Chapitre 1
Centre de dialyse et de consultation de néphrologie, hôpital Saint Louis, le 14 avril à 13 heures
Cahier de dialyse d'Eden Lanala, 24 ans
Durée prévisionnelle 4 heures
Générateur : H136
Dialyseur : BS1.8U
***
Eden
Et c'est reparti pour un tour !
Allongé, j'ai dégagé mon cathéter, il est implanté dans le haut de ma cuisse et me permettra d'être branché directement à la machine pour nettoyer mon sang.
Je checke que j'ai bien ma carafe d'eau et mon gobelet, mon téléphone, ma liseuse et surtout les chargeurs. Les infirmières détestent être dérangées pour un chargeur oublié.
Le dernier bouquin de Sara K Davenport n'attend que moi. Pour une fois, je ne vais pas m'ennuyer. Je suis un fan et sa nouvelle série avec l'enquêtrice Jo Reynolds est super réussie, cependant les aventures du détective Hans Miller restent mon coup de cœur.
Il réussit toutes ses enquêtes, a toujours plusieurs coups d'avance et découvre la solution bien avant les autres. Il assume sa solitude, le roi de la coolitude. Il est mon fantasme absolu.
Je me prends au jeu d'essayer de résoudre les enquêtes en même temps que lui, cherchant à débusquer les indices laissés pour les lecteurs.
Les enquêtes sont toujours sensationnelles et on voyage : Paris, New York, les iles. Tout ce que j'aime dans une bonne lecture, on n'a pas le temps de s'ennuyer.
Elle ne précise pas si le héros est gay, alors que parfois, je le soupçonne à sa façon d'agir. C'est bizarre, il n'a jamais d'aventure féminine, rien nada ! C'est peut-être pour ça aussi que je suis accro.
Je suis gay moi et ... célibataire. C'est compliqué de rencontrer quelqu'un quand on passe sa vie à l'hôpital. Je fais parfois des matchs sur les réseaux, mais ça se termine en eaux de boudin dès que ma maladie est évoquée. Je ne peux pas le cacher et c'est moche, mes reins se sont arrêtés de fonctionner alors que j'avais quinze ans.
Tu parles d'un manque de bol !
L'infirmière est en retard, alors impatient, je commence le bouquin. Je suis super impatient, ça fait trois ans que j'attendais la suite des aventures de Miller.
L'écrivaine m'énerve, car elle dérive dans le genre policier fantastique et c'est moins sympa. J'ai adoré les premiers volumes ancrés dans la réalité, avec une touche de fantaisie. Le premier se passait d'ailleurs à Paris et il avait juste un téléphone un peu trop perfectionné, équipé d'un laser.
Hans Miller à la rescousse de Centoria.
Encore de la SF ! Où est-ce qu'elle va chercher ces titres !
D'après la quatrième de couverture, des documents importants ont été dérobés et plusieurs milliardaires tués. Miller est appelé à la rescousse par le consortium Zaltair, ceux qui ont acquis cette planète et il a embarqué sur un vaisseau luxueux.
Je passe l'avant-propos interminable, elle en a mis dix pages de blabla, c'est de pire en pire. De toute façon, depuis le temps que je la suis, je sais par cœur ce qu'elle va raconter. Remerciements à la terre entière, y compris ses poules et avertissements à n'en plus finir sur les dangers de ceci et de cela.
Elle propose toujours un glossaire avec son univers et les créatures imaginées, je le feuillète distraitement, mais je préfère le découvrir tranquillement, plutôt que de potasser sa liste barbante.
Le premier chapitre commence fort, elle décrit le vaisseau volant luxueux pourvu de larges baies vitrées permettant d'admirer la végétation luxuriante. Pourquoi la Terre ne lui suffit plus ?
Qu'est-ce que je disais, de plus ne plus de surnaturel ! dommage !
Hans arrive magnifique à l'embarcadère, son costume beige élégant souligne sa silhouette mince. Le croisement de la beauté du nord, avec la puissance viking, comme elle a osé l'écrire.
Toutes les mères le matent pour leurs filles ou pour elles et les hommes sont tous fascinés. Je souris, fier de son succès. J'admire les mots de l'auteur donnant vie à tant de vénusté.
Il me faut malheureusement le quitter, car Sophie, une des infirmières du service, arrive pour me brancher. C'est la plus douce et ma préférée. Elle vérifie mes analyses tout en préparant le matériel. Elle va faire attention en reliant mon corps à la machine, ce n'est pas le cas quand je tombe sur les autres, qui me font mal à chaque fois.
