Chapitre 38 • Un rapprochement qui dérange
- Bon week-end à tous ! tente de se faire entendre le professeur d'histoire et de géographie. N'oubliez pas de réviser pour le contrôle de mardi.
La sonnerie vient à l'instant d'annoncer qu'il est l'heure d'aller manger. Les cours du vendredi matin sont désormais terminés. Charlie est en train de ranger ses affaires dans son sac à toute vitesse, comme elle le fait toujours depuis peu de temps.
- Bon appétit, Éla ! me crie-t-elle par dessus son épaule en passant la porte de la salle.
Comme j'en ai pris l'habitude, je lui réponds sans qu'elle puisse m'entendre étant donné qu'elle est déjà partie. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa vie ces derniers temps, mais en tout cas il est certain qu'elle me cache quelque chose.
Parfois, l'idée qu'elle retrouve Andréa pour passer du temps avec elle sans me le dire me vient en tête. Je me reprends toujours très vite en me rappelant que même si elle ne s'est pas embrouillée directement avec elle, elle ne me ferait jamais ça puisqu'elle a pris mon parti et que ce n'est pas le genre de personne qui retourne sa veste.
Des tonnes de questions au sujet de son changement d'attitude étrange me viennent en tête tandis que je place mes cahiers dans mon cartable. Ayant terminé, je m'apprête à suivre le flux des élèves de ma classe pour rejoindre la bande à la cantine quand je me rends compte que Charlie a oublié son manteau sur le dossier de sa chaise. Je le récupère avant de sortir dans le couloir et de marcher en direction du réfectoire.
Alors que les étudiants pressés de se rassasier de bousculent, je prends mon téléphone et compose le numéro de Charlie pour la prévenir. Immédiatement, je sens que sa veste se met à vibrer, preuve que son portable n'est pas sur elle mais dans l'une des poches de l'habit que je tiens à bout de bras. Je lâche un lourd soupire, car je vais être obligée de lui courir après et par conséquent ne pas avoir le temps de retourner dans le lycée avant que le portail ne se referme. Je suis en train de la maudire intérieurement mais c'est mon amie et elle ne peut pas rentrer toute seule chez elle dans le froid sans blouson ni téléphone.
Au pas de course, je double toutes les personnes sur mon passage jusqu'à me retrouver devant l'établissement, au milieu d'une cohue monstrueuse. Mon regard scrute le parvis à la recherche d'une chevelure rousse, censée être facile à repérer de par son originalité.
Au moment où mes yeux tombent sur une petite rouquine en train de marcher rapidement, je me dépêche de courir vers elle pour la rattraper. Soudain, je remarque la présence d'un garçon à ses côtés, ce qui m'indique que j'ai dû la confondre avec quelqu'un d'autre. Le problème c'est que je reconnais le sac de cette fille, ainsi que la tenue qu'elle porte, notamment parce qu'elle n'arbore qu'un pull en maille alors que tout le monde est emmitouflé dans son manteau. Il s'agit bien de Charlie, accompagnée d'un mec qui lui frictionne le bras pour la réchauffer et dont je connais déjà l'identité.
Déterminée à lui rendre ses affaires que je juge être indispensables mais aussi à demander des explications, je me fraye un passage jusqu'à eux.
- Charlie ! hurlé-je quand je ne me trouve plus qu'à quelques mètres de distance.
Dans la seconde, mon amie et la personne qui l'accompagne se retourne, me prouvant par la même occasion que je ne m'étais pas faite de films et que j'avais vu juste.
- Éla ? me questionne Charlie en revenant sur ses pas pour me retrouver. Qu'est-ce que tu fais là ?
Au début, elle ne fait que froncer les sourcils, mais très vite ses yeux s'élargissent en se rendant compte que je me trouve là, devant elle et par conséquent devant Castiel également.
- Je suis venue te rendre ça.
Mon ton est froid tandis que je lui tends ce qui lui appartient. Elle s'empresse d'enfiler son manteau et de replacer son sac sur son épaule une fois que c'est fait.
- Merci, dit-elle simplement. Je... Euh... Je m'apprêtais à aller manger avec Castiel.
À l'entente de sa phrase pleine d'hésitations, je jette pour la première fois depuis que je me trouve ici un œil à Castiel. Il me regarde avec l'air d'être pris au dépourvu, les mains enfoncées dans les poches de son jean, signe de la gêne qu'il ressent à l'idée de s'être fait prendre la main dans le sac.
- C'est ce que j'ai cru comprendre, oui. (Ma voix est sèche tandis que je les regarde à tour de rôle.) Je peux savoir ce qu'il se passe ?
Les deux personnes devant moi se lancent des regards en biais, comme s'ils essayaient de se mettre d'accord.
- Rien, me répond mon amie. On a pris l'habitude de manger ensemble tous les midis pour apprendre à se connaître, c'est tout.
