Chapitre 35 • La vengeance est programmée
En ce jeudi matin, je me lève avant même que mon réveil ne sonne. Ma chambre est encore plongée dans l'obscurité, mais j'aperçois les quelques rayons du soleil qui se lève entre les rainures de mes volets. J'enroule mon corps dans la couverture, cale mon visage au creux de mon oreiller, profitant de cette joie de pouvoir rester un peu plus longtemps sous les draps, jusqu'à ce que mon téléphone annonce qu'il est l'heure pour moi de sortir de mon lit.
De bonne humeur, j'enfile mes chaussons aux motifs enfantins, me dirige vers la fenêtre pour aérer la pièce, et pars en direction de la cuisine pour prendre mon petit déjeuner. Mon père est une fois de plus absent à cause de son travail, mais on peut dire que ça tombe bien. En effet, je profite qu'il ne soit pas là pour allumer la télé et mettre une chaîne qui passe de la musique. Je ne monte que très peu le volume puisqu'il n'est même pas sept heures du matin et que je ne veux pas réveiller mes voisins, mais le fond sonore suffit à accentuer mon état d'esprit jovial.
On pourrait croire que mon attitude est due au beau temps qu'il fait en ce début d'année, mais ce n'est pas le cas. Si je ne suis pas déprimée de me rendre en cours, c'est parce que j'ai eu une idée de génie lorsque j'ai préparé mes affaires hier soir. Je me tenais debout devant mon armoire, les yeux rivés sur les piles de vêtements dont la moitié ne me sert pas, quand le moyen de me venger de Simon m'est venue en tête. Alors que j'étais en cours de sport, il a voulu me faire tourner en bourrique avec ses paroles on ne peut plus explicites pour au final me laisser en plan, ce qui n'est pas acceptable. J'ai donc décidé de lui rendre la vie impossible jusqu'à ce qu'il n'est pas d'autre choix que de me supplier de l'embrasser, ce qui lui apprendra à me tourner le dos au moment où je n'attendais que ça.
Mon ventre rempli par un grand bol de céréales, je retourne dans ma chambre pour enfiler les habits qui sont supposés le rendre fou. Disposée sur mon bureau, la tenue que j'ai préparé la veille est en fait composée de pièces appartenant à Andréa. La veille, je me demandais quoi porter lorsque j'ai remarqué le cintre sur lequel j'avais rangé les affaires qu'elle avait oublié chez moi il y a de ça quelques temps. Il m'est alors paru évident que c'est de ça dont j'avais besoin pour exécuter mon plan. Loin d'être vulgaire, les vêtements que j'ai choisi de mettre sont un joli chemisier rouge accompagné d'une jupe tube noire. Il est clair que ça ne me ressemble pas mais je me demande ce que Simon pensera en me voyant dans cet accoutrement. Inutile de préciser que je compte m'attarder sur ma coiffure en bouclant quelques mèches et me maquiller légèrement les yeux avec un trait d'eyeliner, histoire d'accentuer les changements dans mon apparence.
Il a lui-même dit qu'il voulait me montrer comment on jouait, alors j'ai hâte de croiser son regard quand il se rendra compte qu'il a trouvé une adversaire à sa taille.
***
Je suis obligée d'admettre que mon plan comprend des contreparties auxquelles je n'avais pas forcément pensé. La plus importante étant que les yeux de Simon ne sont pas les seuls que des habits qui mettent ma silhouette en valeur attirent. Effectivement, je ne l'ai pas croisé de la matinée, mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas reçu de commentaires à propos de ma tenue. Charlie m'a regardé en haussant un sourcil quand elle m'a vu entrer dans la salle de classe et m'asseoir à ses côtés, sachant que me maquiller et porter ça n'est pas dans mes habitudes et qu'il doit par conséquent y avoir une raison, mais elle s'est contentée de me dire que le rouge m'allait bien. Par contre, la réaction de Izzie était beaucoup moins mesurée. À peine était-je sortie dans le couloir pour profiter de la récréation, qu'elle a saisit ma main et m'a fait tourner sur moi-même. D'après elle, la couleur noire de mon long manteau, de mes collants et de mes bottines pour agrémenter ma tenue me rendait plus femme que jamais. Je n'ai fait que sourire, flattée et pleine d'espoir à l'idée que Simon partage son avis.
