Chapitre 14 • Trahison

- Andréa est en train de devenir amie avec Pénélope. (Je secoue la tête, dégoûtée.) Non mais tu arrives à y croire toi, franchement ?

À l'entente de mon interrogation, Charlie détourne ses yeux des miens pour les poser sur sa trousse. Au début, je me dis qu'elle est aussi dépitée que moi par cette nouvelle mais elle reste bloquée sur son bureau un trop long moment pour qu'il ne s'agisse que de ça. À l'évidence, il y a autre chose. Et cette autre chose, mon amie sait qu'elle ne va pas me plaire, c'est pourquoi elle n'ose pas affronter mon regard.

- Qu'est-ce que tu me cache, Charlie ? la questionné-je, déroutée par sa réaction.

L'intonation de ma voix, plus rude que je ne le souhaitais, la pousse à relever les yeux vers moi.

Pendant les quelques secondes au cours desquelles on se toise fixement, je vois sur son visage qu'elle essaie de trouver une sortie à cette impasse.

- Rien, me répond-elle fébrilement, sachant d'avance que ça ne me satisfera pas.

Je lui adresse un regard courroucé qui parvient à la faire hésiter, jusqu'à ce que, finalement, elle se reprenne.

- Rien d'important du moins.

Je m'attends à ce qu'elle continue et m'avoue toute la vérité mais elle ne dit rien de plus, apparemment décidée à me faire patienter.

- Si ce n'est "rien d'important", tu peux me le dire, non ?

Je mime les guillemets avec mes doigts en répétant ses mots. La rouquine se contente de tourner la tête de droite à gauche, se gardant d'ajouter quoi que ce soit.

Je sais qu'elle fait partie des rares personnes dignes de confiance existant encore sur cette planète, et même si j'en suis habituellement contente, aujourd'hui sa loyauté sans failles me donne envie de l'étrangler.

- Tu étais au courant, n'est ce pas ? demandé-je, me rendant à l'évidence.

Comme je le présageais, la réponse est positive. Elle murmure un faible "oui", légèrement honteuse.

- Depuis quand ? Et pourquoi ne m'as tu rien dit ? m'empressé-je, sans obtenir de résultats.

Je ne sais plus quoi faire mais, une chose est sûre, si elle ne me dit pas tout immédiatement, je vais perdre patience. Encore plus que ce n'est déjà le cas actuellement, si c'est possible.

- Bon sang Charlie, crache le morceau !

Je suis excédée par cet inversement des rôles que l'on tenait il y a tout juste dix minutes. Me constatant énervée, impatiente, mais surtout profondément affectée par cette histoire concertant ma meilleure amie depuis plusieurs années, elle prend la décision de me révéler ce qu'elle sait.

- Vendredi soir, quand on est allées toutes les trois chez Jay, j'ai entendu Andréa parler brièvement à Pénélope, finit-elle par chuchoter.

- Vendredi soir ? répété-je, médusée.

Je savais qu'elles avaient déjà discuté ensemble mais je croyais que ce n'était arrivé qu'une fois, celle où Izzie les avait grillé, hier matin.

- Ce n'est pas possible, on est restées avec elle toute la soirée. (J'essaie de me souvenir de quand ce n'était peut-être pas le cas.) Sauf quand je vous ai perdu mais toi, tu étais là. Et quand elle flirtait avec Jay, bien-sûr, mais elle était trop occupée à lui nettoyer la bouche pour avoir une conversation avec Pénélope.

- Tu oublies que tu as également passé plusieurs minutes dans une piscine. (Mon amie me rappelle avec un sourire taquin, puis elle continue.) Avec Simon.

Mes joues virent au rouge quand les souvenirs de ce moment me reviennent en mémoire.

Oh que non, je suis loin d'avoir oublié... Tu peux me croire, déclaré-je silencieusement.

- Alors c'est à cet instant là que ça c'est passé ? (Je me reconcentre sur l'essentiel et elle hoche la tête.) Qu'est ce qu'elles se sont dit ?

Une nouvelle fois, le regard de ma camarade de classe se détourne du mien.

- On s'en fiche un peu de savoir ça, non ? Après tout, ce n'est pas... (Les éclairs que lui lancent mes yeux l'arrête net.) Honnêtement Éla, je ne pense pas que tu veuilles le savoir.

Sa voix et sa mine attristées parviennent à me faire douter, mais pas assez pour que j'abandonne.

- Si, je veux le savoir, et tant pis si je le regrette après, lui affirmé-je, décidée à la faire parler une bonne fois pour toutes.

- Tu l'auras voulu, se résout-elle enfin. Dès que Simon t'as embarqué sur son épaule, on s'est tous arrêtés de jouer. D'ailleurs, j'ai trouvé ça étrange que ses amis se lèvent et nous incitent à faire pareil. C'est vrai quoi, on aurait dit que puisque lui n'était plus là, continuer le jeu était impensable. (Je lui lance un regard signifiant "Vas droit au but" et elle s'exécute.) Bref, on est restés debout en vous attendant et tout le monde s'est mis à parler dans son coin. C'est à ce moment là que, contre toutes attentes, Pénéloppe a interpellé Andréa. Je n'étais pas près d'elles parce que Jay s'amusait à raconter des blagues mais j'ai quand même tendu l'oreille pour les écouter.

