Révélations - Partie 2
Le reste de l'après-midi se déroula le plus naturellement possible à l'herboristerie d'Adurna. Eren redoutait la réaction de son père, et vice-versa. Ils faisaient comme si rien d'anormal ne c'était produit, mais chacun savait que l'autre savait. Et c'est avec cette pensée qui l'assaillait que l'adolescent se réfugia dans sa chambre dès que la boutique fût rangée.
Là, il passa un moment à redouter ce que son père lui apprendrait. Avait-ce un rapport avec la Garde ? Les runes qui provoquent un mouvement de recule chez certains clients qu'il accueille, qui les a inscrites sur ces paumes ? Serait-ce un glorieux magicien venu d'une contrée inconnue ? Ou un tatoueur métisse ayant échappé à l'extermination de ses semblables ? Avait-ce un lien avait sa mère ? À cette pensée, l'aspirant druide faillit fondre en larmes. Son esprit analysait des théories invraisemblables que son imaginaire lui fournissait.
Au bout de quelques minutes, il se calma et tenta de réfléchir posément. Ces temps-ci, la Garde de la nuit resserrait sans cesse son emprise sur Adurna et les contrées environnantes. Erwin avait la conviction que les pouvoirs de l'adolescent s'éveillaient, ce qui était tout à fait véridique. Les mixtures qu'il concoctait depuis quelques semaines déjà en étaient la preuve.
De plus, cette voie (ou plutôt cette pensée) qui avait fait irruption dans son esprit montrait que d'autres pouvaient pratiquer la magie. Et tout d'un coup, Eren compris son erreur. Quel imbécile avait-il été de tester des remèdes si efficaces sur un homme mourant ! À présent, tout le monde ne parlait plus que de l'herboristerie d'Adurna. Cette incroyable histoire étais sûrement déjà arrivé aux oreilles des Gardes, et ceux-ci ne tarderont pas à faire le lien entre lui et Erwin !
Quel imprudent avait-il été ! Mais en même temps, aurait-il pu laisser mourir ce vieil homme qui, à présent, irradiait de santé ? Non, sûrement pas. Et puis, à quoi sert un bandage qui nous est interdit de donner à un blessé ? À quoi sert un onguent qu'il nous est défendu d'appliquer sur les blessures d'un être humain ? À quoi servent des pouvoirs pour lesquels on nous condamne au bûcher ? À rien. Si Eren n'avait pas préparé ces cataplasmes, le patient de son père serait sans doute mort. Réconforté par cette idée, Eren descendit mettre la table pour le dîner.
Durant le repas, l'ambiance se fît un peu plus chaleureuse. Ils parlèrent de tout et de rien. De la cueillette de Larmes de Feu qui avait été fructueuse cette année, De Caleb et de Rohen, qui formaient désormais un duo hors-pairs, Et évidemment de leurs nouveaux clients, qui se faisaient de plus en plus nombreux.
De là, ils engagèrent la discussion sur les nouveaux remèdes de Eren, et la mine de l'herboriste s'assombrit.
— Eren, je voudrais te poser une question. Réponds-moi franchement, s'il te plaît. As-tu eu recours au druidisme en les préparant ?
Comment son père pourrait-il connaître ce terme ? La question était si direct qu'elle prît le jeune homme au dépourvu, qui mît un moment à y répondre. Même si, étant un piètre menteur, il ne pouvait que dire la vérité.
— Oui, Papa.
— Et comment t'y est-tu pris ?
Eren fût comme désamorcé, et lui raconta tout. Du vieux livre que Erwin lui avait donné, des lectures qu'il avait engendré, des cataplasmes qui avaient rendu la vie à un homme au seuil de la mort, du transfert d'énergie qu'il avait ressentit lors de la préparation, et de celle de ces autres décoctions. Il parla également de ses « méditation », qui arrachèrent un petit rire de la bouche de son père, qui se voulait l'air sérieux. Divulguer tous ces secrets faisait à l'adolescent un bien fou. C'est comme si on lui retirait une charge qu'il portait sur ses maigres épaules depuis plusieurs semaines.
— Je te remercie de te montrer aussi honnête avec moi, Eren. Tu dois te demander comment je puisse connaître le nom de l'une des trois magies fondamentales.
— Tu as raison, Papa. Ta première question m'a un peu bousculée.
