Chapitre 58 • Interrompus
Je suis réveillée par une vibration dans la poche arrière de mon jean. À moitié endormie, je cligne des paupières afin de revenir sur Terre, loin des bras de Morphée. Je regarde autour de moi et, constatant que je suis entourée par des draps bleu marine et de quelques meubles décorant une pièce épurée, je comprends que je me suis assoupie dans le lit de Simon. Il me faut un certain temps pour me souvenir qu'après le moment intime que j'ai partagé avec lui, je me suis blottie dans ses bras en calant ma tête sur son torse, et que le sommeil est rapidement arrivé.
- Salut.
Redressée sur mes coudes, je lance d'une voix encore ensoleillée à Simon qui, désormais assis sur la chaise de son bureau, me tourne le dos. Il lève son stylo de la feuille sur laquelle il était en train d'écrire pour me faire face.
- Remise de tes émotions ? demande-t-il d'un air taquin, suite à quoi mes joues virent au rouge.
- Oui, lâché-je timidement. Qu'est-ce que tu fais ?
Je soulève la couette pour sortir du lit, dans le but d'aller voir par moi-même, quand je remarque ma tenue. Je suis toujours en soutien-gorge, alors que mon pull se trouve quelque part entre les draps.
- Je termine un DM de physique à rendre pour demain. (Son regard tombe sur ma poitrine.) Mais je vais avoir du mal à continuer si tu te balades habillée comme ça dans la pièce.
Comme je ne me sens pas mal à l'aise et que je suis amusée par l'effet que lui fait la vue de mon corps, je ne prends pas le temps de ramasser mon haut avant d'avancer vers lui.
- Quel dommage.
Je me moque de lui d'un ton faussement peiné, ce qui le fait marrer. Il secoue la tête puis se concentre de nouveau sur le travail qu'il a à faire, donnant son attention aux papiers étalés devant lui plutôt qu'à moi.
Pour m'occuper, je saisis le cahier doté de l'étiquette « Physique Chimie » qui est posé non loin de lui. Lorsque je retourne m'asseoir au pied du lit pour le parcourir, je suis étonnée par ce que je découvre à l'intérieur. Entre les cours écrits à la main se situent parfois des feuilles volantes qui sont en fait les contrôles qu'il a passé. Je tombe sur un 19, puis plus loin mes yeux s'arrêtent sur le chiffre 17,5, et ainsi de suite.
- Wahou, fais-je en relevant la tête. Tu excelles dans cette matière.
- Pas que dans celle-là. (Il s'interrompt une deuxième fois pour se retourner vers moi avec un sourire hautain aux lèvres.) Parce que tu en doutais ?
- Je ne m'étais jamais posé la question, avoué-je en haussant les épaules. D'ailleurs, qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?
J'ai conscience que ce sont des banalités, pourtant nous n'en avons jamais parlé. Je ne savais même pas qu'il était une Charlie au masculin. On ne connaît pas grand chose l'un sur l'autre, on apprend en quelque sorte à se connaître sur le tas. Et je suis forcée d'admettre que ça me plait, de découvrir les détails qui le concernent au fil du temps qui passe.
- J'aimerais travailler dans la recherche médicale, c'est pourquoi j'entre en fac de médecine à la rentrée prochaine. Et toi ?
J'en reste bouche bée un instant. Ce n'est pas que je le sous-estimais, lui et ses capacités, mais je n'imaginais pas qu'il avait l'intention de s'orienter dans des études aussi prestigieuses. On dirait que le brun ne cesse jamais de me surprendre.
- Tu es ambitieux, c'est vraiment impressionnant. Moi, je ne suis pas encore sûre du choix que je vais faire. Le site APB a déjà ouvert, pourtant j'hésite toujours entre une prépa littéraire et intégrer la fac de psycho.
C'est une décision à laquelle, mine de rien, je pense beaucoup en ce moment. Mon avenir est en jeu, et je suis censée le déterminer dans les semaines à venir, alors que je ne suis qu'une adolescente qui, la majorité du temps, pense au garçon qui fait battre son coeur. Simon hoche la tête à plusieurs reprises en mâchouillant le bouchon de son stylo, l'air pensif.
