Chapitre 63 • La promesse

Le dîner se poursuit sans que Simon ne me fasse une autre blague de mauvais goût, ce dont je lui suis reconnaissante. Il se rattrape en me complimentant sur la qualité du plat, qu'il apprécie au point de se resservir deux fois, ce qui me fait plaisir. On discute pendant plus de la moitié du repas du bac que l'on passe tous les deux à la fin de l'année puis, sans que je ne sache comment la conversation a dévié, je me retrouve à répondre aux questions de Simon à propos de ma mère. Même si évoquer son souvenir est une chose que je préfère éviter de faire, je m'épanche un peu plus que d'habitude sur le sujet, étant donné qu'en tant que petit ami il est en droit d'en savoir davantage sur moi.

- Je suis née plus d'un mois avant le terme prévu de la grossesse, commencé-je, par une césarienne effectuée d'urgence suite à une chute de ma mère dans les escaliers. Mes organes vitaux n'avaient pas encore terminé leur développement, c'est pourquoi me mettre au monde était risqué à ce stable, mais il n'y avait pas d'autre option. Malheureusement, il y a eu des complications pendant l'opération, ma mère souffrait d'une hémorragie causée par sa mauvaise réception. (J'avale difficilement ma salive avant de conclure.) Même si je dois encore être suivie pour des problèmes pulmonaires aujourd'hui, ils sont parvenus à me sauver en me plaçant dans une couveuse pendant des mois, sauf qu'elle n'a pas eu cette chance. Elle est décédée sur la table d'opération, sans que les médecins ne parviennent à trouver l'origine de son importante perte de sang à temps.

Je ne sais pas quelle expression arbore Simon car je garde le regard rivé mes genoux, mais je devine au son de sa voix que celle-ci est pleine de compassion.

- Je suis désolé, dit-il avec sincérité. J'imagine que ça n'a jamais été facile pour toi de fêter ton anniversaire.

Je hoche doucement la tête. Il a raison, cette journée est depuis toujours maudite à mes yeux, alors que je suis censée la fêter justement.

- Mon père fait tout pour que je ne pense pas à ça lorsque le 7 mai arrive, mais c'est impossible quand le fait que lui ne fasse que ça est si flagrant.

Il se penche sur la table pour me caresser la pommette avec son pouce. Je lui adresse un sourire tendre en comprenant qu'il essuie l'unique larme ayant coulé sur ma joue, puis nous recommençons à piocher dans nos assiettes.

- C'est un thème que vous abordez de temps à autres, ou pas du tout ? me demande-t-il, sa bouchée de nourriture à peine avalée.

- Non, j'ai comme l'impression que c'est un sujet tabou pour lui. (Je hausse les épaules.) Du coup, je ne sais presque rien sur ma mère, mais je ne lui en veux pas. Les conséquences de sa mort ont été quasiment aussi terribles que cette dernière elle-même.

Je lui explique que mon père a été obligé de sacrifier son avenir pour moi suite à ça. À l'époque, il préparait encore son master d'histoire et c'était le travail de ma mère qui subvenait à nos besoins. Du coup, il a épluché les annonces d'emploi après son décès pour joindre les deux bouts, sans succès vu son manque de diplôme professionnalisant. Il en a bavé de nombreux mois entre les frais hospitaliers et le coût de l'enterrement. Toutes ses économies y sont passées, ainsi que dans le loyer dont ma mère se chargeait auparavant. Nous avons même été obligés de nous rendre aux Restos du cœur deux ou trois fois, alors que je me déplaçais encore dans un couffin. En fin de compte, il a décidé de passer son permis poids lourds et a été embauché comme routier pour une chaîne de supermarchés qu'il n'a jamais quitté depuis, n'ayant jamais fait le choix de reprendre ses études pour devenir professeur d'histoire.

- Putain, lâche-t-il, je ne m'attendais pas à ça. C'est flippant, de se dire que la vie d'une personne peut prendre une toute autre tournure en un rien de temps, à cause d'un seul événement. Un jour elle a tout, le lendemain plus rien.

Il se passe la main dans les cheveux, comme ébranlé par mon récit, mais son regard reste plein de douceur. Des fois, il m'arrive d'être seule dans mon lit et de ressasser cette histoire qu'il m'a apprise il y a seulement peu de temps. Avant cette soirée au cours d'un week-end durant laquelle nous avons une fois de plus parlé jusqu'à très tard, je n'étais au courant de rien. Depuis, je me laisse parfois envahir par la culpabilité, et je suppose que c'était pour éviter cela qu'il m'a maintenue si longtemps dans l'ignorance. Si je n'avais pas existé, rien de tout cela ne se serait produit, pensé-je dans ces moments là.

- Ton père est un homme vraiment admirable, continue-t-il en s'essuyant la bouche avec sa serviette. Déjà qu'il m'impressionnait à cause de son statut par rapport à toi, je ne te dis pas à quel point je le respecte maintenant.

