Chapitre 3
Résumé des chapitres précédents
Eden est perdu, il a quitté l'hôpital mystérieusement et le voilà débarqué sur le bateau du roman qu'il lisait. Il réalise qu'il s'est incrusté dans l'histoire. Il décide d'en profiter tant qu'il peut. Lui qui vit simplement à Paris se retrouve invité dans un paquebot de luxe sur une autre planète. Il n'a jamais eu d'aventure, alors il apprécie cette incroyable escapade.
Miller, le grand détective est étrangement amical et c'est tout bonus pour lui qui est gay et secrètement amoureux de lui.
Personnages principaux
Eden Lanala
Hans Miller, le célèbre détective
Personnages secondaires
Capitaine Mareti
Le nom du navire : Mercurial Millenium
***
Eden
Le temps qu'il me reste à passer dans ce rêve est compté et une petite pointe d'inquiétude me tenaille, j'ai forcément eu de la visite dans ma chambre d'hôpital.
Qu'a trouvé l'infirmière ?
Oh et puis après tout, autant en profiter. Je tapote la carte de crédit dans ma poche, pendant que le capitaine a pris ma place à côté de Miller qui grimace.
Je dois me faire des illusions, car entre le gringalet en survêtement et le superbe homme en uniforme, il serait fou de me choisir.
─ Attends, je ne t'ai pas dit comment retrouver la suite, m'interpelle-t-il.
─ Pas de difficulté ! C'est un bateau et j'avais une cabine moi aussi. Je connais l'endroit comme ma poche.
Ses yeux se plissent d'amusement, comme s'il avait grillé mon mensonge.
En plus toujours pas fatigué ! je pète la forme !
Je tourne en rond un moment avant de trouver les boutiques, je n'imaginais pas qu'un bateau puisse être si grand. C'est ma première croisière et je n'avais pas pris de vacances depuis plus de dix ans.
Quel luxe ! Ils ont reconstitué une rue et ses boutiques anciennes, dans laquelle des badauds se baladent. Une des vitrines, décorée de bois noir, propose des articles de sports et l'autre est plus old school avec des boiseries anciennes, sans doute plus chère. Après tout, c'est pour de faux et sans conséquence. Moi qui économise chaque sou, je vais me faire plaisir à faire du shopping.
Il me faut déjà.
Normalement je ne reste pas dans ce monde, mais pour m'amuser j'ai choisi un jeans, un pantalon cargo beige, quelques tee-shirts, un pull.
─ Et un maillot de bain ? Suggère le vendeur qui doit songer à sa commission.
─ Le plus long possible sur les jambes, si possible sous les genoux ?
─ Nous devons avoir un modèle qui devrait convenir. Je peux vous proposer des shorts ? une tenue de tennis ?
Le vendeur se frotte les mains.
─ Ah non pas possible.
Je n'ose demander le prix de tous ses achats en sortant la carte, hésitant.
─ Si vous n'avez pas de manteau et prévoyez une sortie, nous avons une veste idéale, kaki et dans des matériaux issus des dernières technologies. Les matinées et les soirées sont fraiches au printemps sur Centoria.
Au printemps, tiens comme dans le monde réel. Marrant ou étrange.
─ Je la prends !
─ Bien, monsieur. Nous allons faire livrer vos achats dans votre cabine. Passez dans l'autre boutique pour prendre un costume.
Je n'insiste pas, la vie dans un roman est si facile ! Bordel. Je ne veux plus me réveiller.
Le vendeur souriant m'escorte d'ailleurs jusqu'à la sortie et me dirige adroitement dans l'antre de son complice.
─ Pouvez-vous me dire comment me rendre à la cabine vingt ensuite ?
─ La SUITE vingt ! corrige le jeune homme, offensé que j'aie osé rabaisser le standing de l'endroit. Prenez l'ascenseur devant vous et vous irez au dixième étage. La suite sera sur votre gauche.
Un gros homme débonnaire m'attend déjà, c'est un traquenard.
L'auteure met toujours beaucoup de détail vestimentaire et ils ont sans doute consigne de bien vêtir les personnages.
Je me promène dans la boutique et admire des rangées de pulls chers, avant de me laisser tenter. Le vendeur m'a sélectionné un costume bleu marine, assez classique et une chemise pour les diners à bord. Franchement à côté, il y a le rouge, qui est bien mieux.