- Il n'y a pas de prépa littéraire dans cette ville.
C'est la phrase qu'il me sort après quelques secondes de réflexion. Bien que j'ai du mal à savoir où il souhaite en venir, je confirme tout de même ses propos.
- Effectivement. La plus proche est à 70 km, mais je peux ne pas y être acceptée et devoir partir encore plus loin.
Sans prononcer un seul mot, il me regarde en fronçant les sourcils avec insistance, et je ne saisis pas pour quelle raison il agit aussi bizarrement. Comme je ne réagis pas, il se contente de refaire volte-face afin de terminer son DM.
Ce n'est qu'au bout d'une minute que je devine enfin ce qui lui ait à coup sûr passé par la tête. Je suis certaine qu'il a pensé à nous, à notre relation naissante et par conséquent à notre supposé avenir commun. Je suis vraiment idiote de ne pas avoir compris plus tôt ! Soudain, des tonnes de questions tourbillonnent dans mon esprit, telles que : « Croit-il en l'amour à distance ? » ou bien « Devrais-je aller à la fac pour rester près de lui ? ». Je ne me les étais jamais posées auparavant, mais elles sont maintenant plus que jamais d'actualité. Si notre couple est amené à durer, chaque choix que je ferai risque de l'impacter.
Mes interrogations sont vite coupées par mon téléphone, qui vibre une fois de plus dans ma poche. Je me rappelle alors que c'est ça qui m'a réveillé tout à l'heure, et j'en déduis donc que j'ai reçu au moins deux textos. Quand je m'empare de mon cellulaire, je constate que j'ai eu tout à fait raison d'employer les termes « au moins ». En effet, mon père a tenté de me joindre à 4 reprises et m'a envoyé tout autant de messages.
J'ai eu un coup de fil du lycée m'informant de ton absence à partir de 10h. La moindre des choses est de me prévenir quand tu rentres à la maison parce que tu es malade.
Comme tu ne décrochais pas ton portable, je t'ai également appelé sur le fixe, mais tu ne réponds pas non plus. Où es-tu ?
Qu'est qu'il se passe, Éléanore ? Je livre un supermarché à une centaine de kilomètres, je ne peux vraiment pas me permettre de rentrer pour le découvrir par moi-même.
Appelle-moi dès que tu as ces messages. Je me fais beaucoup de souci pour toi.
Je grogne un « Merde ! » dans ma barbe, me reprochant de ne pas avoir pensé au fait que La Sidoine informe les parents des absences de leurs enfants. Je tape un rapide texto dans lequel je lui explique que je suis bien chez moi parce que je n'étais pas dans mon assiette mais que j'ai fait une sieste pour aller mieux. Dans l'espoir qu'il me croit, je termine la rédaction de ce dernier par les mots « Ne t'en fais pas. », et c'est là que je vois l'heure affichée sur mon écran.
- Il est 15h passé, dis-je à Simon. On est mardi alors notre classe finit les cours à 16. Il ne faut pas tarder à partir si tu comptes toujours me raccompagner avant de passer voir Izzie.
- Je boucle la dernière question et on y va. (Concentré, il ne lève pas le nez de sa feuille.) On risque de croiser Jay, il termine à 15.
À peine a-t-il fermé la bouche que l'on entend la porte d'entrée claquer au rez-de-chaussée. Simon hausse un sourcil, étonné par la coïncidence, lorsque la voix du maître des lieux nous parvient aux oreilles.
- Mec, t'es là ? hurle-t-il en montant les escaliers. J'ai entendu des putains de rumeurs à propos de toi aujourd'hui !
Simon se lève en vitesse de sa chaise quand il remarque que je suis encore en soutien-gorge. Prise au dépourvu, je reste plantée là tandis qu'il s'affaire à retrouver mon pull.
- Grouille-toi de mettre ça, il est hors de question que Jay te...
Il me le jette à la figure à l'instant où la poignée de sa chambre est abaissée par le métisse. Tétanisée par cette arrivée plus que soudaine, je serre mon vêtement contre ma poitrine afin de dissimuler un maximum de centimètres carrés de peau.
