Chapitre 23 • Self-control
Je suis en train de mourir de faim. Cela fait un quart d'heure que je me trouve dans la queue de la cantine, et je n'ai pas encore de plateau entre les mains. Je ne sais pas ce qu'ils ont tous, mais on dirait que faire un choix entre de la viande ou du poisson est pire que tout.
En réalité, le temps que je passe devant les portes est le même que les autres jours, à la différence que Andréa n'est pas à mes côtés. Je n'irais pas jusqu'à dire que je regrette les vannes qu'elle m'envoyait en plein dans la tête, mais ça me fait étrange qu'elle ne soit pas là. Je me fais de la peine à être seule au milieu de groupes qui échangent à propos de leurs cours de la matinée.
- Je crois que tout le monde n'a que ça à la bouche, souffle la fille à côté de moi. Je ne sais pas toi, mais toutes les fois où je fais la bise à une personne, elle me dit que Izzie s'est battue.
Je me tourne à l'entente de ce prénom. Le regard de celle qui a parlé, en compagnie de l'une de ses amies, se pose sur moi à cause de la vivacité du mouvement.
Qu'est-ce que je suis nulle ! fais-je en me tapant le crâne. Je reviens à la position qui était la mienne au départ, en priant afin de ne pas me faire prendre en train d'écouter les discussions des autres. Je pense qu'elles ne sont pas du genre à me prendre la tête, vu qu'elles sont plus jeunes que moi et qu'elles doivent être en classe de seconde.
- J'en ai ma claque, ils ne parlent que de ça ! répond celle à qui elle s'adressait. Les versions de l'histoire que l'on m'a répété ne s'accordent même pas ensembles.
Je me tiens à l'écart quand on arrive au niveau de la pile des plateaux, pour suivre le reste de la conversation sans qu'elles ne me repèrent. Je tente de ne pas être trop collée à elles lorsque je me glisse à leurs côtés.
- Exactement ! Ça te met sur les nerfs, toi aussi ? (Elle hoche la tête en saisissant une assiette de salade.) Tu sais ce qu'il s'est passé, au final ?
- Je sais que le nom de la fille qui l'a tapé est Léa, énonce-t-elle en se souvenant de ce qu'on lui a décrit de la bagarre. Et on m'a dit que le seul qui a eu le courage de se mettre entre les deux est Simon.
Je me concentre sur ce qu'elles disent en admirant les gâteaux qui nous sont proposés ce midi. Jusque là, ce qu'elles se racontent est vrai, ce qui n'est déjà pas mal.
- Oui, confirme la seconde. J'ai entendu un mec de ma classe le dire tout à l'heure. Il est hors du commun, tout le monde est au courant qu'il est prêt à tout pour elle.
- Grave, il est génial ! s'écrie-t-elle. J'ai croisé une fille dans le couloir qui m'a dit que Izzie s'est battue à cause de lui. Elle m'a raconté qu'elle était énervé qu'il ait couché avec Léa.
Voilà ! Il fallait que les élèves de ce lycée se mettent à dire n'importe quoi. Pourquoi est-ce que j'écoute les propos de ces filles ? Les rumeurs qui ont été créés sont idiotes, qui plus est.
- Pénélope ne sait pas ce qui l'attend, sourit l'une en s'en allant.
Je choisis un bout de pain tandis qu'elles ricanent en s'installant à une table. Je dirais qu'elles me plaisent, en fait. Les ennemis de nos ennemis sont nos amis, comme on dit.
Je ne vois pas de chaise que l'on n'a pas déjà pris, bien que je me mette sur la pointe des pieds. Je marche dans la cantine, mon plateau entre les mains, en cherchant une place. Au bout d'une minute, je finis par en trouver une au milieu d'un groupe de filles. Je me prépare à mettre la veste que je porte sur le dossier de la chaise quand une voix que je connais me stoppe dans mon action.
- Qu'est-ce que tu es en train de faire, là ? me lance Pénélope en haussant les sourcils. Tu n'es pas naïve au point de croire que l'on accepte de t'avoir à la même table que nous, si ?
Il est prévisible que les filles, ou plutôt les pots de peinture, qui sont à ses côtés se mettent à rire. Je sais que ma raison me pousse à fuir mais je ne bouge pas de là où je suis. Je prends le temps de voir les têtes des personnes qui sont à la table, et mes yeux se posent sur l'une d'entre elles.
- Andréa ?
Je n'ai pas la certitude que ce soit elle, étant donné qu'elle ne me regarde pas, mais elle lève la tête de son entrée, et le regard qui m'est adressé me glace le sang. Je me fige, sous l'effet du choc.
- Si, elle l'est. (Andréa parle à ses amies en carton avant qu'elle ne se tourne vers moi.) Tu n'as pas ta place ici, Éléanore.
Je ne capte pas ce qu'il se passe, à tel point que mon coeur s'est arrêté de battre. Comment est-ce que celle qui a été ma plus grande amie pendant de longues années peut me dire ceci ?
- Tu ne l'as pas entendu, ou quoi ? me lance Pénélope qui me nargue en se mettant à claquer dans ses mains. Dégage de là !
Je garde mon calme, mais la rage est en train de faire sa place dans mon esprit. Sérieusement, pour qui est-ce qu'elle se prend ?
- Tu te permets de me dire ça parce que ton nom est inscrit sur la table ? (Je me baisse en posant la question, afin de voir si il est gravé dans le bois.) Pardon, mais il n'y est pas noté.
