Chapitre 2

Résumé des chapitres précédents

Eden est dans une chambre à l'hôpital, branché pour faire sa dialyse, comme tous les deux jours. Il compte lire un nouveau roman de son auteure favorite, avec son héros, un détective surdoué qui a un problème avec l'alcool. Ce dernier roman arrive trois ans après le précédent et il est impatient de renouer avec l'histoire de Miller.

L'histoire se passe sur un paquebot de luxe sur la planète Centoria. D'après le résumé, des documents importants ont été dérobés et plusieurs milliardaires tués. Miller est là pour résoudre les crimes.

Eden regrette que l'auteure dérape dans le surnaturel, lui, il aimait bien quand les romans se passaient dans le monde moderne avec une petite touche de fantasy.

Personnages principaux

Eden Lanala, 24 ans a pour particularité d'avoir un cathéter installé sur l'artère fémorale gauche.

***

Eden

Je suis où ?

Je me frotte les yeux perdus, j'étais pourtant en séance de dialyse, il y a encore quelques instants. Pour preuve, je porte toujours mon survêtement et mon tee-shirt bordeaux, pourtant visiblement j'ai quitté mon lit, sans bien comprendre comment.

Me voilà au milieu d'une salle de réception, si j'en juge aux nombreuses tables parées de nappes blanches, des statues de marbre embellissent les lieux et un piano à queue blanc attend sur une estrade. Le sol de marbre tremble légèrement. Sur les murs, des peintures anciennes comme dans les palais italien. C'est loin de ma chambre d'hôpital avec son sol en lino.

Cette statue voilée, ça me dit quelque chose, je crois qu'on peut la voir à Naples ?

D'immenses baies vitrées permettent d'admirer les nuages sombres et la pluie battante, ainsi que la tête des arbres chahutés, c'est la tempête dehors.

Un tangage léger et un ronronnement de moteur... je suis sur un ...pas possible...quoi ? bateau ou vaisseau, nous sommes dans le ciel et survolons une forêt dense, ...comme je n'en ai jamais vu.

Bordel ! Mais je suis où ?

J'avance, perdu, avant de réaliser, ...dans le ciel... au-dessus des arbres...une tempête, dans un appareil qui vole.

Une bordée de juron me traverse la tête.

J'ai atterri dans le roman de Davenport à tous les coups, putain ! Bordel ! Putain ! Chiotte ! ça semble si réel !

Maintenant, que j'ai situé le lieu, je ne vois que lui : Un homme, vêtu d'une chemise négligemment tombante sur un pantalon clair, fixe fasciné l'extérieur à travers la baie vitrée.

─ Pardon, monsieur, excusez-moi ?

Il se retourne.

Bordel c'est lui ! C'est forcément lui ! Je ne lui rendais pas hommage dans mes fantasmes !

─ Bonjour, je m'appelle Hans Miller.

Je souris, amusé. C'est bien une conversation de roman. Dans la réalité, il ne m'aurait jamais donné son nom d'emblée. Je décide donc, pour le fun, de faire apparaitre le mien dans le bouquin.

─ Je m'appelle Eden Lanala.

─ Enchanté Eden et vous êtes là pour affaire ? Pour faire du tourisme ?

Alors là bonne question ! Ce qui est sûr c'est que si l'auteure me trouve dans son livre, elle va m'arracher les yeux.

Je ne suis pas trop fatigué, pas de malaise en vue. Ma dialyse interrompue ne semble pas me gêner ou plutôt en ce moment même, je dois probablement dormir à l'hôpital.

Je tâte machinalement sur le haut de ma cuisse, là où se trouve mon cathéter, avec ma main à plat et oh, surprise ! je ne sens rien. Impossible de vérifier devant lui.

─ Je... je ...

Merde, je ne sais pas trop quoi dire.

─ Il parait que des cabines ont été inondées sur le côté sud, j'espère que vous n'avez pas été touché ?

─ Si ! Malheureusement ! Me voilà sans cabine. Je me demande si le capitaine a prévu quelque chose pour nous ?

Je me félicite mentalement pour ce coup de bluff. Il me fixe alors que je m'efforce de rester impassible.

─ C'est terrible et j'en suis désolé. Il se trouve que j'ai une grande cabine avec deux chambres. Je peux vous offrir l'hospitalité si...

Je m'empresse d'accepter sa généreuse offre. C'est si facile dans la fiction, et hop incrusté dans la cabine du héros en cinq secondes, sans rien faire !

Il me regarde souriant.

─ Ça vous dit un verre ? Pour le gouter ?

J'ai remarqué qu'Hans boit trop, l'écrivaine doit avoir un problème avec l'alcool.

Je hoche la tête et il me fait signe de le suivre dans une succession de salons élégants du bateau. Nous croisons un couple, puis un employé en uniforme rouge, sans que personne ne s'émeuve de ma présence incongrue.

La temporalité de l'histoire à l'air de suivre celle du temps réel. Nous sommes dans l'après-midi ici aussi. À l'hôpital, une infirmière va me réveiller bientôt, quand elle va m'apporter une collation, elle devrait d'ailleurs déjà être passée pour contrôler les machines et si je vais bien.