- Il parait que toi et Éla vous êtes... (Jay arrête de parler dès que ses yeux tombent sur moi.) Oh, je vois.
La main toujours posée sur la clanche, il reste interdit devant mon corps à moitié nu en plein milieu de la pièce. Je crois que mon visage n'a jamais pris une teinte de rouge aussi intense que celle qu'il arbore en ce moment.
- On frappe avant d'entrer !
Simon n'est pas énervé qu'il déboule en trombe mais plutôt qu'il mate sa petite amie en sous-vêtement. En conséquence, il se dirige vers son ami pour lui barrer la vue, et j'en profite pour enfiler mon haut.
- Je suis chez moi, je te signale. De toute façon, on a tous déjà vu ses seins lors du dernier action ou vérité.
Je suis en train d'extraire de mon col les cheveux restés coincés à l'intérieur quand Jay rappelle mon faux-pas, commis pendant la soirée de vendredi pour mettre en rogne Simon dans le cadre de notre « jeu ».
- Ouais bah je préfère que ça ne reproduise pas. (Comme je me suis rhabillée, il se dégage de la porte pour laisser le métisse entrer.) Du coup, quelles sont les rumeurs sur nous ?
- On dit que vous êtes ensemble depuis déjà pas mal de temps, dans le dos de tout le monde. (Suspicieux, son regard passe de mon copain à moi.) Et que Pénélope s'est battue avec Éla parce qu'elle était jalouse.
Je roule des yeux, exaspérée que les élèves de mon lycée, et de tous les autres d'ailleurs, déforment à chaque fois la vérité pour en faire des histoires plus croustillantes à raconter.
- Il n'y a eu aucune bagarre entre Pénélope et moi, rectifié-je. Elle m'a juste tiré les cheveux pour me faire tomber par terre.
- C'est déjà pas mal, hein. (Simon est toujours furieux contre elle, tout comme moi.) Quant à la première partie des ragots que tu as sortis, elle est fausse aussi. En fait, on s'est mis ensemble juste après cette scène digne d'un film pour ados.
Un ricanement sort de ma bouche à l'entente de sa comparaison. Étant donnée la folie de nos mésaventures, certains aspects de notre histoire pourraient être une source d'inspiration pour les réalisateurs Hollywoodiens.
- Je ne pensais pas qu'Éla était du genre à coucher avec un mec qui est le sien depuis à peine trois heures.
Choqué, il me regarde en haussant les sourcils. J'admets que ma tenue lors de son entrée dans la chambre portait à confusion, donc je choisis de mettre les points sur les i et les barres sur les t pour éviter tout malentendu.
- Ce n'est effectivement pas mon genre. Je n'ai pas couché avec lui, on a simplement... (Argh, pourquoi n'ai-je pas conclu ma phrase quelques secondes avant ?) Bref, tu m'as comprise, on a pas couché ensemble.
Suite à la bourde que je viens de faire, Jay adresse un sourire de connivence à son pote, comme pour le féliciter. Ce dernier se marre mais lance tout de même un oreiller sur le métisse pour lui signifier de la fermer. Il le rattrape au vol puis saute avec sur le lit.
- Il s'est forcément passé des trucs entre vous ces dernières semaines pour que vous en arriviez là. Allez-y, racontez-moi tout.
Sur ces mots, il s'étend de tout son long au beau milieu des draps froissés par ma courte sieste. Positionné en étoile de mer, il attend que l'un de nous lui balance les détails.
- On a pas le temps, je me rends devant La Sidoine afin de voir Izzie. (Le brun attrape Jay par la cheville pour le virer de son lit, mais il résiste à son essai.) Bouge ton cul de mon pieu. En plus, je suis certain que les rediffusions de tes émissions de télé-réalités ont déjà commencées à cette heure.
- Heureusement qu'il y a la télé dans ta chambre alors, répond-il à la moquerie de Simon.
Le métisse tend le bras pour se munir de la télécommande, située entre les coussins. Je rigole face au spectacle qui se joue devant moi, lorsque mon copain essaye de lui arracher des mains mais qu'il n'y parvient pas. Elle ne doit pas être tous les jours évidente, la collocation entre ces deux-là.