D'ailleurs, l'heure du verdict a sonné puisque je viens de disposer les derniers ingrédients sur mon plateau et que je suis en train de traverser la cantine pour rejoindre la table de la bande. Le coeur bâtant à cause de mon appréhension de la réaction de Simon, je me dirige vers eux en rassemblant autant de confiance en moi que je peux, c'est-à-dire pas des masses.
- Vous me faites une place ? demandé-je en souriant quand je me retrouve devant eux.
Les regards de toutes les personnes présentes autour de la table se tournent vers moi à l'entente de ma réplique, mais seul l'un d'entre eux croise le mien. Simon, qui est en train de boire une gorgée de son verre d'eau, manque de la recracher en me voyant.
- La vache ! s'exclame Jay.
Je me tourne vers lui en entendant sa phrase. Il me regarde de la tête aux pieds avec insistance, ce qui me met un peu mal à l'aise. Pour ne pas le montrer, je choisis de répondre sur le ton de la plaisanterie.
- Ce n'est pas vraiment ce à quoi j'espérais ressembler.
Je hausse les épaules en faisant semblant d'être déçue, ce qui fait réagir Izzie à son tour.
- Ne fais pas attention à lui, me conseille-t-elle. Il ne sait pas faire de compliment sans être lourd.
Tandis que je ricane, elle ôte son sac de la chaise qui se trouve à côté d'elle pour que je puisse m'y installer. Je dépose mon plateau avant de m'asseoir et d'enlever mon manteau en laine.
Une fois que c'est fait, je regarde de nouveau Simon qui est placé juste en face de moi. Il a toujours une main devant sa bouche pour dissimuler ses toussotements, ce qui me fait esquisser un sourire de satisfaction.
- Ça va, Simon ? le questionné-je d'un air sincèrement inquiet. Tu crois que tu vas t'en remettre ?
Je ne parle pas du fait qu'il ait avalé de travers mais bien entendu de la vue de mon corps dans ces vêtements et de mes efforts pour la coiffure ainsi que pour le maquillage, sauf que personne n'est censé le savoir à part lui.
- Oui, dit-il au milieu de sa toux. Tu es très... différente ?
Sa voix est hésitante, en partie parce que l'adjectif qu'il vient de prononcer n'est pas celui qu'il aurait choisi s'il y avait personne autour de nous.
- Elle est bandante, tu veux dire.
La réplique de Jay me fait monter le rouge aux joues. La même couleur apparaît sur le visage de Simon mais ce n'est pas à cause de la gène. Il ressent de la colère, et ça me plaît que son côté possessif resurgisse pour la deuxième fois en l'espace de vingt-quatre heures.
- Garde tes fantasmes pour toi, le remballe Izzie à ma place.
Sa remarque lui clou le bec et la conversation à propos de mon apparence du jour prend fin.
Je mange mon assiette composée exclusivement de frites, étant donné que le poisson qu'ils servaient avec n'avait pas l'air très appétissant, tandis que les garçons entament un débat au sujet de leurs cours de maths. Simon étant en S, il propose à Jay de l'aider dans ses révisons pour le bac blanc dont les dates approchent car le métisse est en STMG.
La percée et moi ne prêtons pas attention à leur discussion, préférant nous concentrer sur la dégustation de notre repas. Alors que je finis de boire mon verre d'eau pour faire passer le tout, mon regard tombe sur Elliot qui ne se trouve qu'à quelques tables de nous. Il rigole avec les étudiants assis autour de lui quand ses yeux rencontrent les miens. Au début, il a l'air surpris, sans doute à cause de mon maquillage et de mon changement de coiffure, puis il se contente de me sourire de toutes ses dents pour me montrer qu'il approuve. Sans réfléchir, je lève la main pour lui faire un discret signe de salutation, auquel il me répond gentiment avant de retourner à ses occupations.
- Qui c'était ? me chuchote Izzie à l'oreille, ce qui me surprend. Il est plutôt mignon.
Elle hausse plusieurs fois les sourcils pour me faire partager les sous-entendus qu'elle a en tête. Je nie immédiatement toutes ses accusations silencieuses.
