Chapitre 41 • Une question de mérite

- Bien essayé, crache Simon à mon intention, avant de se diriger vers les personnes que je n'ai pas réussi à couvrir.

Je n'ai pas le temps de le retenir qu'il a déjà parcouru la moitié du chemin qui le sépare de nos amis. Je hurle dans son dos pour l'empêcher de faire une bêtise, mais il n'y a rien à faire. Il semble déterminé à en découdre.

- Simon ! crié-je en tentant de le suivre malgré ses grandes enjambées. Ça ne sert à rien de t'énerver !

J'arrive à sa hauteur quand il est déjà trop tard. Mes hurlements ont alerté Charlie et Castiel qui viennent de se lever d'un bond en voyant le brun foncer droit sur eux. La première a l'air très inquiète, quant au second, il fait de son mieux pour garder le calme qui le caractérise. Il demande à la rouquine de ne pas bouger tandis qu'il comble l'espace qui le sépare de Simon en avançant de quelques pas.

- Mec, commence-t-il doucement. Ce n'est pas ce que tu crois.

Le brun ne s'arrête que lorsqu'il est très porche de son ami, ce qui n'annonce rien de bon quant à ses intentions.

- Tu vas me dire que tu n'es pas en train d'obliger une pauvre fille à prendre des risques pour ta gueule, c'est ça ?

Même si j'y suis mêlée, ce ne sont pas vraiment mes histoires, donc je préfère me mettre un peu en retrait. Je me contente d'assister à la scène en restant à plusieurs mètres de celle-ci. Néanmoins, je suis prête à intervenir si les choses s'enveniment.

- Tant que je veille sur elle, elle ne coure aucun risque, déclare Castiel avec assurance. Fais-moi confiance.

- Tu m'as demandé la même chose la dernière fois, lui répond fermement Simon. Et regarde ce que tu fais derrière mon dos.

Il ne décolère pas, bien que le tatoué lui parle avec le plus de diplomatie possible. Je pense qu'au fond de lui, il est plus énervé par le fait qu'on lui ait menti que par le rapprochement que l'on tentait de garder secret.

- Je sais ce qu'on s'était dit, mais la donne a changé. Je me suis attaché.

Je devine que sa seconde phrase n'est autre qu'un aveu de ses sentiments mais formulé de manière à paraître moins significatif. J'aimerais être aux côtés de Charlie pour savoir qu'elle est sa réaction à l'entente de ces mots, mais nous semblons être en ce moment même dans deux camps différents.

- Un mec comme toi ne peut pas se permettre de "s'attacher". (Simon se moque de ses dires en mimant les guillemets.) Regarde-toi, tu ne seras jamais digne d'une fille comme elle.

Je vois la mâchoire de Castiel se resserrer en entendant de telles paroles sortir de la bouche de l'un de ses meilleurs amis. Je n'en reviens pas que Simon emploie des propos si blessants. On dirait qu'il n'y a pas qu'avec moi qu'il est doué pour taper là où ça fait mal.

- Tu te permets de me faire la morale parce que tu crois mériter celle qui est juste derrière toi ? (Il se rapproche de l'oreille de Simon avant de continuer.) Pour info, c'est loin d'être le cas.

Castiel pose sa question et y donne une réponse avec la voix très basse, de façon à ce que personne n'entende, y compris Charlie. Je suis choquée qu'il ait osé mettre ma relation avec Simon sur la table. Depuis l'épisode de la veste de vendredi dernier, je sais qu'il se doute de quelque chose, mais je n'aurais jamais cru qu'il aurait le culot d'en parler.

- Je te conseille de la fermer, s'exclame Simon en le poussant. Tu ne sais rien de ce qu'il se passe entre nous.

Castiel ne réplique pas au geste violent de son ami. Lui qui est d'un naturel posé, il semblerait que Simon ait réussi à suffisamment le faire sortir de ses gonds pour employer des mots durs, mais pas pour en venir aux mains.