Elle hausse les épaules à la fin de son explication. Quant à moi, je croise les bras sous ma poitrine, perplexe. Voila donc pourquoi Castiel ne mange plus à la cantine avec la bande depuis le début de la semaine. Aussi, je comprends mieux les agissements de Charlie ces derniers temps.
- Si ce n'est que ça, pourquoi vous ne nous l'avez pas dit ?
Je suis vexée qu'elle ne m'ait pas tenu au courant de l'évolution de sa relation avec Castiel. Elle ne s'est pas mise en couple avec lui, mais tout de même. Aussitôt, ma conscience me rappelle que je ne l'ai pas non plus informée de ce qu'il s'est passé entre Simon et moi. Il est clair que je n'ai pas le droit de lui en vouloir, cette réaction de ma part serait loin d'être légitime.
Une fois encore, il échange un regard entendu. Désormais, c'est au tour de Castiel de prendre la parole.
- Quand je lui ai proposé ça, je lui ai demandé de ne rien te dire parce que tu risquais de faire une gaffe. (Il passe une de ses grandes mains sur son crâne rasé à plusieurs reprises.) On ne peut pas prendre le risque que Simon soit au courant. Il n'accepterait jamais que j'entraîne une personne de plus dans la merde.
Étonnée de l'entendre dire ça devant la rouquine, j'observe la réaction de cette dernière. Il semblerait qu'elle ait été informé de toutes les histoires qui m'ont été révélées puisqu'elle acquiesce aux dires du tatoué. Je dois avouer que la situation me dépasse, tout à coup.
- Il t'a tout raconté ? lui demandé-je, ce à quoi elle hoche la tête. Et ça t'est égal ?
Je remarque grâce aux traits de son visage que Charlie est de plus en plus mal à l'aise à mesure que les questions de mon interrogatoire affluent.
- Tu ne veux pas venir manger avec nous, pour que l'on t'explique les choses calmement ?
Je décide sans attendre d'accepter sa proposition. Il fait un froid de canard et le brouhaha que font les lycéens est insupportable.
- Je vais vous laisser toutes les deux, annonce le garçon. Je pense que c'est mieux pour que vous puissiez vous parler en toute honnêteté.
- Non, tu peux rester ! s'exclame la rousse.
Charlie pose sa main sur son bras pour le retenir. Sa prise de parole ainsi que son geste font esquisser un sourire à Castiel, qui se penche pour lui faire un bisou sur les cheveux.
- Je sais mais c'est préférable que je ne le fasse pas, assure-t-il d'un ton posé en se redressant. On se voit ce soir, de toute façon.
Il commence à s'éloigner en reculant de quelques pas, laissant Charlie seule avec moi. Cette dernière lui adresse un sourire des plus sincères et un geste de la main, auquel il répond discrètement avant de nous tourner le dos.
Maintenant que je suis seule face à mon amie, je commence à prendre conscience de l'importance de ce qui est en train de se produire. Leur rapprochement peut engendrer des conséquences qu'ils ne semblent pas avoir imaginé, ou du moins auxquelles ils pensent pouvoir échapper.
Tout à coup, l'ultime réplique que le garçon aux dizaines de tatouages à prononcer à l'intention de Charlie me revient en tête.
- Ne me dis pas que tu penses pouvoir te pointer à cette fête et la passer en sa compagnie sans que personne ne remarque ce qu'il se passe ?
Les yeux de la rouquine semblent me supplier de croire avec elle que si, personne ne remarquera quoi que ce soit. À ce moment là, j'ai l'impression que le ciel est en train de me tomber sur la tête.
- Alors saches que vous vous apprêtez à signer votre arrêt de mort. (Je me passe une main dans les cheveux, dépassée par la tournure des événements.) Et je n'arrive pas croire qu'en vous y aidant, je vais aussi signer le mien.
***
Nous rendre à la fête de Jay nous aura demandé, à Charlie et à moi, toute une organisation. J'ai dû une fois de plus mentir à mon père en lui disant simplement que je dormais chez Charlie. Ça n'aura pas été très compliqué puisqu'il n'était pas là quand je suis passée récupérer mes affaires à la fin des cours et que je me suis contentée de lui envoyer un message auquel il m'a gentiment répondu.
Tu as mon accord, ma puce. Amusez-vous bien mais ne faites pas trop les folles. Je t'embrasse.
À ce moment là, un sentiment de culpabilité m'a prise de cours. Je me suis rendue compte que je mentais très souvent à mon père ces dernières semaines, ce qui n'a jamais été dans mes habitudes. Je ne fais pas ça parce que je ne souhaite pas qu'il se mêle de ma vie, ce dont il aurait tout à fait le droit, mais parce que je ne veux pas qu'il s'inquiète pour moi alors qu'il n'y a pas de raison de le faire.