Je me sers de l'une des armes que je préfère, il s'agit de mon sarcasme. Je choisis de résister pour ne pas me faire écraser devant les garces qui sont en face de moi. Le refus du choix que ces dernières ont fait à mon égard est une question de fierté, mais il n'est pas envisageable que je mange à la table où elles se trouvent.
- Arrête, me crache-t-elle. Tu ne sais pas ce que tu es en train de faire. (Je place les mains sur le creux de mes hanches, et Pénélope se met à rire de toutes ses dents.) Tu n'en as pas les moyens, alors ne fais pas la belle.
Je me tétanise, et ce n'est que la haine que je garde en moi qui engendre les goûtes qui se mêlent à la couleur de mes yeux. Je crois que le pire est le fait que Andréa ne dise pas un mot.
- Bordel ! explosé-je. Qu'est-ce que tu me veux, à la fin ? Tu cherches à me dire que tu es mieux que moi, en fait ?
Je n'en ai rien à faire que mon pétage de cable ait suscité la curiosité, ainsi que les regards de certains.
- Tu vois que tu n'es pas aussi conne que tu en as l'air ! s'écrie-t-elle, puis elle insiste sur tous les mots qu'elle me sort. Tu n'es pas de taille, chérie.
À cet instant là, celle qui était mon amie lève de nouveau la tête dans ma direction et elle met ses coudes autour de son plateau. Je me prépare à ce qu'elle ouvre la bouche pour me soutenir, ce qui est loin de la réalité.
- Oui, elle n'a pas tort ! me dit-elle, et le comble de tout est qu'elle me lâche une sorte de menace. Va-t'en avant que l'on ne s'énerve contre toi.
Je serre les poings, excédée de son comportement. Les ongles de mes doigts se plantent dans la graisse de ma paume tandis que la rancoeur se propage dans mes veines. Il s'agit de la blague du siècle, n'est-ce pas ? Andréa ne prend même pas ma défense, mais ce n'est pas ce qui me fait du mal. Il s'avère que celle-là me blesse en faisant le contraire de ce que ma naïveté a osé prévoir en ce qui la concerne.
- Tu es une de ces... bredouillé-je, puis je me reprends. Je te jure que tu me...
Tout de suite, il se trouve que je suis en ébullition de l'intérieur. Je tente du mieux que je le peux de prendre sur moi en me passant la main dans les cheveux. Accablée par ce qu'il se passe dans ma tête, je ne réussis pas à lui dire ce que je pense malgré le fait que le temps est venu de le faire.
- Éla ! (Le cri de Simon est un choc. Il m'arrête dans mon élan qui consistait à cracher des méchancetés au visage de Andréa.) Viens, si tu veux ! Il y a de la place à la table !
Je me plonge dans les yeux de Simon, saisie par ce qu'il est en train de faire dans mon intérêt. Les paroles qu'il me lance à travers la cantine ne sont pas discrètes, ce qui attire tous les regards des étudiants. Il est clair que ça ne m'est pas égal, mais la réalité est que ça ne me dérange pas, étant donné que ça m'apaise. Libérée de mes chaînes, je me retiens de fondre en larmes au milieu de tout le monde.
"Merci" est ce que je déclare avec mes lèvres à Simon. Je vois que le signe qu'il me fait n'est pas capté par les autres, mais je sais qu'il me répond dès qu'il hoche la tête. Ensuite, il se tourne, et se penche vers une Izzie en colère pour lui dire un truc à l'oreille. Je constate qu'il lâche son bras, mais je ne sais pas pourquoi est-ce qu'il le tenait dans sa main. Étonnamment, elle se lève de sa chaise et elle vient à moi.
- Respire ! me conseille-t-elle, la main sur mon épaule. Grouille-toi de me suivre, avant que je ne déclenche une engueulade pour la seconde fois en l'espace de vingt-quatre heures.
Je ne suis pas en mesure de le faire, étant donné que je tremble. Là, elle m'épate en se chargeant de mes affaires. Je choisis de suivre celle qui me sourit, mais je fais en sorte de connaître la réaction de Andréa et de Pénélope qui sont en face de la scène. L'une est sur les fesses, alors que la suivante est très énervée par le revers de la médaille.
- Pénélope, un conseil pour toi ! lui dit Izzie, un rictus qui se forme à ses lèvres tandis qu'elle marche dans la cantine. Ne fronce plus les sourcils, parce que tu auras des rides avant la trentaine si tu continues ainsi !
Les rires de tous les élèves qui se trouvent dans la salle se joignent à mes oreilles. Aussitôt, il se produit un truc que je n'aurais pas imaginé une minute plus tôt. Un sourire qui éclaire les traits de mon visage alors que mon cerveau ne voit que les acolytes qui ont été mes boucliers.
Merci, Simon et Izzie, pensé-je en silence, parce que malgré ce qu'on dit, vous n'êtes pas si méchants que ça, tous les deux.
*****
Qu'est-ce que vous pensez de la scène ? Celle-ci est triste et heureuse à la fois, non ?
Si avec ça, vous ne vous défoulez pas sur les commentaires, je ne sais pas ce qu'il vous faut !
Demain, je vais au spectacle Tout Est Possible de Kev Adams et Gad Elmaleh. J'ai trop hâte 😂
Charleen,
XO
💋
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