─ Prenez les deux, insiste l'employé qui a remarqué mon regard de convoitise.
Après tout, on est dans un roman, alors quelle importance ?
La porte d'une des cabines d'essayage s'ouvre sur un homme qui essaye une tenue de safari kaki.
Dans le monde réel, les gens prennent leur précaution et achètent leurs affaires avant de voyager. Ici, ils viennent les mains dans les poches, comme moi, j'adore !
En s'admirant dans la glace, il se plaint que des disparitions mystérieuses d'oiseaux ont lieu en ce moment dans les montagnes de Centoria.
─ Que voulez-vous dire ?
─ Permettez-moi de me présenter, professeur Léonard, j'étudie la biodiversité de cette planète, je serai votre guide pendant la croisière. Centoria n'a pas livré tous ses secrets et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Je hoche la tête, me demandant s'il délivre un message caché de la part de l'auteure ?
Il a l'allure qu'on attend d'un professeur : bedonnant, la soixantaine sportive, des cheveux et une barbe grise. Ses yeux sont malicieux derrière des lunettes. Je ne dois pas oublier que je suis dans un roman policier et qu'il y a un méchant. Surtout cette écrivaine choisit souvent le personnage le moins probable. C'est peut-être lui le coupable !
Je prends la carte qu'il me tend, elle est cartonnée, luxueuse et indique que le professeur est membre honoraire du comité des sciences de Lausanne et expert biologiste à la faculté des sciences de Londres.
─ Quelles espèces ?
─ Des Reffes, les plus rares ceux qui racontent les légendes de l'ile. Et vous êtes ?
─ Un touriste passionné d'oiseau.
─ Je vous recommande mon livre sur la faune et la flore que vous trouverez sur cette planète, peut-être l'avez-vous déjà lu ? Et j'ai aussi écrit un ouvrage sur les légendes de Centoria. Je me suis installé à Ivalua.
─ Ivalua ?
─ La capitale et le centre d'accès à la Terre. Je ne vous ai pas vu à l'embarquement c'est curieux, il me semble que je vous aurais remarqué.
J'ai envie de lui demander pourquoi, mais il reprend déjà son monologue sur ses recherches.
─ J'ai pu écouter les Reffes et retranscrire les légendes. Vous ne le croirez pas, mais nous ne sommes pas seuls ici. Je suis persuadé que les carrés existent vraiment ! Je crois d'ailleurs en avoir aperçu un. Bref, vous trouverez des infos dans mon recueil. Par chance, mes livres sont disponibles dans la librairie du paquebot et vous y trouverez aussi les mémoires du Duc.
Il est déterminé à les vendre ses bouquins !
─ Du duc ?
Je songe à un parrain de la mafia ou un truc comme ça.
─ Le Duc Dalagir, celui qui a été tué dans sa propriété sur la planète. C'était un éminent spécialiste.
J'aime bien ce personnage haut en couleur imaginé par Davenport. Parfois on retrouve certains experts scientifiques, d'une histoire à l'autre, la plupart sont des amis fidèles de Miller.
─ Je vais aller à la librairie, dès que j'ai fini ici.
Au moins je rattrape mon retard sur l'histoire avec ce bavard. J'en profite pour satisfaire ma curiosité.
─ Est-ce que vous savez pourquoi la croisière a été maintenu, surtout si deux membres sont morts ?
─ C'est une tradition, avant le conseil d'administration de Zaltair. C'est un hommage aux victimes aussi. La seule chose qu'ils ont fait c'est de séparer les membres en deux groupes et de les mettre sur deux bateaux. Ce n'est pas un secret, il y a de plus en plus d'incidents dans les mines d'exploitation sur cette planète.
─ Ils sont morts comment les deux milliardaires ?
─ Je crois que Stains a été tué sur Terre en septembre. Il vivait dans la Silicon Valley. Un accident, enfin c'est ce que tout le monde croyait. L'IA d'un de ses jeux l'a tué. Quant à Dalagir, il était le seul à vivre sur cette planète. C'était un scientifique averti, un génie fabuleusement riche.
Je ne l'ai jamais rencontré à mon grand regret. Il refusait toutes mes demandes de rendez-vous. Le plus bizarre c'est que personne n'a trouvé son corps, c'est tellement mystérieux.