- Arrête de faire le gamin, je vais finir en retard à cause de toi. (Simon n'a toujours pas réussi à mettre Jay hors de son lit, qui a même allumé l'écran géant.) Bon ok, tu glandes ici pendant que je ne suis pas là, mais tu n'as pas intérêt d'être toujours posé là quand je rentre.
- Sinon quoi ? (Il le provoque, sauf que mon petit ami lui adresse un regard qui le calme.) D'accord, j'ai compris ! cède-t-il en levant ses mains. De toute façon, je n'ai aucune envie de rester dans des draps qui ont récemment été souillés.
Une fois de plus, il lance un sourire entendu à Simon, qui ne peut s'empêcher de le lui rendre. Blasée, je roule des yeux. Il se vantera de ses exploits plus tard, la fille aux cheveux gris est pour l'instant notre priorité.
- Tu as croisé Izzie aujourd'hui ? demandé-je à Jay en me dirigeant vers la porte.
- On mange ensemble tous les midis, tu sais. (Encore allongé, il fait défiler les chaînes.) Je te souhaite bonne chance pour te rattraper, mon pote. Elle était littéralement au bout de sa vie, je l'avais rarement vu dans un tel état.
Je remarque que Simon baisse la tête vers le sol, comme si le poids de la culpabilité alourdissait ses épaules. Il s'en veut autant que moi de causer une peine si grande à sa meilleure amie, mais il doit rester aussi déterminé qu'il l'était plus tôt et ne surtout pas perdre espoir que tout rentre dans l'ordre entre nous tous. Elle ne peut pas faire la gueule éternellement... Si ?
- Je me doute. (Il se frotte la nuque, désemparé.) Mais je vais essayer d'arranger les choses malgré tout, puis je te dirais comment ça s'est passé en rentrant.
- Tu as intérêt, tu m'as déjà caché assez de trucs comme ça ces derniers temps.
Simon me rejoint à l'entrée de sa chambre après que Jay lui ait répondu sur le ton de la plaisanterie, d'où transparaît quand même une certaine part de vérité. Je m'apprête à refermer la porte derrière nous lorsque la voix du métisse résonne à nouveau dans la pièce.
- Au fait, les amoureux ! (Suite à cette interpellation pour le moins nouvelle, on se tourne vers lui, dont le visage est désormais habillé par un sourire bienveillant.) Vous êtes très mignons, tous les deux. Je ne vous souhaite que du bonheur pour l'avenir.
- On te remercie, Jay. (Touchée, je pose une paume sur mon coeur.) Étant donné que je risque de squatter chez toi pas mal de fois, je suis heureuse que tu penses ceci.
- Ouais, c'est vraiment gentil. (Le brun semble être reconnaissant.) D'ailleurs, je te conseille de passer à la pharmacie pour acheter des boules Quies, si tu tiens à ta tranquillité ainsi qu'à ton sommeil paisible.
Comme il est juste à côté de moi, j'en profite pour lui flanquer une claque sur bras. Apparemment, il faut que je m'habitue à entendre ce genre d'insinuations passer la barrière de ses lèvres.
- Avec toutes les nanas que j'ai ramené à la maison en ta présence, je pensais que tu en aurais à me prêter. (Jay entre dans son jeu, évidemment.) Mais t'inquiète, je penserai à te prendre des préservatifs taille XXS par la même occasion !
*****
Après une période de grande productivité niveau écriture, le calme est revenu dans mon inspiration. Certainement parce que je me suis mise à douter de la qualité de mes écrits, mais ça arrive à tout le monde !
Quoi qu'il en soit, je reviens avec un chapitre qui je l'espère vous a fait sourire. De toute façon, quand Jay est présent, ça ne peut que être le cas 😋
D'ailleurs, j'ai une question : Quel est votre personnage secondaire favori ?
J'ai hâte de savoir qui de Izzie (bien qu'elle soit presque principale), Charlie, Jay, Castiel ou encore le père d'Éla a le plus de supporters. Ça m'intéresse pour les développer peut-être davantage même si j'essaie déjà de le faire suffisamment...
Charleen,
XO
💋
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