Quant aux parents de Charlie, sa mère est de garde à l'hôpital tandis que son père est en déplacement à cause d'un important procès qui a lieu demain dans une ville à quelques heures de route. Résultat des courses, nous nous sommes toutes les deux faites plus belles que jamais pour impressionner les deux garçons qui occupent toutes nos pensées.
En parlant de ça, lors de notre repas du midi, mais aussi ce soir en nous préparant, Charlie m'a tout raconté de son histoire avec Castiel. Il n'a pas eu d'autre choix que de se montrer honnête avec elle dès le départ car il n'aurait pas pu lui interdire de révéler quoi que ce soit sur eux sans raison valable. Elle m'a tout de même avoué qu'elle craignait que les problèmes de Castiel interfèrent dans sa vie si jamais il se passe quelque chose de plus officiel entre eux, mais également que son attirance pour lui était trop grande pour ne pas tenter le coup. Apparemment, Castiel est en réalité une personne qui parle beaucoup quand il se sent à l'aise avec quelqu'un, contrairement à ce que l'on pense de lui aux premiers abords. Je me souviens que c'est ce que m'avait dit Izzie, une fois. Il se montre très attentionné avec elle, payant à chaque fois l'addition quand ils mangent dans les snacks à proximité du lycée, pour ne citer que ça. Je me suis moi-même rendu compte de son attitude des plus douces quand il se trouve auprès d'elle lors de la conversation que nous avons eu à midi, au moment où il lui a embrassé les cheveux par exemple.
Pour résumé la situation, ils apprennent à se connaître au fur et à mesure et ils verront par la suite comment tout cela évolue. Quoi qu'il en soit, Charlie a reconnu qu'elle commençait à s'attacher à lui pour de vrai et qu'elle ne serait pas contre passer à la vitesse supérieure. Pour une fille aussi réservée, je trouve que de telles déclarations, même si elles me sont faites à moi et non à lui, sont déjà un grand pas.
- Éla ? me crie la rouquine par dessus la musique, ce qui me force à me tourner vers elle. Tu vas bien ?
Ses questions me tirent de mes pensées pour me ramener au moment présent. Nous sommes toutes les deux adossées à l'îlot central de la cuisine de Jay depuis une vingtaine de minutes. J'ai emmené Charlie dans cette pièce dès notre arrivée parce qu'elle n'est occupée que par les étudiants qui viennent se resservir à boire et que personne n'y reste bien longtemps. Je sais que c'est ridicule mais je fais mon possible pour nous éloigner toutes les deux de nos prétendants. Je l'éloigne de Castiel parce que j'ai peur que leur rapprochement se remarque une fois qu'ils seront tous les deux et je m'éloigne de Simon car, contrairement à ce que je lui ai dit l'autre soir, je sais qu'il a plus de chances de remporter la partie que moi.
En effet, ce soir toutes les conditions sont réunies pour qu'il prenne l'avantage. Je dois m'occuper de rendre Charlie et Castiel discrets, Elliot n'est pas présent à cause de ses intimidations, contrairement à Pénélope qui ne manquerait pas une occasion de se montrer dans une robe moulant les formes parfaites de son corps, sans oublier que cette maison est remplie de personnes admirant Simon. Par conséquent, toutes les filles vont se jeter sur lui et tous les mecs auront peur de s'approcher de moi. Bref, je suis déjà en panique alors que cette soirée ne fait que commencer !
- Ouais, ça va. (Je me redresse et lui fais un grand sourire.) Qu'est-ce que tu dirais de venir danser avec moi ?
Je me dis que Castiel et Simon auront de toute façon tous les deux du mal à nous repérer au milieu de la foule de fêtards en délire. Puis je dois admettre que si l'on reste toutes les deux recluses dans la cuisine, mon cerveau va finir en surchauffe à force de trop réfléchir.
- J'en serais très honorée, se moque-t-elle en saisissant ma main.
Nous rigolons toutes les deux en nous dirigeant vers la pièce attenante. Alors que nous nous apprêtons à passer la porte pour nous rendre dans le salon, un groupe de plusieurs personnes qui chahutent nous bloque le passage en entrant au même moment dans la cuisine. Aussitôt, le sourire qui se trouvait encore sur mes lèvres s'évanouit.
Nous nous trouvons désormais en face de la bande au complet, composée des personnes que je souhaitais à tout prix éviter. Le visage crispé, je fais de mon mieux pour adresser un sourire des plus enthousiastes à Izzie, Simon, Castiel et Jay.
*****
Voilà, vous en savez désormais plus sur la relation de Caslie. J'avais laissé des indices mais le moment était venu de tout révéler.
Comment va réagir Simon s'il l'apprend ? Surtout, en voudra-t-il à Éla de lui avoir menti dans le but de les protéger ?
La soirée vous réserve des tas de choses. Elle ne fait que commencer, alors j'espère que vous avez hâte de lire la suite !
Charleen,
XO
💋
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