Il ne me semble pas qu'elle en ait déjà parlé dans ses autres romans.
Je hoche la tête et m'éloigne du professeur bavard qui continue de parler dans le vide.
Le vendeur hoche la tête et fait mine de l'écouter.
─ C'est bon pour mes achats ? Et au passage pouvez-vous me rajouter la même tenue que le professeur. On ne sait jamais, si je dois faire une expédition dans la jungle ?
─ Bien sûr, excellente idée, nous nous occupons de tout.
Magie de l'écriture, des détails pratiques qui prendraient du temps, sont ici réglés en quelques secondes.
Le scientifique prévenant m'escorte jusqu'à la librairie en me faisant un exposé sur la faune locale. Il attrape ses livres et sans me laisser le temps de réagir, me les dédicace. Bon et bien Miller va devoir les payer.
Puisque j'y suis, j'ai pris aussi la biographie de Dalagir et un autre livre sur les mystères de la région d'un certain Ruge sans écouter les palabres du professeur.
─ Ah excusez-moi je dois vous laisser, j'ai un ami qui m'a fait signe. Merci pour toutes vos explications.
Ça fait du bien un peu de silence. Il me saoulait avec ses divagations sur une population locale, même si je n'ai pas écouté grand-chose.
L'heure tourne qui me rapproche de la fin de ce rêve fabuleux. Je dirais qu'en qualité de sensation, si je devais noter ce songe de un à dix, ce serait cent.
Je musarde sur le bateau, admirant la piscine couverte, regrettant de ne pas pouvoir sortir à l'air libre à cause de la tempête.
Soudain, deux hommes en uniformes, trempés, déboulent devant moi et m'expliquent qu'ils font partie de l'équipe d'animation.
─ Laissez-moi deviner ? humm...vous êtes impatient d'admirer les chutes de Niagara 2 ? C'est un voyage de noce ? demande l'un des lieutenants en s'ébrouant.
─ Non pas tout à fait. Je bosse et je suis plus curieux de voir le rocher.
─ Vous ne serez pas déçu par nos excursions. Tout est bien plus grand que sur la Terre.
Je hoche la tête en maugréant, car en réalité l'auteure n'a pas été loin pour imaginer ses principaux sites. Elle a pris quelques endroits sympas de la Terre et hop ils sont sur cette planète aussi. Je souris amusé, comme chaque fois que je débusque ses astuces.
─ Que faites-vous demain, jeune homme ?
─ Heu ! rien de spécial.
Il y a de fortes chances... qu'à cette date, j'ai retrouvé ma vie ordinaire, mon studio et mes séries, loin de ce fabuleux paquebot. Ce sera un vendredi soir tranquille à la maison, chill et j'espère que la nouvelle saison de Grunch-die, la série policière, sera à la hauteur.
─ Pouvez-vous remplacer un des joueurs dans notre tournoi de basket ? Stéphane Lartimer s'était inscrit pour jouer et il n'est plus à bord. C'est incompréhensible d'ailleurs, lui qui avait l'air si emballé à l'idée du tournoi.
Ils se lamentent encore de l'étrange disparition, subtils comme des otaries. Parfois l'auteure est lourde dans ses messages, elle se répète plusieurs fois, au cas où le lecteur débile n'aurait pas compris. Bon, elle compense avec de super histoires, mais bref, elle est lourdingue quand même !
Décidemment Miller va avoir du boulot sur ce bateau.
J'ai cédé et me suis inscrit au tournoi. Ensuite j'ai décidé de me renseigner sur ce Stéphane Lartimer, rêvant de damer le pion à Miller. J'interroge les passagers qui profitent de la piscine couverte, cependant mon cinéma ne dure pas longtemps avant qu'un sale type m'agresse.
─ Pour qui vous vous prenez à poser toutes ces questions ? râle-t-il en m'attrapant par le bras.
Je me décroche difficilement.
─ Je suis l'assistant de Miller, il m'a chargé d'enquêter. Mêlez-vous de vos affaires !
Le gars semble sur le point de s'étouffer.
Il me désigne l'héliport qui surplombe les piscines, un hélicoptère futuriste blanc avec de longues pales transparentes. Il est remarquablement bien imaginé.
─ L'héliport tourne à plein régime. Lartimer a dû repartir sans prévenir personne. C'est aussi simple que ça !
