Chapitre 54 • Provocation

Comme je m'en doutais suite à la conversation entre Andréa et Pénélope que j'ai surprise ce matin, Simon n'a pas mangé avec nous ce midi. J'ai partagé mon déjeuner avec Izzie, Jay, Castiel et Charlie, tandis qu'il passait du temps en dehors du lycée avec ma pire ennemie. À part lorsque j'ai questionné ses amis sur l'endroit où il se trouvait alors que j'étais déjà au courant, je me suis montrée très silencieuse.

- En train de rompre avec Pénélope, m'a répondu le métisse entre deux bouchées de nourriture.

- On ne rompt pas avec un plan cul, est intervenue Izzie en roulant des yeux.

Pendant la quasi totalité du repas, j'ai donc gardé la tête baissée sur mon assiette, amenant ma fourchette à ma bouche aussi machinalement qu'un robot. Je ne cessais de me creuser les méninges en me demandant : « Où sont-ils ? », « Que se disent-ils ? », « A-t-elle pété les plombs ? », « L'a-t-elle fait changer d'avis ? », et bien plus encore. Je ne sais pas si mon futur petit ami a fait ça parce qu'il s'est douté de l'état dans lequel j'étais mais quoi qu'il en soit il m'a envoyé un message qui a mis fin à toutes mes inquiétudes en répondant à la dernière question qui m'est venue à l'esprit, c'est-à-dire la plus importante de toutes celles citées précédemment.

C'est fait. À ton tour désormais.

Et me voici, quelques heures plus tard, prête à faire ce que son texto me demandait, car de toute façon je l'avais déjà prévu. En effet, il est 18h passé, la sonnerie a retenti depuis plusieurs minutes et je passe le portail du lycée en regardant partout autour de moi à la recherche d'un joli blond habillé de manière BCBG.

Quand je repère Elliot après plusieurs minutes, je constate qu'il est en compagnie d'un autre garçon. Je n'hésite pas longtemps avant de prendre la décision de les interrompre. J'ai réussi à trouver le courage d'aller lui parler aujourd'hui, il est donc trop tard pour reculer maintenant.

- Salut, dis-je gentiment en le rejoignant. Désolée de te déranger mais j'aimerais te parler en privé.

Il commence par hausser les sourcils, étonné par mon apparition soudaine. Comme il sent que je suis venue sans aucune mauvaise intention, il salue rapidement son ami d'un hochement de tête, à qui j'adresse un sourire de politesse quand il s'en va.

- Salut, répond-il simplement quand nous nous retrouvons seul à seule. Honnêtement, je ne pensais pas qu'on se reparlerait un jour.

Même s'il a accepté ma proposition, on dirait qu'il a toujours une dent contre moi après ce qu'il s'est passé jeudi dernier. Sauf que je ne suis pas responsable de l'immaturité de Simon, surtout qu'il a manigancé ses intimidations envers Elliot dans mon dos, ce que j'ai l'intention de lui faire comprendre au cours de la conversation.

- Moi j'espérais le contraire. (Je regarde mes chaussures un instant avant de me lancer.) Je tenais à m'excuser pour les menaces que t'ont fait certains amis de Simon l'autre jour. Il faut que tu saches que je n'étais absolument pas au courant et que je ne cautionne pas du tout de tels comportements.

Il penche la tête sur le côté, l'air interrogateur, comme s'il essayait de déterminer si je suis sincère. Étant donné que la réponse est oui, je ne suis pas inquiète par l'analyse qu'il essaie de faire de ma personne. Il ne peut lire que de la franchise dans l'expression de mon visage.

- J'accepte tes excuses, finit-il par dire au bout d'un certain temps de réflexion. Au fond je savais que tu n'y étais pour rien, mais j'admets que ça m'a quand même ôté toute envie de te parler.

- Pourtant, je croyais que tu étais prêt à prendre le risque.

Atteinte par son aveu, je lui rappelle les mots qu'il avait prononcé après m'avoir généreusement offert un pain au chocolat, dans l'espoir de le faire changer d'avis. Elliot a toujours été très gentil avec moi, et il s'était aussi montré courageux lorsqu'il m'avait dit ça. Deux qualités appréciables chez un garçon, ce qui me pousse à ne pas lâcher l'affaire.

- Je ne pensais pas que les risques étaient si grands, explique-t-il en haussant les épaules d'un air nonchalant.

Sur le moment, je ne sais pas quoi dire suite à une telle remarque. Ce n'est pas comme si c'était faux, mais je ne veux pas le dissuader de s'approcher de moi à l'avenir en lui disant qu'il a raison. Je compte le garder dans ma vie malgré cette histoire. Après tout, ce serait idiot de laisser quelqu'un d'autre que nous gâcher la bonne entente que nous avons établie.

- Tant qu'on se comporte comme de simples connaissances, tu n'as rien à craindre. (J'honore ma part du contrat en l'amenant avec subtilité.) Et puisque c'est ce que l'on veut tous les deux, il n'y a pas de souci.

