Chapitre 43 • La défaite

J'ai gagné.

Je fronce les sourcils à la lecture de son message, ne comprenant pas où il veut en venir avec cette simple affirmation. Perdue, je mets de côté ma rancoeur pour lui répondre le plus cordialement possible, ce qui implique aucune insulte.

Tu n'es pas censé être au téléphone ?

Perturbée par les récents événements mais aussi par ces quelques mots énigmatiques, la minute qu'il met pour me répondre paraît durer des heures. À tel point que des dizaines d'hypothèses ont le temps de voir le jour dans mon esprit.

Je t'ai surestimé. Tu es plus bête que je ne le croyais.

Cette fois, je ne saisis vraiment plus rien de ce qu'il se passe. Normalement, c'est moi qui doit le traiter de tous les noms, pas lui. Je ne lui ai pas encore envoyé de texto exclusivement constitué de points d'interrogation qu'une seconde notification succède déjà à la première.

Je t'attends dans ma chambre. Rejoins-moi dès que tu peux.

J'ai beau être très en colère contre lui, ma curiosité gagne la bataille avec ma raison, piquée à vif. Après tout, peut-être que ce n'était pas ce que je croyais ? Choisissant de lui laisser le bénéfice du doute, je ne perds pas davantage de temps pour renfiler mon haut. Puisque mes amis sont en train de discuter entre eux sans faire attention à moi, je me redresse aussitôt pour aller le retrouver. Bien évidemment, il fallait que je me dise ça pour que l'un d'entre eux m'interpelle.

- Éla ! s'écrie Charlie. Où est-ce que tu vas ?

Elle s'éloigne du groupe avec lequel elle partageait une conversation, constitué de Castiel, Izzie et trois autres personnes que je ne connais pas, pour venir à ma rencontre. Je m'empresse de filer pour qu'elle n'ait pas le temps de faire plus d'enjambées vers moi.

- Aux toilettes !

Je lui réponds en hurlant alors que des tonnes de personnes sont autour de moi, mais ça m'est égal. Je quitte le jardin sans m'attarder, bien trop pressée de savoir ce que s'apprête à me révéler Simon. Par dessus tout, j'ai espoir que ce qu'il me dira atténuera la peine que je ressens depuis tout à l'heure.

Pendant que je traverse les tas d'étudiants entassés dans toutes les pièces de la demeure avec difficulté, je n'ai pas assez de force pour résister aux mouvements de foule. Néanmoins, je parviens rapidement à atteindre l'entrée, puis les escaliers menant à l'étage. Je suis rassurée de voir qu'il n'y a que quelques jeunes dans le couloir, occupés à se peloter contre un mur ou bien à faire la queue pour aller aux toilettes. Ainsi, il y a peu de chances pour que ma venue dans la chambre de Simon ne soit remarquée.

Je me dépêche de baisser la poignée pour entrer incognito, mais j'ai la mauvaise surprise de découvrir que la porte est fermée à clé. Je roule des yeux en me souvenant à quel point son antre est précieuse à ses yeux. Du coup, il préfère ne pas prendre le risque que quelqu'un y vienne par inadvertance.

- C'est moi, fais-je suffisamment fort pour qu'il m'entende. Ouvre.

J'accompagne mes paroles de quelques coups sur le bois parfaitement poncé, au cas où ma voix ne s'entendrait pas par dessus la musique. Il devait attendre ma venue avec impatience puisque j'entends aussitôt le bruit du verrou, avant qu'il ne m'ouvre la porte dans la foulée.

- Entre, me dit-il simplement avant de faire volte-face pour retourner s'asseoir sur le lit. Et referme derrière toi.

Je suis ses instructions à la lettre, ce qui n'est pas sans répercussions sur mes joues. En effet, c'est contre cette même porte que nous avons tous les deux perdus le contrôle, il y a tout juste une semaine. Le rappel de cette scène que je tente en vain d'oublier me fait rougir. Voulant chasser ces images de mon esprit avant que Simon n'ait eu le temps de s'apercevoir de ma gêne, je laisse mon regard divaguer sur les détails de la pièce. Rien n'a bougé depuis la dernière fois que je suis venue ici. Y compris les feuilles volantes sur son bureau et les vêtements entassés sur la chaise, qui ne sont toujours pas rangés, je dirais même qu'il y en a davantage. Pas de doute, je me trouve bien dans une chambre de garçon.

- Tu as fini de faire l'inspection des lieux ?

La question posée nonchalamment par Simon me sort de mes pensées. Me souvenant tout à coup des raisons de ma présence ici, je me place debout en face de lui, les bras croisés sur ma poitrine. L'expression sévère qui a pris place sur mon visage le pousse à se lever pour me faire face. Désormais, il me domine par sa hauteur, ce qui me force à pencher légèrement la tête en arrière. Il ouvre la bouche pour commencer à parler, mais je lui coupe la parole avant qu'il n'ait eu la possibilité de le faire.

- Je sais ce que tu vas me dire, l'arrêté-je. Tu penses qu'il n'y a rien de grave vu que tu ne l'as pas embrassée au final, mais pour moi c'est tout comme. Si on ne t'avait pas appelé, tu l'aurais fait, et c'est cela que je retiens.

Par je ne sais quel miracle, je parviens à exprimer le bazar qu'il y a dans ma tête en une simple intervention. Je reste courtoise avec lui parce que lui faire une crise ne serait pas légitime, mais ce n'est pas l'envie qui me manque. À vrai dire, je me demande comment je fais pour être aussi polie après la douleur qu'il vient de m'infliger.

