Chapitre 62 • En amoureux
Je me penche sur le canapé pour jeter un coup d'œil à mon téléphone, posé sur la table basse. L'heure indiquée en haut de l'écran est 20h05, ce qui signifie que l'arrive de Simon se fera d'ici une dizaine de minutes.
- Arrête de soupirer ! hurle mon père depuis sa chambre, où il est en train de finir de s'habiller. Je t'entends d'ici !
À l'entente de sa réflexion, je pousse automatiquement un énième soupire. J'entends aussitôt mon père ricaner à plusieurs mètres de là, ce qu'il n'a pas cessé de faire tout au long de l'après-midi.
J'étais tellement stressée à l'idée d'inviter pour la première fois un garçon à dormir chez moi, surtout que Simon n'a encore jamais passé la porte de mon appartement, que j'ai décidé de le récurer de fond en comble. Je ne sais pas si je me suis mis cet objectif en tête parce que j'avais peur du jugement qu'allait porter mon nouveau petit ami sur l'endroit dans lequel je vis depuis presque toujours, étant donné qu'il habite dans une luxueuse maison même si elle ne lui appartient pas. Pour être honnête avec moi-même, je dirais plutôt que j'avais besoin de m'occuper par tous les moyens pour éviter de penser au fait que mon père s'apprêtait à lui mettre une pression monstre sur les épaules et que je n'avais même pas eu le courage de le prévenir.
- Où as-tu rangé le bazar qui trainait sur le plateau dans l'entrée ? me questionne mon père en se frottant la nuque. Je suis certain que tu as voulu bien faire en t'occupant du ménage, mais je ne retrouve plus mes clés de voiture et je pars au boulot dans très peu de temps.
Installée sur le canapé, je le regarde apparaître devant moi avec son air préoccupé en me demandant si je ne ferais pas mieux de ne pas lui dire qu'elles sont déjà dans son manteau. Ainsi, il passerait le prochain quart d'heure à les chercher au lieu de me donner un billet de retour pour le célibat en foutant la trouille à Simon. Faute de chance, je n'ai pas le temps de faire un choix qu'il tâte déjà ses poches et réalise qu'elles sont à l'intérieur de l'une d'entre elles.
- Problème résolu, dit-il avec soulagement en les remuant devant lui. Bon, j'espère qu'il est plus ponctuel que sa meilleure amie parce...
Mon père est coupé par plusieurs coups frappés à la porte. Il sourit en lançant « On dirait bien que oui » tandis que je me lève d'un bond, paniquée. Je suis rapidement arrêtée dans mon parcours jusqu'à l'entrée puisque je n'ai pas fait un pas qu'il me force déjà à me rasseoir.
- Hop hop hop. Tu restes ici, décrète-t-il d'un ton amusé mais ferme. C'est moi qui vais l'accueillir, puis j'en profiterai pour avoir cette fameuse discussion entre hommes sur le pallier, loin de tes oreilles curieuses.
- Mais papa ! fais-je en pleurnichant. Je t'ai dit qu'il n'était pas au courant, il va encore plus mal le vivre si je ne suis pas là !
Évidemment mes justifications, qui ressemblent davantage à des supplications, sont vaines. Il pose un doigt sur sa bouche pour me signifier de me taire avant de tourner les talons pour aller ouvrir à mon copain, qui s'impatiente devant l'appartement. Sur la pointe des pieds, je me rends dans le couloir pour écouter ce qu'ils se disent malgré les avertissements de mon père.
- Simon ? lâche ce dernier d'une voix étonnée après avoir ouvert la porte. Qu'est-ce que tu fais ici ?
Oh non, c'est pas vrai ! Je me frappe le front avec ma paume, hallucinée que mon père ose faire de l'humour à ce moment précis. Comme si Simon n'était pas déjà assez mal à l'aise...
- Monsieur Rhodes, je... commence ce dernier, de toute évidence déconcerté. Je suis désolé de vous déranger en cette heure tardive mais je pensais que vous...
- Travailliez de nuit ? termine mon père face à son hésitation. Du coup, tu t'es dit que tu pourrais venir passer la soirée avec ma fille pendant que j'ai le dos tourné ?