Je ne peux m'empêcher de sourire à l'entente de sa phrase. Je suis contente qu'il estime autant mon père, parce qu'il sera toujours le premier homme de ma vie. Plus que ça même, mon héros. Et je le suis encore plus que ce dernier accepte l'arrivée rapide de Simon dans mon quotidien et qu'il ne s'entende pas si mal que ça avec lui pour le moment.

- Assez parlé de ça ! décrété-je avec entrain. Je ne t'ai pas invité chez moi pour passer des heures à me lamenter sur mon sort ainsi que sur le destin tragique des membres de ma famille.

Déterminée à changer de sujet, je me lève et je commence à débarrasser. Simon replace tout ce qui doit l'être au frigo, tel que le gruyère dont il avait littéralement fait une montagne sur ses pâtes, pendant que je mets le reste de ce qui composait la table dans le lave-vaisselle.

Lorsque je referme celui-ci, je suis étonnée de sentir le corps grand et large de mon petit ami venir se presser avec fermeté contre mon dos. Immédiatement, mon rythme cardiaque s'accélère dans ma poitrine.

- Tu m'as invité pour faire quoi, alors ?

Son souffle chaud qui se répand sur mon oreille, et ses dents qui en taquinent même le lobe, rendent aussitôt mes jambes flageolantes. Mon bassin désormais coincé entre le sien et le plan de travail, je ne peux rien faire d'autre que de pencher la tête sur le côté.

- J'ai quelques idées, si ce n'est pas ton cas.

Il poursuit d'un ton rempli de sous-entendus, puis il m'attrape brusquement par les hanches pour me tourner avec impatience face à lui. Tandis qu'il porte sur moi un regard plein de désir, je fais courir mes mains de ses avant-bras puissants à ses épaules carrées.

- Ah oui ? ricané-je, avec une naïveté feinte. N'hésite pas à me dire lesquelles, peut-être qu'elles me tenteront...

Il me lance un sourire aussi taquin que le mien, avant de me faire pratiquement sursauter en plaquant ses mains sur mes fesses. D'un geste rapide, il me soulève dans les airs et j'enserre aussitôt sa taille avec mes jambes.

- Je vais même faire mieux que ça, je vais te les montrer.

Sans tarder, il nous fait sortir de la cuisine d'un pas déterminé, puis il me porte à travers l'appartement jusqu'à ma chambre. Je me marre en me tournant à moitié dans ses bras afin de lui indiquer le chemin, accrochée à lui avec force pour être certaine de ne pas tomber.

- C'est là, fais-je en pointant du doigt la porte devant laquelle il allait passer sans s'arrêter, ce qui accentue mon rire. Mais tu es sûr que tu ne veux pas prendre de dessert avant ?

Il l'ouvre d'un léger coup de pied, ses paumes étant toujours placées sous mes fesses, et avance rapidement dans la pièce. Jusque là amusée par les gestes de mon petit ami, je pousse un cri de surprise lorsqu'il me jette sur le lit et que mon dos atterrit sur le matelas.

- C'est justement ce que je m'apprête à faire.

Toujours debout au pied de mon lit, il enlève son pull et le balance dans un coin de ma chambre parfaitement rangée pour sa venue. Simon étant désormais torse nu face à moi, ma bouche devient instantanément sèche. Mon ricanement s'évanouit devant l'air carnassier qu'il arbore en rampant entre mes jambes jusqu'à se retrouver allongé de tout son long sur moi.

- J'ai attendu ce moment toute la journée, murmure-t-il en s'emparant du bas de mon visage d'une main. Ça t'amuse de savoir que je l'ai passée serré dans mon jean parce que je ne pensais qu'à ça ?

Sans que je ne comprenne comment les choses ont pu prendre cette tournure aussi rapidement, il me regarde dans les yeux avec un désir d'une telle ampleur qu'un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Son nez à seulement quelques millimètres du mien, nos respirations saccadées se mélangent.

- À quoi, au juste ?

Malgré le fait que ma voix soit mal assurée, je parviens à répliquer d'un ton de défi, tout en glissant mes paumes jusqu'à ses omoplates nues pour le provoquer davantage. C'est alors que la pression de ses doigts qui entourent ma mâchoire se fait plus insistante, et qu'il effleure mes lèvres des siennes.

- À ce que j'allais faire de toi durant cette soirée. (Ses yeux sont rivés aux miens.) Je n'ai pas réussi à te sortir de ma tête. Tu m'obsèdes.

Juste après avoir prononcé ces mots contre ma bouche, il s'en empare avec vigueur. Elle s'entrouvre sous le coup de la surprise engendrée par cet assaut, et Simon en profite aussitôt pour y glisser sa langue. Il m'embrasse comme si les 24 heures dont il parle lui avait sembler durer une éternité, avec une envie réprimée tellement longtemps qu'elle m'en coupe la respiration.