Je fais un signe de tête pour marquer que j'ai compris. Il est curieusement déterminé à ce que je n'enquête pas ce gugusse et dès qu'il s'est éloigné, je repars interroger les passagers qui se prêtent tous au jeu, heureux de me répondre.
Jouer au détective se révèle plus compliqué que je ne l'imaginais. Quand je lis, je devine tout de suite ce qui est important, j'adore essayer de débusquer les coupables tout en relevant les erreurs de l'écrivaine. Là, sur le terrain, la réalité est inattendue et plus compliquée.
Je suis noyé sous les informations et j'ignore si les propos que j'ai recueillis seront dans le livre. Les gens me parlent de trop de choses et la moitié affirme que Lartimer parlait de dévoiler un scoop. L'autre moitié affirme qu'il ne semblait intéressé que par le sport.
Je regrette de ne pas avoir lu son avant-propos, j'ai dû louper des informations importantes.
Je ne sais pas ce qu'il me prend d'enquêter ainsi, tout en bousillant l'histoire. Il va être temps de rejoindre Miller.
Un homme était sur le point de frapper à sa porte quand j'arrive. Tel un diablotin, je rigole sous cape à l'idée d'un coup bas. Et si je brouillais un peu les pistes ?
─ Je peux vous aider ? je suis l'assistant de monsieur Miller ?
Il n'a pas le temps de me répondre que la porte s'ouvre sur le héros, déjouant mes plans. Il me faire signe de rentrer et indique à l'homme qu'il va bientôt la recevoir.
─ C'est vraiment votre assistant ? insiste le curieux.
─ Et oui pas très zélé et maladroit, je n'ai pas choisi au mieux !
Attends, mais je rêve et d'abord on n'a même pas parlé salaire !
Il a l'air de savoir que je comptais lui faire une vacherie, mais comment ?
Je ne suis dans ce monde que depuis deux ou trois heures, je refuse de m'inquiéter pour ma situation à l'hôpital. Les dés sont jetés de toute façon.
Je découvre la suite, décorée avec des boiseries de qualité et des tapis moelleux. Les larges canapés de couleur brique avec une méridienne permettant de s'allonger en admirant le paysage. Nous sommes dans la proue du vaisseau avec une vue panoramique.
J'inspire un grand coup. Les lieux embaument l'air marin, le musc et le tabac.
─ C'est quoi dehors ? Il y a une terrasse ?
Elle a dû le décrire, mais je n'avais pas tilté. Rien ne vaut de le voir en vrai.
─ Il y a une terrasse avec un jacuzzi. Dommage que la tempête fasse rage.
Je m'assois, à côté de lui dans le canapé, cherchant que dire quand soudain ma montre bipe, stridente, indiquant la fin de la dialyse. Je le regarde, pétrifié.
Et merde, déjà !
J'aurais dû tenter ma chance avec ce canon au lieu de perdre mon temps à me balader sur ce rafiot. Désespéré, je suis paralysé, guettant inconsciemment mon transfert dans l'espace ou autre phénomène bizarre, signe de mon départ. Il s'approche au point qu'encore une fois j'ai cru à un baiser. Il attrape mon poignet et éteint la sonnerie criarde d'un geste adroit.
Il me presse l'épaule, me donnant le temps de me ressaisir.
J'aurais forcément dû être réveillé à l'hôpital, même si j'étais endormi.
Est-ce que cela veut dire que je suis mort ou dans le coma ?
─ Tu redoutes quelque chose ?
Je le regarde, réalisant la position étrange dans laquelle je suis et mon attitude qui doit l'être tout autant.
─ J'avais peur que nous soyons séparés, excuse-moi ! Je ne sais pas ce qu'il m'a pris ! J'ai l'impression que je vais pouvoir rester un peu.
Il sourit.
─ J'ai des gens à rencontrer.
─ Si je deviens ton assistant, et mon salaire ?
─ Nous en reparlerons.
Le bateau penche, sans doute, un coup de vent trop violent et on entend des craquements inquiétants.
─ Ce sont des éboulements de terrain et des arbres qui chutent. Eden, j'ai des clients à voir ?
Je hoche la tête et m'installe sur le canapé en soupirant pendant qu'il va ouvrir la porte.
J'aurais peut-être dû y aller, après tout si je suis son assistant ?
Une explosion nous fait sursauter. Ça y est, je suis foutu !
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