Je me mords le poing pour me retenir de hurler contre lui. Je paris qu'il m'a entendu venir me planquer et que c'est de cette façon qu'il me punis pour lui avoir désobéis une fois de plus.
- Non, du tout. Absolument pas, je... (J'imagine le visage de Simon devenir livide devant la froideur de mon père.) Je ne me serais pas permis de prendre une telle initiative. À vrai dire, Éléanore m'a proposé de la rejoindre et j'ai tout simplement accepté.
Bien que je stresse encore en attendant la prochaine réplique de mon père, je ne peux m'empêcher d'être fière de la manière dont Simon lui a répondu. Certes, sa voix était loin d'être assurée au début, mais il ne s'est pas laissé démonter en lui expliquant sa propre version des faits avec une politesse grandiose.
- Bon... poursuit Simon en raison du silence pesant installé par mon père, qui j'en suis certaine est en train de le regarder de haut. Je vais y aller. Encore pardon pour la gêne occasionnée.
Il ne va quand même pas le laisser partir, là ? Affolée, je passe un œil de l'autre côté du mur. Je pousse un énorme soupir lorsque je vois mon père s'emparer du bras de Simon alors que celui-ci commençait à faire volte-face.
- C'était une plaisanterie, mon garçon. Je travaille effectivement de nuit et je m'apprête à partir au boulot. Éléanore t'attend à l'intérieur, ne t'en fais pas. Je souhaitais simplement discuter quelques minutes avec toi avant de vous laisser seuls ici. Tu serais d'accord ?
Malgré la distance à laquelle je me trouve, je remarque le soulagement sur les traits de Simon. Ses yeux passent à plusieurs reprises de la main de mon père sur son blouson en cuir à l'expression rassurante que ce dernier arbore désormais, comme s'il lui fallait un certain temps avant de réaliser que ce qui venait de se passer n'était qu'une mascarade.
- Bien sur, déclare-t-il finalement. Vous m'avez réellement foutu la trouille, vous savez.
Le rictus admiratif qui prend forme au coin de ses lèvres me rassure. Mon père lui lance un sourire taquin puis le gratifie d'une tape sur l'omoplate.
- Oh, ce n'était que le début !
Sur cette affirmation qui, bien que pleine d'ironie, parvient à me faire stresser, il lui demande de reculer sur le pallier. Comme me l'a annoncé mon père, c'est à cet endroit que leur conversation aura lieu pour que je ne puisse pas écouter ce qu'ils se diront.
À ce propos, le regard de l'homme au sens de l'humour particulier qui me sert de père croise le mien au moment où celui-ci referme la porte de l'apparemment derrière eux. Je ne suis pas surprise lorsqu'il m'adresse un clin d'œil avant de disparaître, me donnant la certitude qu'il était au courant de ma présence et que c'est pour cette raison qu'il a agit ainsi. Je roule des yeux dès qu'il se retrouve hors de ma vue.
Visiblement, je n'ai aucun souci à me faire. Ils ne peuvent que s'entendre à merveille, ces deux-là !
***
Je passe les minutes suivantes assise sur le canapé, à fixer le mur derrière lequel se trouve l'entrée. J'admets avoir été tentée de plaquer une oreille contre le bois de la porte pour écouter une fois de plus ce qu'ils se disaient, mais avec les dernières actions de mon père je n'aurais pas été étonnée s'il l'avait ouverte par surprise pour me prendre un flagrant délit. Du coup, je préfère patienter dans mon coin en faisant des hypothèses sur ce qu'il est en train de raconter à Simon. Pourvu qu'il ne lui fasse pas un discours au sujet de l'importance du préservatif...
Par chance, je n'ai pas la possibilité de me creuser les méninges bien longtemps puisqu'ils abrègent rapidement mes souffrances. Ils sont tous les deux de retour dans l'appartement moins d'une dizaine de minutes plus tard, des éclats de voix enjouées retentissant dans l'entrée m'en donnent la preuve.
- Je suis content que nous soyons sur la même longueur d'onde, déclare la voix de mon père.
Je saute sur mes pieds dès qu'ils entrent dans la pièce. Perplexe, je reste figée jusqu'à ce que le regard de Simon se pose enfin sur moi.