Elliot plisse les yeux, comme s'il trouvait bizarre que j'ai besoin de le préciser. Je le comprends vu que c'est inutile, mais la possessivité de Simon m'y oblige.

- Est-ce que tout ce cirque signifie que tu m'as menti en me disant qu'avec Simon vous n'étiez qu'amis ?

Sa question me laisse pantoise. Je cherche mes mots, ne sachant pas quoi lui répondre. À l'époque, c'est ce que nous étions, alors ce n'était pas un mensonge. Enfin, nous nous étions déjà embrassés une fois mais...

- J'ai cru t'entendre dire mon prénom, intervient soudain une voix que je n'avais pas encore entendu de la journée. Que disais-tu d'intéressant à mon sujet ?

Je ne l'avais pas aperçu se diriger vers nous, pourtant Simon vient tout juste de se placer à côté de moi. D'un geste, il accentue les soupçons d'Elliot en passant un bras autour de mes épaules. Ajouté à ça le ton sec qu'il vient d'employer pour lui adresser la parole, on peut qualifier ça d'arrivée fracassante. La seule pensée qui me vient à l'heure actuelle est : « Qu'est-ce qu'il fabriques ? ».

- Détrompe toi, ça n'avait rien d'intéressant. (Le blond répond avec assurance une fois remis de sa surprise.) Comme toutes les choses qui te concernent, d'ailleurs.

Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il se défende en lui lançant un tel pique. Une fois de plus, Elliot ne se laisse pas démonter. Si ça commence comme ça, je crains déjà la tournure que risquent de prendre les événements.

- Mais c'est que la Princesse a de la répartie ! s'étonne avec exagération Simon en terminant par un ricanement. Te fatigues pas, de toute façon j'ai l'habitude d'être au centre des discussions.

Ils n'ont échangé que quelques répliques, pourtant j'ai déjà l'impression d'assister à un match de tennis où le but est de renvoyer à l'autre la balle le plus fort possible. Elliot garde les dents serrées pour se retenir de dire quelque chose qu'il regretterait plus tard, ce qui n'est pas le cas de Simon.

- Je crois qu'on a jamais été présentés comme il se doit, continue-t-il. Tu t'en charges, Éla ?

Il hausse un sourcil dans ma direction, et je fronce les miens en tournant la tête pour le regarder. Il me demande ça tout naturellement, comme s'il n'avait pas conscience de la tension qui est contenue dans l'air. Rapidement, grâce au regard plein de possessivité qu'il arbore en m'observant, je comprends qu'il veut savoir quel mot je vais utiliser pour le décrire. Je pense que je vais le décevoir en utilisant le même que d'habitude, mais je me lance quand même.

- Sans problème, accepté-je en restant néanmoins sur mes gardes. Simon, je te présente Elliot, une connaissance. Elliot, voici Simon, un ami.

Je fais les présentations en les désignant chacun leur tour. Simon ne prend pas la peine d'enlever son bras droit de mon épaule pour serrer la main d'Elliot. Heureusement, ce dernier devait s'en douter puisqu'il ne tend pas la sienne vers lui non plus. Je ne pense pas qu'il existe une scène plus malaisante que celle à laquelle nous sommes en train de participer.

- Je ne savais pas qu'on suçait ses potes, dit tout à coup Simon, me laissant sans voix.

Si, il en existe une, et c'est celle-ci, me dis-je en silence. Elliot semble tout aussi interloqué que moi par ces paroles, car il écarquille les yeux. Je mets du temps à réaliser que le brun vient le plus sereinement du monde d'insinuer devant une tierce personne que lui et moi avions déjà fait ce genre de choses. C'est de la provocation pure et dure, sa spécialité.

- Pardon ? m'exclamé-je en me tournant vers Simon, ce qui fait retomber son bras le long de son corps. Non mais ça va pas ou quoi ?

Je le fusille littéralement du regard, mais il a l'air de s'en moquer. Il en a peut-être rien à faire des bruits qui courent à son propos, mais moi je ne tiens pas à salir ma réputation. Si je pouvais disparaître en un claquement de doigts, je n'hésiterais pas à le faire, tant je me sens honteuse à ce moment précis.

- Qu'est-ce qu'il y a ? fait-il d'un air innocent avant de mettre ses mains dans ses poches. Si tu n'as pas l'intention de revenir sur ta décision d'assumer ce qu'il se passe entre nous, je ne vois pas en quoi ça te dérange.

Je reste la bouche ouverte, choquée par les mots qui sortent de la sienne. Pour quelle raison se comporte-t-il comme le pire des connards maintenant, alors que tout était sur le point de bien se terminer pour nous deux ? J'aurais dû me douter que ce qu'il m'arrivait ces derniers temps était trop beau pour durer.

- J'assume ce qu'il s'est réellement passé ! m'écrié-je au beau milieu des étudiants amassés devant le lycée.

- Très bien, alors je vais reformuler. (La tête haute, il garde son aplomb légendaire.) Disons plutôt qu'on est pas censés rouler des pelles à ses amis.