- Toi non plus, alors commence par te mêler de ton cul avant de me dire de faire pareil.

Les dents de Simon se serrent de plus en plus au fil de la conversation. Je me demande où tout cela va nous mener, surtout que Castiel est sans doute le seul élève du lycée à pouvoir rivaliser avec Simon en terme de force. Il le dépasse de presque une tête et il est beaucoup plus costaud, ce qui explique qu'il ne souhaite jamais entrer dans les bagarres, sans doute par peur de faire trop de dégâts.

- Ne me parle pas comme ça, prévient le brun. Tu es l'un des premiers à savoir ce qui arrive à ceux qui le font.

En entendant cette sorte de menace et en constatant que les deux garçons rapprochent leurs visages, à tel point que leurs fronts sont à ça de se toucher, je décide qu'il est temps pour moi d'intervenir.

- Ça suffit, maintenant ! décrété-je en venant les séparer à l'aide de mes bras. Je crois que vous vous êtes tous les deux assez dits d'horreur pour ce soir.

Je pose mes mains sur le torse de Simon pour le faire reculer, afin de l'éloigner le plus possible de Castiel, et je suis rassurée de voir qu'il se laisse faire. Avec un signe de la tête, je demande silencieusement à Charlie de faire pareil de son côté. Elle s'exécute en allant glisser ses doigts entre ceux de Castiel, puis en le tirant par la main pour l'emmener à l'opposé.

- Calme-toi, fais-je à Simon en gardant l'une de mes paumes sur sa poitrine. S'il te plaît.

Je m'adresse à lui d'un ton doux maintenant que nous nous sommes tous les deux mis à l'écart. Il ne me regarde pas, ses yeux étant encore bloqués par dessus mon épaule, mais je sais qu'il m'a entendu car il prend en compte mes paroles quelques secondes plus tard.

- Tu déconnes, j'espère ? m'interroge-t-il en reportant son attention sur moi. Je te signale que c'est en partie de ta faute si je suis dans cet état !

Apparemment, c'est à mon tour d'en prendre pour mon grade. Dès ce midi, à l'instant où j'ai accepté de protéger Charlie pour la soirée, je savais que Simon réagirait comme ça s'il l'apprenait. J'ai été stupide de croire que ça n'arriverait pas.

- Je le sais, acquiescé-je. Mais je les soutiens parce que j'ai réalisé que nous n'avions pas notre mot à dire sur leur relation. Après tout, c'est leurs vies.

- Bien-sûr, et ils en font ce qu'ils veulent ! rétorque-t-il. Mais vous ne pourrez pas dire que je ne vous avez pas prévenus.

Simon pousse un grand soupire en se passant les mains sur le visage. Il ne semble pas comprendre ce qui me passe par la tête, tant et si bien qu'il finit par ricaner. Étonnée de son hilarité soudaine, je hausse un sourcil, et il répond sur le champ à ma question silencieuse.

- Si je porte autant d'intérêt à cette histoire, c'est parce que Charlie est ton amie, se justifie-t-il. Alors je trouve ça ironique que ce soit toi qui m'empêche de la protéger comme il se doit.

Je ne sais pas quoi lui dire après cette explication. Elle me touche car, quelque part, il s'agit une fois de plus d'une preuve de l'attachement que Simon a pour moi.

- Je suis désolée, avoué-je. Comme je te l'ai dit, j'ai bien réfléchi avant d'en conclure que ça ne nous regardait pas.

- Ce n'était peut-être pas le cas avant mais ça l'est désormais puisque tout ceci met de la discorde entre nous.

Sa voix est froide quand il s'adresse à moi, ce qui témoigne de sa déception face à mes actions. À la vue de son expression blessée, j'éprouve de la culpabilité. D'autant plus qu'il en rajoute une couche en reprenant la parole sans me laisser le temps d'en placer une.

- Dieu sait que je t'en ai fait des coups bas, mais s'il y a bien une chose que je n'ai jamais fait et que je ne ferai jamais à ton égard, Éléanore, c'est te mentir.