- Salut, dit-il en souriant avant de s'approcher de moi. Tu m'as manqué aujourd'hui.
Il joint l'acte à la parole en déposant un rapide baiser sur ma joue. Je fronce les sourcils, non pas parce qu'il ne m'embrasse pas avec fougue, ce qui est la moindre des choses devant mon père, mais parce qu'il n'a l'air ni énervé, ni paniqué, ni gêné, ni de ressentir quoi que ce soit de négatif.
- Toi aussi, avoué-je dans un murmure en le regardant dans les yeux pour déceler une quelconque émotion.
- Bon, je vais y aller. (Mon père remonte la fermeture de son manteau.) Normalement, je ne serais de retour qu'en fin de matinée.
On le suit tous les deux dans le couloir, où il vérifie qu'il a bien tout ce qui lui faut sur lui avant de me faire un bisou sur le front.
- À demain, ma puce. (Il serre ensuite la main de mon copain avec une certaine fermeté.) Je compte sur toi, Simon. Prends soin d'elle pendant mon absence.
- Je l'aurais fait sans que vous me le demandiez, monsieur.
Mon père hoche la tête devant le ton confiant qu'il emploie, visiblement satisfait par ses dires. Il passe ensuite la porte de l'appartement, sans oublier de lancer le fameux « Et pas de bêtises, les enfants » extrêmement gênant auquel je m'attendais, avant de la fermer derrière lui.
Instantanément, je pousse un énorme soupire.
- J'ai cru que ce moment n'aurait jamais de fin ! fais-je avec soulagement, avant que ma curiosité ne reprenne vite le dessus. Alors, qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Rien que je ne savais pas déjà. (Il ricane en me voyant froncer les sourcils, peu satisfaite par sa réponse évasive.) C'était une conversation entre hommes, je ne peux rien te révéler.
J'insiste encore une fois, voire deux ou trois, mais il refuse toujours de cracher le morceau. Finalement, je décide d'abandonner, me concentrant sur le fait qu'il est de bonne humeur et que, du coup, mon père n'a pas dû lui dire grand chose de contrariant. Il ne me reproche pas non plus de ne pas l'avoir prévenu pour cette entrevue, alors je suppose que mon père ne lui a pas dit que c'était une des conditions pour qu'il vienne et que j'étais donc au courant.
- Tu as mangé ? lui demandé-je en le guidant jusqu'à la cuisine, après lui avoir fait posé son sac près du canapé. Étant donné que mon plat préféré est celui que je prépare le mieux, on serait tous les deux gagnants à manger des pâtes à la bolognaise.
Je le fais sourire une fois de plus avec la façon que j'ai d'essayer de le persuader. Il se pose sur l'une des deux chaises en me répondant.
- Non, je n'ai pas mangé. Et ça ira très bien, ne t'embête pas.
Après s'être mis d'accord, nous nous mettons à bavarder pendant que je me consacre à la préparation du repas. Je lui raconte le début de matinée absolument horrible que j'ai passé, d'abord à cause des messes basses des lycéens sur mon passage, puis en raison de ma dispute avec Izzie devant le gymnase. Quoi que je n'appellerais pas vraiment ça une engueulade, je dirais plutôt qu'elle a vidé son sac sans me laisser en placer une. Cependant, j'omets de préciser à Simon que j'ai de nouveau versé quelques larmes, ainsi que de lui retranscrire le « il ne voit que par toi » que sa meilleure amie m'a sorti plus tôt et qui résonne toujours dans ma tête.
- Je savais qu'elle allait m'en vouloir de lui avoir caché que j'avais démarré une relation avec une fille, mais je ne pensais pas qu'elle aurait autant de ressentiments envers toi. (Il met la table tout en parlant, comme je lui ai demandé.) On dirait que le fait qu'elle soit amie avec toi aggrave la situation, alors que ça aurait plutôt dû être le contraire.
- C'est à cause de Pénélope et de la manière dont elle a tourné ça en lui apprenant ! m'exclamé-je en surveillant les pâtes. Elle est vraiment persuadée que je l'ai manipulée depuis le départ pour me rapprocher de toi et devenir « populaire ».