- Je suis d'accord, avoué-je, mais je le connais à peine. Je sais simplement qu'il est adorable, il n'y a rien à dire de plus.
- Pour l'instant, enchaîne-t-elle. Tu me le dirais s'il se passait quelques chose dans ta vie sentimentale, pas vrai ?
Je me fige un instant, prise au dépourvue par sa question. J'aurais tellement de choses à lui raconter à ce niveau là, mais je ne peux pas parce que chacune d'elles concerne son meilleur ami.
- Evidemment. (Je lui mens délibérément.) Tu serais une des premières au courant.
Elle me sourit, pleine de reconnaissance, lorsque la voix de Simon interrompt notre échange.
- Au courant de quoi ?
Il nous questionne avec un ton détaché en nous regardant tour à tour. Jay fait de même tout en croquant pour la énième fois dans sa pomme.
- De ses parties de jambes en l'air avec le joli blond, là-bas.
Je deviens écarlate en l'entendant prononcer une phrase pareille et en la voyant incliner sa tête en direction d'Elliot. Elle ne se rend pas compte du risque qu'elle me fait courir en disant ça devant Simon, mais je ne pourrais pas lui en vouloir s'il s'en prend à moi à cause d'elle car Izzie n'a aucune idée de ce qu'il se passe entre nous.
- Il est pas mal dans son genre, concède Jay en se retournant. D'ailleurs, je crois que sa tête me dit quelque chose.
Je roule des yeux à l'entente de sa réplique. Les membres de la bande intimident tellement d'élèves de ce lycée qu'ils ne sont plus capables de les reconnaître.
- Normal, intervient Simon qui se faisait silencieux jusque là. T'as failli m'aider à lui casser la gueule.
Au vue du ton qu'il emploi, je sens déjà les problèmes arriver, sauf que ni Izzie ni Jay ne lui demande pour quelle raison. C'est bien ce que je disais, ils se prennent la tête avec tant de personnes que cet acte est pour eux devenu anodin.
- Ça ne m'étonne pas, déclare la seule fille du groupe. Qui dans cet établissement n'as-tu pas déjà menacé ?
- Je te l'accorde. (Il triture un morceau de pain avant d'en manger un bout.) Il n'a rien de spécial par rapport aux autres mecs de ce bahut.
Si seulement elle savait pour nous deux, Izzie pourrait décrypter chacune des phrases de Simon comme je suis en mesure de le faire. Dans le but d'embêter le brun davantage, je décide de demander un service à Jay, sauf que celui-ci n'est pas des moindres.
- Izzie, commencé-je, tu m'as bien dit que tu veillerais à ce que Jay me revaude ça quand je t'ai donné le numéro d'Andréa ?
- Bien-sûr, acquiesce-t-elle. Il a intérêt à faire tout ce que tu veux s'il n'a pas envie que je lui botte le cul.
Elle lui envoie un regard sévère, ce qui nous fait marrer. Seul ombre au tableau, je vois Simon se raidir, comme s'il savait que ce que je m'apprête à faire ne va pas lui plaire.
- Elle a raison, assure le métisse. De quoi as-tu besoin, ma jolie ?
Je me répète qu'il est encore temps de se défiler, qu'il n'est pas trop tard pour faire marche arrière, mais je ne peux pas m'empêcher d'ouvrir la bouche pour lui poser la question qui, j'en suis certaine, fera péter un câble à Simon.
- Est-ce que je peux inviter ce garçon à ta soirée de vendredi ?
*****
Je suppose que beaucoup d'entre vous dorment à cette heure là, d'autant plus que la rentrée approche pour certaines, mais je viens à l'instant de boucler le chapitre.
Je ne pensais pas le finir dans les temps, du moins pas ce week-end, mais j'ai eu un élan d'inspiration ce soir. Vous comprendrez donc que je n'ai pas pris des heures à l'améliorer, ce qui explique qu'il ne soit pas parfait.
En espérant que vos vacances se passent bien. Pour ma part, je prends le train très tôt demain pour aller dans mon ancienne ville, dans le Sud de la France 😁
Charleen,
XO
💋
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