À nouveau, je m'en veux quand il me fait des reproches. L'utilisation de mon prénom complet ne fait qu'accentuer l'impression que j'ai de me faire gronder pour avoir commis une bêtise. Sans le vouloir, j'ai mis en péril une sorte de lien de confiance qui nous unissait.

- Tu as entendu ce que Castiel m'a dit tout à l'heure ? (Je hoche la tête avant de baisser les yeux sur mes chaussures, par peur de ce qui va suivre.) Peut-être qu'en fait c'est le contraire, et que c'est toi qui ne me mérites pas.

Sur ces paroles pleines de méchancetés qui me blessent profondément, il tourne les talons pour retourner dans la maison. Je comprends qu'il se sente trahi vu que des personnes qui lui sont proches lui ont caché un secret, mais je trouve qu'il exagère. Il est allé trop loin avec sa dernière phrase étant donné qu'il vient tout juste de me rabaisser.

- Pas si vite ! (J'entends la voix d'Izzie, ce qui me force à relever la tête.) Toi, tu restes avec moi.

Je vois la fille aux cheveux gris passer un bras autour du cou de Simon pour qu'il ne passe pas devant elle en faisant semblant de ne pas l'avoir remarquée. Ainsi, il est obligé de faire demi-tour pour la suivre dans sa route jusqu'au reste de ses amis, c'est-à-dire Charlie, Castiel et moi.

- Qu'est-ce qu'il se passe les gars ? s'enquiert-elle, certainement à cause de nos têtes de déterrés. J'ai raté un épisode ou quoi ?

Elle lâche la prise qu'elle avait sur son meilleur ami, en attente d'une réponse. Celui-ci se contente de marmonner un "laisse tomber" tandis que Charlie et Castiel s'éloignent l'un de l'autre pour n'éveiller aucun soupçon.

- D'accord, finit-elle par dire en comprenant qu'elle n'en saura pas plus. Je tombe bien puisque je suis venue vous proposer de faire un jeu avec les autres dans le jardin, ce qui est parfait pour détendre l'atmosphère !

Nous nous lançons tous des regards en coin, ne sachant pas ce qui est le mieux à faire. Lui expliquer ce qu'il se passe, trouver une excuse pour ne pas jouer, ou accepter sa proposition. Par je ne sais quel miracle, nous parvenons à prendre une décision à l'unanimité sans se concerter.

- On te suit, répondons-nous en coeur.

Elle a l'air heureuse d'entendre ça mais aussi de nous voir arborer de grands sourires, bien qu'il soit flagrant que ceux-ci sont remplis d'hypocrisie. Cependant, je suis soulagée que tout le monde ne refuse pas d'y mettre du sien.

De peur que nous changions d'avis, Izzie se dépêche de saisir nos mains, à Simon et à moi, afin que nous nous dépêchions de retrouver le reste du groupe. Charlie et Castiel, quant à eux, nous suivent en restant à quelques mètres de distance.

- Mais c'est quoi comme jeu, en fait ?

Je la questionne tandis que nous passons le seuil de la porte d'entrée. Elle me répond lorsque nous nous trouvons si près des enceintes qu'elle doit crier pour que je l'entende.

- Tu le sauras bien assez tôt ! m'assure-t-elle, pleine d'enthousiasme.

*****

Est-ce que les embrouilles de ce chapitre sont à la hauteur de vos attentes ? Comme vous le voyez, Simon est énervé contre Castiel mais déçu par Éléanore. Je ne sais pas lequel des deux cas de figure est le pire...

De plus, un jeu est organisé, ce qui risque de mettre de l'huile sur le feu en connaissant nos deux héros. C'est une occasion de plus pour se pousser à bout mutuellement !

Aussi, si certaines d'entre vous viennent en vacances au Cap d'Agde cet été, sachez que j'y serai une grande partie du temps. Ça serait génial de vous rencontrer là-bas ☀️

Charleen,
XO
💋

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top