Le choc de sentir le sang en mouvement me fait tressaillir, les poils dressés. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer ! La pompe se met en marche et les tuyaux de la machine se remplissent, pour filtrer les impuretés de mon sang et remplacer mes reins défectueux.
Je suis sur liste d'attente pour les reins mécaniques artificiels, ils coutent une fortune. Je ne peux plus bénéficier d'une greffe humaine, car j'en ai déjà eu une, que mon corps a rejetée.
J'admire mon sang qui circule au rythme du ronronnement des machines, pendant que Sophie me parle un moment de son date avec un Alban. Elle attend des nouvelles et me tiendra au courant tout à l'heure. Elle a d'autres patients à voir, elle me fait un petit signe d'adieu avant de quitter la chambre.
Je retourne à mon roman, découvre la cabine luxueuse du héros. Il s'allonge puis sort son ordinateur pour checker ses mails.
La comparaison avec mes draps jaunes d'hôpital et la desserte sur roulette n'est pas flatteuse.
Je vis par procuration grâce aux livres et aux séries Netflix.
Quand je dis que la maladie m'a mis à l'arrêt, c'est vraiment le cas.
Éternellement épuisé, souvent souffrant, il m'est impossible de travailler et je perçois une pension d'invalidité comme un petit vieux. Mon studio, dont la principale caractéristique est d'être sombre, est en réalité une ancienne loge de gardienne avec une courette privée, aussi grise que ma vie. Je n'ai la place que pour un lit et un ordinateur, une kitchenette en bois démodée et une salle de bain rouge, choisie par la précédente occupante, d'un gout affreux.
Ma vie est naze, vite, je retourne à mon roman et à son héros super cool et incroyablement beau.
Pour ma part, je ne suis pas moche, mince, certains diront maigre, une bouille réussie, enfin je trouve. Le vrai twink, avec des cheveux châtains et des yeux noisette. J'ai une seule devise : ne jamais se mettre en short !
J'ai mis quelques vidéos sur les réseaux et bien elles ont eu pas mal de vues !
Certes, je n'ai pas la beauté fabuleuse du génial Hans Miller avec ses pupilles aussi claires que l'eau des glaciers.
Hammm !
Il a des cheveux blancs un peu long encadre son visage masculin. Je comprends que toutes les femmes le veuillent. Si seulement je n'étais pas malade, s'il n'était pas imaginaire.
Le détective a retiré son costume pour aller à la piscine, je l'adore ! Il a pourtant du boulot qui l'attend, des meurtres à résoudre, mais il ne cède pas à la pression. L'autrice profite de ce passage pour nous dépeindre son corps miam-miam. Trop bien !
Elle s'attarde sur les tablettes de son torse musclé sur le v des hanches qui indiquent un seul endroit ou le regard rêve de se poser. Elle me donne chaud d'un coup.
Elle ne décrit jamais plus bas, malheureusement, aucune idée de comment il est membré.
Je soupire en déviant sur mon sexe, enfoui sous un survêtement gris confortable. Je n'aime pas rester en slip dans cet endroit lugubre. Tant pis si le tissu appuie sur le cathéter.
Mon tee-shirt bordeaux est remonté sur mon torse, car ils m'ont installé un électrocardiogramme pour une énième étude médicale.
Bon sang, mais est ce qu'il est gay ?
Il suffit de le faire baiser, certes la moitié du lectorat sera déçu, mais au moins ce serait clair. Cette auteure est une empotée !
Les protagonistes parlent d'orage à venir sur Centoria, j'adore lire des scènes de tempête confortablement installé dans mon lit. C'est super satisfaisant !
Je regarde par la fenêtre grise de l'hôpital, le ciel bleu de Paris, il fait beau aujourd'hui.
J'ai lu encore un ou deux chapitres, découvrant les lieux, il a interrogé quelques personnes et j'ai pu admirer les fabuleuses piscines, puis il a été déjeuner au restaurant tout en buvant comme un trou.
Il ne connaissait personne, cependant très rapidement il entame la conversation avec ses voisins de table, il est clair que cette planète a une valeur folle et les intérêts sont colossaux.
La vieille fatigue coutumière se fait sentir. Je bois quelques gorgées d'eau et pose ma liseuse pour m'allonger plus confortablement. Mon corps réagit déjà au traitement intensif, me laissant épuisé.
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