Non ! Non ! Non ! Pitié ! Pas maintenant !

Il m'entraine dans un bar cosy avec un grand comptoir lumineux et décoré de bouteilles colorées. Le mur de séparation d'avec un autre salon est en réalité un aquarium géant et un peu partout des fauteuils de velours rouge permettent d'admirer les végétaux extérieurs.

Centoria est vraiment une planète fabuleuse. Les feuilles des arbres semblent plus grandes que des voitures.

Le vent souffle fort, les arbres sont chahutés et les trombes d'eau claquent le long des carreaux. Elle ne fait pas dans la dentelle !

Des serveurs empressés viennent s'enquérir de notre commande. Je choisis un thé au lait et lui un whisky au lait.

Qu'est-ce que je disais !

Soudain je réalise que je n'ai pas mon portefeuille, donc pas de quoi payer. J'allais lui en parler pour m'excuser, quand nous sommes interrompus par une femme qui vient lui proposer de faire un tennis. Il refuse poliment invoquant le fait qu'il est débordé. Elle cédé résignée, mais une autre intervient déjà, pour lui demander de les accompagner pour la grande excursion à la découverte des Ressfrans. Elle aura trop peur s'il ne vient pas.

Quel succès !

Il botte en touche, répond évasivement qu'il fera son maximum.

Comme je n'ai pas encore lu le glossaire des animaux de la planète, je n'ai aucune idée de ce qu'est un Ressfrans. Je n'ai pas non plus étudié le programme de visite de la croisière.

Nous nous installons dans des fauteuils de velours bleu, que je caresse pour en apprécier la texture et vérifier ce rêve. Le tissu est doux sous mes mains et tout semble si réel. Ils n'étaient pas rouges tout à l'heure ? J'ai un doute.

Je n'en reviens toujours pas d'être là !

Nos yeux se croisent et je reviens à des préoccupations plus importantes que la couleur des meubles. Je le trouve chaleureux, amical, tendre ?

Je n'ai toujours pas pu en placer une, déjà un autre passager l'apostrophe pour le féliciter d'avoir stopper le complot de Vienne et récupérer les documents volés. Je suis fier de savoir de quoi il parle, car j'ai lu ce roman, il est vraiment bien.

J'admire mon détective sexy répondre à l'importun, efficace bien que l'autre ne veuille pas le lâcher. Enfin il réussit à l'évincer adroitement.

Mais ... est ce que moi aussi je le colle en ce moment ? Non c'est lui qui m'a invité.

─ Je suis sûr que vous allez résoudre cette affaire Miller et je reste à votre disposition pour que vous m'interrogiez. Je suis un des actionnaires de Zaltair.

─ Je passerai vous voir Monsieur Chopenhauer ! Je suis un de vos fan.

L'autre se rengorge flatté. C'est vrai qu'il est pas mal ce type. Mon beau détective est fort, enfin ce n'est pas très dur, après tout il a juste à parader pendant que l'auteure s'occupe de tout.

Entre ces deux beautés, je fais petit maigrichon ordinaire. Par défi, j'interviens dans la discussion.

─ Mon enquête préférée reste celle des laboratoires Albert, quand Miller a stoppé la famille Ramieri en sauvant tous les habitants de Terrentia. Si on se réfère aux délires de science-fiction de vous savez qui !

Miller me regarde, amusé, alors que l'autre écarquille les yeux.

─ Qui est ce jeune homme ?

─ Eden.

─ Comment peut-il en savoir autant sur votre passé ? C'est juste... incroyable !

─ C'est ...mon assistant.

Allons bon ! Il est gonflé le mec.

Sa jambe se presse la mienne, comme pour s'excuser.

─ Il travaille souvent dans l'ombre, mais j'ai besoin qu'il soit à mes côtés pour cette affaire. En tant qu'artiste vous maitriser parfaitement l'importance des ombres et de la lumière ?

Perso je trouve qu'il dit n'importe quoi, mais je me reconstitue une face sérieuse alors que ses yeux bleus se fixent sur moi hypnotisant.

─ Eden tu reconnais Dodi Chopenhauer ? Le célèbre acteur et scénariste, un des membres du consortium Zaltair.

Ce nom me dit quelque chose, alors je hoche la tête, faisant mine de gérer. Sa jambe reste collée à la mienne.

Je suis toujours en survêtement et ça va faire juste pour trainer dans cette histoire, sans compter que je n'ai ni papier, ni argent.

Le serveur revient et Hans demande de mettre l'addition sur la suite vingt.

─ Si tu as besoin de t'acheter quoi que ce soit, n'hésite pas à indiquer mon numéro de cabine ! Je suppose qu'il te faut des affaires pour te changer ? Les magasins sont au premier niveau.

─ Il n'y a pas de risque de vol, si on indique la chambre d'un autre ?

─ Qui irait voler sur un bateau de luxe ?

Il sourit magnifique, et contre toute attente, s'approche de moi au point que j'ai cru qu'il allait m'embrasser. Il effleure le coin de ma bouche.

