi si vous êtes à mes côtés.
Sans me laisser le temps de réagir à ses paroles, saoulé lui aussi par cette histoire, il quitte le lieu de rassemblement des populaires afin de rejoindre la percée, incapable de laisser manger seule celle qui l'insulte pourtant plusieurs fois par jour.
*****
J'espère que revoir les membres de la bande vous fait plaisir. Les scènes ne seront plus aussi centrées sur Éla et Simon, ou moins que ces derniers temps en tout cas !
Qu'auriez-vous fait à la place de Jay ?
Je croise les doigts pour ceux qui ont passé le bac cette semaine. Vous l'aurez, j'en suis certaine 🤞🏻
Charleen,
XO
💋
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top