Je mime les guillemets d'une seule main, dégoûtée rien qu'en décrivant les manigances dont elle me pense capable. Simon lève les yeux en ciel après avoir posé l'eau sur la table.
- Comment est-ce qu'elle peut croire une chose pareille ? Ça me dépasse complètement.
- Je lui ai posé exactement la même question ! Elle est tellement vexée d'avoir été mise à l'écart d'un truc aussi important qu'elle se laisse guider par sa rancoeur.
Exaspéré, il secoue la tête pendant que je coupe le feu sur lequel repose la sauce tomate mélangée aux fins morceaux de viandes. Quand les pâtes, elles aussi, sont prêtes à être servies, il m'amène nos assiettes et je les remplies généreusement.
- Si le goût est aussi bon que l'odeur, je suis prêt à t'emmener à la mairie ce samedi.
Je suis en train d'installer ma serviette sur mes genoux lorsque ces mots passent la barrière de ses lèvres. Aussitôt, je relève la tête vers lui, désormais assis en face de moi, et j'arque les sourcils de façon exagérée. Est-ce qu'il est vraiment en train de me parler mariage, là ?
- Ne fais pas cette tête, me lance-t-il dans un rire. Après tout, t'épouser est la condition que m'a donnée ton père pour m'autoriser à passer cette nuit et toutes celles que je souhaite dans le même lit que toi.
D'abord prise au dépourvu par le sujet qu'il aborde, son mensonge plus gros que lui me fait vite revenir sur terre. Je me retiens de lui balancer ma serviette à la figure.
- C'est pas drôle, lui fais-je remarquer. On ne plaisante pas sur des choses aussi importantes, surtout pas avec une petite amie devenue très niaise à cause de ses sentiments.
Il continue de se marrer malgré mes reproches. Néanmoins, les yeux qu'il pose sur moi deviennent tendres quand il entend ma fin de réplique. Il s'empare même de ma main pour la tenir sur le bord de la table.
- Quelque part, ce n'était pas totalement une plaisanterie. Il n'y a que pour toi que je pourrais me mettre à genoux.
Mes joues virent au rouge suite à cette déclaration, tandis que son pouce caresse avec douceur le dos de ma main. Une bouffée de chaleur me prend toute entière lorsque ce dernier passe à plusieurs reprises sur mon annulaire, où est censée être placée une alliance.
- Pour une fois que ça ne sera pas toi dans cette position.
Et il explose de rire si franchement qu'il lâche ma main pour se tenir le ventre. Cette fois-ci, je n'hésite pas une seule seconde avant de lui jeter ma serviette en pleine tête. Même dans un moment comme celui-ci, supposé être à l'apogée du romantisme, cet abruti trouve le moyen de sortir une remarque salace. Qu'est-ce que ça peut être bête, un garçon !
- Par pitié, ferme-la et mange... le supplié-je, désespérée. Sinon, je te forcerais à passer la nuit sur le canapé.
Un sourcil haussé, je le regarde avec insistance une fois qu'il s'est calmé. Malgré le sérieux que je tente de faire transparaître à travers l'expression de mon visage, un rictus moqueur se forme au coin de ses lèvres.
- Tu n'en serais pas capable.
Je prends d'abord l'air offensé, parce que je le suis vraiment, mais je finis rapidement par m'avouer vaincue en roulant des yeux.
Il a raison. Je le sais, il le sait, et le monde entier le sait aussi.
*****
J'espère que cette partie vous a plu, du moins qu'elle vous a fait sourire ! La soirée ne commence pas trop mal pour les amoureux, à suivre donc 😉
Je voulais vous remercier parce que Le Phénix a actuellement 299k de vues et va passer le cap important des 300k d'ici quelques heures seulement, ce que je n'arrive pas à croire !
Aussi, je voudrais savoir ce que vous aimeriez voir dans la suite de l'histoire. Ça peut être des idées de scènes, des événements particuliers, des personnages plus présents, etc. J'ai juste envie de vous faire plaisir alors il est probable que certaines de vos propositions soient exaucées...
Charleen,
XO
💋
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top