- Je confirme ce que je t'ai dit par message, se contente-t-il de me répondre. Tu es moins futée que ce que je pensais.

Il penche la tête sur le côté pour m'observer, un sourire niché aux coins des lèvres. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Je suis on ne peut plus sérieuse donc s'il pense que se moquer de moi ne va pas accentuer mon énervement contre lui, il se trompe grandement.

- Mais qu'est-ce que ça veut dire, bon sang ?

Je hausse le ton, saoulée par tous ces sous-entendus auxquels je ne capte rien. Simon se rapproche en faisant un pas vers moi, mais je me recule aussi vite pour ne pas qu'il me touche, sachant pertinemment que je perdrais tous mes moyens à son contact.

- Que j'ai gagné, claironne-t-il, la fierté étant perceptible dans le ton qu'il emploie. Et que, par conséquent, tu as perdu.

Sa voix est basse tandis qu'il prononce cette affirmation qui semble être lourde de sens à ses yeux. Il se rapproche de nouveau et, voyant que je reste silencieuse parce que je ne comprends pas où il veut en venir, il m'explique enfin ce qu'il y a.

- Personne ne m'a appelé, finit-il par m'avouer. Je vous ai fait croire ça pour ne pas avoir à embrasser Pénéloppe, chose que je n'avais pas la moindre envie de faire ce soir, et que je ne veux d'ailleurs plus faire depuis que je t'ai embrassée, toi.

Je n'arrive pas à croire ce qu'il me dit, sans doute parce qu'après tout ce que je viens de vivre, tout cela me semble trop beau pour être vrai.

- Mais... Tu as faillit, bredouillé-je. Je veux dire, c'est toi qui lui as demandé de le faire.

- Parce que tu m'y as forcé ! s'exclame-t-il, comme si cela coulait de source. Je te rappelle que tu n'as pas été tendre avec moi en me cachant un truc au sujet de l'un de mes meilleurs potes, puis en te déshabillant devant tout le monde.

Je vois que sa mâchoire se serre légèrement quand il évoque le secret que j'ai gardé. Je comprends tout à fait son point de vue, mais qu'il ose dire que c'est de ma faute me dépasse. Il est hors de question qu'il me mette tout sur le dos une fois de plus, ce qui semble être sa spécialité ces derniers temps.

- Donc pour toi, ça vaut le fait de me balancer que je ne te mérite pas avant de demander à une autre fille de t'embrasser devant mes yeux ?

Je récapitule pour être certaine d'avoir correctement saisi sa pensée, avant de hausser exagérément les sourcils en attendant sa réponse. Il ne fait que hocher la tête pour me dire que oui, grosso modo c'est bien ce qu'il croit. Par ce geste quasi imperceptible, je constate que mon résumé lui a fait comprendre que sa vengeance, si on peut appeler ça comme ça, était disproportionnée.

- Écoute, je... (Il hésite un moment tout en se grattant la tête.) Si tu préfères, j'ai voulu être le premier à asséner le coup de grâce à l'autre, afin de mettre un terme à ce jeu avant qu'il ne dégénère.

Le fait qu'il admette avoir porté "le coup de grâce" est difficile à entendre, même si il n'a pas tort. Je pense aussi que la limite à ne pas franchir était celle du baiser. Il a gagné parce qu'il est impossible de faire plus de mal à l'autre qu'en galochant une tierce personne juste devant ses yeux.

- Je suppose que c'est le moment où je dois te féliciter pour ton ingéniosité ? le questionné-je ironiquement.

Avec naïveté, je pensais être capable de le battre, ou du moins de rivaliser avec lui. Tout le monde sait que se mesurer à Simon Menzer est inutile vu qu'il est le meilleur dans tout ce qu'il entreprend. Comme j'ai fait l'erreur de l'oublier, il m'a fait une piqûre de rappel en m'en donnant une fois de plus la preuve aujourd'hui.

- Ne sois pas déçue à cause de ta performance, me conseille-t-il en me saisissant le menton. Je trouve que tu t'es bien débrouillée. Ces derniers jours, tu as quand même réussi à m'en faire voir de toutes les couleurs.

Je ne peux réprimer un sourire face à l'expression impressionnée qui a pris place sur son visage. Je me suis tout de même donnée du mal pour trouver de quoi lui en faire baver, alors je suis contente de recevoir un minimum de reconnaissance de sa part.

- J'ai fait du mieux que j'ai pu, en tout cas. (Incapable de m'en empêcher, je le regarde dans les yeux avant d'énoncer la question qui me brûle les lèvres.) D'ailleurs, on a fait tout ça pour quoi, au final ?

J'ai envie qu'il me dise que tout ça n'était rien d'autre qu'une façon de prouver à l'autre ses sentiments, mais aussi et surtout de se les avouer à soi-même.

Malheureusement, la vie ne nous donne pas toujours ce que l'on désire.

*****

Le chapitre n'est pas très long et j'en suis désolée mais je l'ai bouclé à la dernière minute pour ne pas vous laisser dans l'attente plus longtemps.

Aviez-vous compris la façon d'agir de Simon grâce à son texto ou est-ce pour vous une découverte ? Ce personnage est gonflé, quand même !

Quant à la question que lui pose Éla à la fin, elle n'est pas bête. Au fond, pourquoi s'être infligé ça mutuellement ? J'ai hâte de voir vos hypothèses sur la réponse que va faire Simon 🙃

Charleen,
XO
💋

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