Je n'ai qu'une seule envie, le gifler de toutes mes forces pour son je-m'en-foutisme loin d'être de circonstance. Il n'a pas l'air de se rendre compte des conséquences que peuvent avoir ses actes, notamment le fait que je sois extrêmement fâchée contre lui. Simon a eu un comportement irréprochable avec moi ces temps-ci mais chassez le naturel, il revient au galop.

- Excuse-nous pour cette scène ridicule, me précipité-je de dire à Elliot en m'approchant de lui. Je suis vraiment désolée que tu sois obligé d'assister à ça.

Embarrassée, je ne sais plus où me mettre en lui faisant mes plus plates excuses. Comme je le redoutais, son visage est habillé par une expression où sont mêlés l'incompréhension, l'étonnement, mais surtout le dégoût.

- Je comprends parfaitement qu'il veuille marquer son territoire, mais il y avait d'autres façons de le faire. Même si pour ça il t'avait pissé dessus, il ne t'aurait pas mise aussi mal à l'aise qu'en ce moment.

Simon s'apprête à renchérir mais je pause avec fermeté une de mes paumes sur son torse pour l'en empêcher. Il en a assez fait comme ça, et puis Elliot n'a pas complètement tort. Celui-ci jette un coup d'œil méprisant au brun avant de se concentrer une dernière fois sur moi.

- Rassure-toi, je ne t'en veux pas. Ça me fera toujours plaisir de te croiser à l'occasion au détour d'un couloir. (Pour montrer son honnêteté, il me lance un sourire, sauf qu'il ressemble plus à une grimace.) Prends soin de toi, Éla.

Sur ces déclarations qui me soulagent un peu quant au futur, il tourne les talons pour s'en aller. Sur le coup, je reste figée quelques secondes, mais incapable de le laisser partir comme ça, je l'interpelle à nouveau. Dès que je hurle « Elliot, attends ! » en m'élançant vers lui, Simon me rattrape en saisissant sans ménagement mon biceps. Je n'ai pas eu le temps de faire trois pas en avant que ses doigts s'enroulent déjà autour de mon bras, m'empêchant par la force d'en faire un de plus.

- Je t'interdis de lui courir après.

Le regard qu'il pose sur moi à cet instant me glace le sang. Tout en lui est menaçant, de sa mâchoire contractée à son front plissé en passant par ses phalanges blanchies, comme s'il m'informait silencieusement que si je tentais de retenir Elliot, je pouvais faire une croix sur lui.

- Tu n'as pas à me donner d'interdictions ! (Je me rebelle en me dégageant de sa poigne d'un mouvement vif, mais je lui obéis tout de même.) Pourquoi as-tu agis comme ça ? Comment as-tu pu tout gâcher si près du but ?

Déçue, j'ai du mal à m'exprimer à cause de l'immense noeud que j'ai dans la gorge. Mes yeux plongés dans la noirceur de ceux de Simon, je vois que mes dires ont un certain impact sur lui. La peur que je lui en veuille pour un bon moment remplace la lueur de colère qui les habite mais, comme à son habitude, il se reprend très vite.

- Je n'ai rien fait foirer, au contraire. (Sûr de lui, les traits de son visage restent toujours aussi fermés.) Je me suis juste assuré que tu honorais comme il le fallait ta part du contrat. Tu devrais être ravie que j'ai pris l'initiative de t'y aider, pour que nous puissions enfin être ensemble.

Ahurie par sa tentative de retourner la situation à son avantage, je lâche un petit rire nerveux en rejetant la tête en arrière. J'ai du mal à croire qu'il n'admette pas ses torts étant donné qu'ils sont flagrants. J'y arrivais très bien sans lui, je n'avais en aucun cas besoin qu'il m'apporte sa prétendue aide. À ce que je sache, je n'ai pas débarqué au beau milieu de son déjeuner avec Pénélope pour vérifier qu'il tenait son engagement en mettant de la distance entre eux. Tout bonnement exaspérée, je n'ai plus qu'une idée en tête, à savoir retrouver la chaleur de mon appartement et oublier la dizaine de minutes qui vient de s'écouler.

- Et bien, ça n'a pas du tout eu l'effet escompté. (Je réajuste la lanière de mon sac sur mon épaule, m'apprêtant à lui tourner le dos une bonne fois pour toutes.) Parce qu'après ce qu'il vient de se passer, je n'ai plus aucune envie d'avoir quoi que ce soit à faire avec toi.

*****

Je paris que vous avez comme Éla une forte envie de gifler Simon. La jalousie peut le faire aller loin, peut-être même trop. D'après vous, sera-t-il facilement pardonné ?

Je voulais vous remercier car mercredi Le Phénix a été classé 6ème dans la catégorie Roman d'amour, ce qui est juste dingue !

Je pense que c'est le fait que vous avez été nombreuses à réagir dans les commentaires du précédent chapitre alors n'hésitez pas à faire de même dans le but de réitérer ce score 💪🏻

Je vous souhaite à toutes de bonnes fêtes de fin d'année et notamment de passer un bon réveillon de Noël demain soir.

Charleen,
XO
💋

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