Je suppose qu'il ne l'a pas fait exprès, mais c'était très tendre et mon sexe lui a tout compris de travers, il s'est dressé au garde à vous.

Les héros dans les romans font toujours des trucs cools. Pourvu que je puisse m'incruster dans l'histoire encore un peu !

Mon temps est limité, entre une infirmière qui va surement me réveiller à l'hôpital et l'auteure qui dès qu'elle va commencer les corrections, va me repérer et me dégager. Il est silencieux et moi aussi redoutant de dire une bêtise. Il s'est reculé et étudie un document sur sa tablette.

─ Qu'est-ce que tu fais ?

─ Je lis les comptes rendus d'enquête des disparitions sur lesquelles je dois enquêter. C'est fastidieux et pas bien utile. Tu connais la particularité de ces affaires ?

Je secoue la tête.

─ Les deux hommes ont été tués chez eux, trahit par leur IA.

Il grimace, semble affreusement mal soudain. Je me trémousse, penaud, ne sachant que dire pour le consoler.

─ C'est le consortium Zaltair qui t'a engagé ?

─ Oui ce sont les propriétaires actuels de la planète. Un groupe constitué des hommes les plus riches.

Ah voilà c'était le nom qui me parlait tout à l'heure.

─ Donc Dodi Chopenhauer en fait partie ?

─ Oui, quatre membres sont à bord, les autres sont sur un second bateau à quelques encablures, c'est une mesure de précaution.

─ Au fait Miller, quel est le programme de cette croisière, c'est bête, j'ai perdu le mien ?

Il me sort un prospectus de sa poche.

Comme s'il avait ce genre de document sur lui, ben voyons !

─ C'est surtout un parcours de commémoration. Nous irons déposer des gerbes de fleurs sur le mont Abaya, un rocher immense rouge en Nouvelle Australie.

─ Ce rocher il ressemble à Ayers Rock en Australie ?

Il hoche la tête.

─ Il est prévu ensuite une escale pour aller voir les arbres de vie de Peria, les lacs du Kilitang et les chutes du Niagara2. Là-bas aussi des gerbes de fleurs seront lancés en mémoire du duc Dalagir et d'Albert Stains. Tous ces sites sont magnifiques et devraient te plaire.

─ Tu as déjà visité cette planète ?

─ Oui je la connais bien.

C'est une information inédite. Je réalise que j'ignore tout de sa vie en dehors des livres de Davenport. Que fait-il d'ailleurs ?

Le bateau est secoué un peu plus violemment, tandis qu'il réclame un autre verre.

─ La planète devrait te plaire. La faune et la flore sont fabuleuses et ils ont recruté un expert qui vous donnera des conférences. Désolé d'avoir dit que tu étais mon assistant, c'était pour te protéger et couper court aux spéculations, si tu es dans ma cabine les gens vont jaser et après tout, c'est étonnant que tu en saches autant sur mon passé.

Je passe sa remarque sous silence, ne comptant pas m'expliquer, faisant mine d'être fasciné par la tempête dehors.

Il est déjà passé à autre chose. Lui, si perspicace, semble étonnamment aveugle en ce qui me concerne, l'énorme anomalie de son bouquin. Ça fait quand même deux fois que je fais des trucs étonnants sans qu'il réagisse.

Je l'ai regardé moqueur, avant de me laisser envahir par le désir. Nous nous faisons face et dans un état de grâce, je me perds dans ses yeux magnifiques.

Un homme bardé de décoration arrive, sans doute le commandant de bord du bateau. L'autrice mélange allègrement les grades, ça se voit que ses recherches ne sont pas sérieuses. Même moi, qui ai été exempté d'armée, je sais que dix étoiles comme il porte, c'est du grand n'importe quoi !

C'est un de mes regrets de n'avoir même pas pu faire mes classes.

Un de mes romans préférés de la série se passe d'ailleurs dans une caserne, il était lieutenant de réserve. Une intrigue plus sombre et Miller n'a pas pu sauver l'héroïne et il en souffre encore. Si un personnage imaginaire peut vraiment avoir des blessures, heu, pour de vrai.

C'est tellement bizarre que j'en sache autant sur lui.

─ Monsieur Miller, je croyais que vous ne supportiez pas d'être dérangé ? Normalement vous exigez de travailler seul, alors qui est ce jeune homme ?

Merde déjà rattrapé par la patrouille.

─ Mareti, voici Eden. Sa présence est indispensable pour mon enquête.

Il me fait un clin d'œil, étonnamment farceur alors que l'autre devient violacé de jalousie.

Je me retiens de sourire, en redoutant l'intervention de la scribouillarde car je lui change toute son histoire.

C'est vrai que normalement Miller, comme l'a d'ailleurs précisé le marin, travaille en solitaire. Son attitude à mon égard est complètement surréaliste.

─ Je vous laisse, j'ai des courses à faire.

Je viens de me décider à aller profiter des boutiques du bateau.

Un dernier regard me montre le visage adorable de Miller. Si seulement je pouvais ne jamais le quitter.

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