- Continue ! m'écrié-je lorsqu'elle se tait au beau milieu de son récit, croyant pouvoir m'épargner la suite.

- Mademoiselle Rhodes, la récréation est dans moins de 15 minutes. Est-ce trop vous demander d'attendre jusque là pour échanger des commérages ? m'interroge notre professeur d'histoire, les sourcils haussés.

- Non, monsieur, lui assuré-je, faisant profil bas pour pouvoir tranquillement reprendre ma discussion par la suite.

Il retourne à ses occupations, c'est à dire gribouiller des dates indéchiffrables au tableau, et je me retourne aussitôt vers Charlie.

- Vas-y, l'invité-je à poursuivre, tout bas cette fois.

- Je te raconterai le reste plus tard. Je n'ai pas envie d'être de nouveau engueulée.

Si tu penses pouvoir t'en tirer comme ça, c'est que tu me connais mal, pensé-je.

- Non, fais le maintenant. (J'adopte une moue suppliante qui la fait rouler des yeux.) S'il te plaît.

- Je te préviens que si je suis collée, je te dénonce, me menace-telle en me pointant du doigt.

- Aucun enseignant n'osera jamais coller la brillante Charlie Richards !

Je lui fais un clin d'œil et les coins de ses lèvres se soulèvent.

- Tu sais y faire, hein ? me lance-t-elle, amusée, avant de soudainement arborer une expression grave. Alors voilà, Pénéloppe a demandé à Andréa si elle était amie avec celle qui a, je cite: "réagit comme une fillette". Je suis parvenue à entendre Andréa lui répondre que non, du moins pas plus que ça, et qu'elle te parlais seulement de temps en temps. Ça m'a réellement choqué mais j'ai choisis de faire comme si de rien n'était. (La rousse m'adresse un sourire sincèrement désolé.) Ensuite, cette satanée Pénélope lui a dit quelque chose comme quoi, du coup, elle allait pouvoir l'aider.

En fin de compte, Charlie avait peut-être raison de vouloir me préserver de cette réalité, tant elle est blessante à apprendre. Je suis peinée mais surtout consternée d'entendre que ma soi-disant meilleure amie prétend ne pas être proche de moi.

Cet acte est détestable. Ou plutôt, elle est détestable.

Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est pourquoi elle lui a répondu une telle absurdité. Ruiner une amitié avec pour seul et unique but celui d'obtenir les bonnes grâces d'une ordure comme Pénélope Parks est tout bonnement incompréhensible.

Charlie m'avait pourtant mise en garde et je m'attendais donc à un agissement sale de la part d'Andréa, mais ça, ça va au delà de ce que j'avais imaginé. C'est carrément tordu.

- Éléanore ? Ça va ?

J'entends la voix fluette de mon amie essayer de me ramener sur Terre mais je n'y arrive pas, perdue dans mes pensées démoralisantes, jusqu'à ce que je sente sa petite main se poser sur la mienne.

- Oui, ça va. (Je secoue la tête pour revenir à la réalité.) Enfin, aussi bien que ça puisse aller quand on t'informe de ce genre de chose, ajouté-je, mon sarcasme n'étant pas perdu pour autant.

- Je suis vraiment désolée. Je savais que j'aurais dû garder ça pour moi, grogne-t-elle.

- Non, absolument pas. Je préfère connaître une vérité qui fait mal plutôt que d'entendre un mensonge qui me fait plaisir, tu le sais.

Je ressasse ses paroles et, brusquement, une information que ma désolation avait occulté remonte à la surface.

- L'aider ? Comment ça ? l'interrogé-je, n'ayant aucune idée de ce que ça peut vouloir signifier.

- Je ne sais pas du tout. (Elle hausse les épaules.) Tu es revenue parmi nous juste après qu'elle ait dit ça.

Je me creuse alors la tête, cherchant un quelconque sens à cette phrase. Au bout de plusieurs minutes de recherche sans résultat, Charlie dévie la conversation.

- Du coup, tu vas faire comment ce midi étant donné que tu es censée manger avec elle à la cantine ?

- Je n'y avais même pas songé, avoué-je. Dans un premier temps, j'aimerais qu'on passe la récré toutes les deux dans un coin du bâtiment. Ça ne te gêne pas ?

- Non, ne t'en fais pas, accepte-t-elle.

- Merci. (Je lui souris, reconnaissante.) Pour ce qui est du déjeuner, je vais sûrement faire comme si de rien n'était vu que je ne devrais pas être au courant de ses petites manigances. D'ici là, la pilule sera peut-être déjà un peu passée, qui sait.

- Donc tu lui pardonne ? me questionne Charlie, m'horripilant.

- Non ! Bien-sûr que non ! Je veux simplement étudier son comportement avec moi, noter des choses inhabituelles ou encore repérer des signes qui la trahissent.

- D'accord. (Elle acquiesce à de nombreuses reprises avant d'énoncer sa conclusion.) Tu vas mener ta petite enquête, quoi.

- Exactement.

*****

On est mercredi mais j'ai terminé le chapitre en avance. Je ne voulais pas vous faire attendre jusqu'à vendredi.

La dernière épreuve du baccalauréat s'est déroulée aujourd'hui. Les vacances sont arrivées, alors on va profiter de l'été comme il se doit ☀️

Comment se sont passés vos examens si vous en avez eu et qu'est-ce que vous pensez des agissements d'Andréa ?

Charleen,
XO
💋

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