- Toi aussi, articulé-je avec difficulté quand il m'accorde une pause, désormais hors d'haleine. J'ai passé la journée à attendre qu'elle se termine.

Son front posé sur le mien, il regarde la main dont il se servait pour maintenir ma tête passer entre nos deux corps afin de saisir le bas de mon tee-shirt. Mon souffle se fait de plus en plus court à mesure qu'il le fait remonter, exposant toujours plus de peau, allant jusqu'à me le retirer complètement.

- Quand je suis rentré après t'avoir ramenée hier après-midi, je ne cessais de me remémorer ton expression pendant que tu perdais le contrôle de ton corps pour la première fois. Et depuis que tu m'as proposé de dormir à tes côtés, quelques heures plus tard, je bande rien qu'à me dire qu'on a déjà l'occasion de remettre ça.

Simon entreprend de faire glisser mon pantalon sur mes jambes, ce qui me donne automatiquement la chair de poule. Il se lève pour l'ôter de mes chevilles plus rapidement et, sans quitter des yeux mon corps quasiment nu devant lui, il commence à retirer le sien.

- Personne ne m'a jamais regardée comme ça, déclaré-je à voix haute sans le vouloir.

La façon qu'il a de m'observer gigoter sur les draps, alors que je suis exposée à son regard comme je ne l'ai jamais été à celui d'un garçon auparavant, est paradoxalement aussi tendre que sulfureuse. Je suis à la fois nerveuse car je ne connais pas ses intentions pour la suite, et gênée de me retrouver en sous-vêtements devant quelqu'un pour la première fois de ma vie, bien que je me sois creusée les méninges une demi-heure avant de sélectionner ce simple ensemble noir.

- Parce que personne ne t'a jamais aimée comme ça, répond-il d'un ton doux avant de jeter son jean par terre. Je ne te répéterai jamais assez à quel point je te trouve magnifique.

Mon coeur manque de s'arrêter en l'entendant me dire de si jolies choses, et un immense sourire apparaît sur mon visage. Le plus beau cadeau que Simon m'ait fait et ne me fera jamais, c'est la confiance en moi qu'il m'a donné et qu'il continue de me donner chaque jour. Je ne peux que me sentir belle quand il me regarde, et forte quand il est à mes côtés. Grâce à lui, je suis en train de devenir une femme, une vraie.

- Approche, lui demandé-je en tendant les mains vers lui. J'ai froid loin de tes bras.

La seconde d'après, il a déjà repris sa place sur moi, les avant-bras posés de chaque côté de ma tête afin de retenir son poids. Alors qu'il m'embrasse avec une lenteur exquise, mes cuisses se resserrent d'elles-mêmes autour de son bassin. Simon roule soudain des hanches, et je lâche un cri étouffé par son baiser en sentant à quel point il a envie de moi.

- Voila l'effet que tu me fais, énonce-t-il d'une voix presque douloureuse. Que tu me sois interdite pour le moment me rend encore plus fou de toi.

Il incline de nouveau son bassin vers l'avant dans le but de presser contre ma cuisse la preuve de son excitation grandissante, et ma température se rapproche de la fièvre. S'il n'arrête pas immédiatement de me tenter, je ne suis pas certaine de parvenir à écouter la raison plutôt que mon coeur.

- Ne refais plus ça... (Je le supplie dans un gémissement de ne pas me torturer davantage, avant que mon souhait le plus cher ne m'échappe sans que je n'ai le temps de le retenir.) Je veux que tu sois le premier, Simon.

Quand je serai prête à perdre ma virginité, ça sera uniquement avec lui et pour personne d'autre. Je suis consciente qu'il me marquera ainsi à vie, mais je sais aussi que je ne regretterai jamais d'avoir ancré dans ma chair le souvenir de ce que nous ressentons l'un pour l'autre à cet instant précis. Tremblante, je lui en fais la promesse silencieuse.

- Alors je le serai. (Il replace une mèche de cheveux derrière mon oreille, avant d'en profiter pour caresser ma joue du bout de ses doigts.) Parce que c'est ce que je veux aussi, plus que je n'ai jamais voulu quelque chose de toute ma vie.

*****

J'ai passé beaucoup de temps sur l'écriture de cette partie alors je croise les doigts pour qu'elle vous plaise !

Vous étiez nombreuses à vouloir en savoir plus sur la mère d'Éléanore, et bien c'est désormais chose faite ! Son histoire, et celle de son père du coup, vous a-t-elle émues ?

Quant à Simon, il est de plus en plus adorable et sûr de ses sentiments. Vous aimez ce côté de sa personnalité et le fait qu'il s'ouvre davantage c'est-à-dire son évolution ou vous préférez les scènes où il se la joue bad boy ?

J'attends vos retours avec impatience et je m'applique pour écrire la suite que mérite ce passage prometteur, n'est-ce pas ?

Charleen,
XO
💋

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