Et, comme l'herboriste affichait ce regard triste et fatigué qu'il n'arborait qu'en parlant de sa défunte femme, Eren sut qu'il allait lui faire une importante révélation la concernant.
— Il est temps que je te raconte les origines de ta mère, Eren.
Bien que préparé à ce moment fatidique, l'adolescent fut parcourut d'émotions assez contradictoires. La peur de connaître une vérité assez horrible pour tordre le visage d'un mort, se mêlait au besoin quasi-vital de découvrir les origines – et au passage les siennes – de la femme si secrète, si protectrice qui l'avait mise au monde.
— Je croyais qu'elle venait d'une famille d'herboristes, et qu'elle t'avait appris le métier.
— Ce n'est pas tout à fait exacte. En réalité, cette famille possédait – et possède encore aujourd'hui – un immense savoir des plantes et de leurs diverses utilisations. Ta mère était l'héritière de ces connaissances. Mais le savoir ne fait pas tout. En effet, les grands-parents de ses grands-parents étaient des métisses qui avaient réchappé aux génocides de leur race. Ta mère possédait donc une plus grande part de sang néandertalien que la moyenne. Un jours, elle m'a même raconté que son père possédait un léger bourrelet au-dessus des yeux.
— C'est donc pour ça que je n'ai jamais rencontré mes grands-parents ?
— C'est pour ça, oui. Comme tu dois t'en douter, ils n'osent pas vivre comme des habitants normaux. Ils n'utilisent que très rarement leurs pouvoirs, d'ailleurs. Et je doute qu'ils se l'autorisent souvent, ces temps-ci. Tu n'ignores pas que les arrestations se font sans cesse plus nombreuses.
L'aspirant druide hésita un moment avant de poser sa question.
— Et, de quoi est morte Maman ? Après ce que tu viens de me dire, j'ai l'impression que même sont trépas semble déguisé.
— Tu as de l'intuition, à ce que je vois.
Quelques secondes, qui parurent éternelles, furent nécessaires avant que la réponse soit formulée.
— Comme tu t'en doutes, ta mère n'es pas morte d'une maladie quelconque. Il y a un peu plus d'un ans, ta mère a commencé à faire d'étranges cauchemars. Elle n'a rien voulu me dire, mais ce secret et ces rêves l'affectaient énormément. Tu te souviens qu'elle ne mangeait presque plus, voir quasiment plus. Au bout de deux semaines, elle ne quittait plus son lit. Je ne sais pas quelles pensées la torturaient, mais elle en souffrait tellement qu'elle en hurlait de douleurs, certaines nuits.
— Oui, je me souviens. Je les entendais depuis ma chambre et j'en étais terrifié, parfois.
— Et bien, quels que soient ses troubles, ils eurent rapidement raison d'elle. Peu avant sa mort, elle m'a raconté de terribles choses. Elle m'a dit qu'elle n'avait plus beaucoup de temps, « qu'il » allait bientôt briser sa volonté. Elle m'a ensuite donné le pendentif qu'elle portait toujours sur elle, en me faisant promettre de te le donner le jour où tu serais assez mûr pour entendre ce que je t'ai révélé. Ensuite, elle m'a demandé de lui préparer un poison qui l'achèverait avant la nuit. Son regard était si implorant que je n'ai pas eu le cœur de ne pas le faire.
— Comment ? Tu es l'auteur du meurtre de Maman ? Mais comment as-tu pu ? Et comment un homme comme toi, qui est contre toute forme d'empoisonnements, peut-t-il en connaître la préparation ?
— Pour pouvoir guérir un poison, il faut parfois en connaître les composants. De plus, un poison à petite dose peut devenir un puissant antidote, tout comme une mixture destinée à guérir peut se révéler mortelle, après quelques ajouts.
— Et ce pendentif, comment se fait-il que je ne l'ai jamais vu ?
— Elle le cachait toujours sous ses vêtements, et s'arrangeait pour que personne ne le voit.
Tout en parlant, il sortit de sa poche un magnifique pendentif tenu par une fine corde tressée. Sculpté avec minutie dans le bois, ou distinguait très clairement un arbre aux branches déployées. Il était chaud entre les mains de Eren. Dessus était inscrit deux runes, que Eren reconnu. À force de feuilleter le grimoire confié par le bibliothécaire, il avait appris par cœur la signification d'une partie de ses symboles. L'un, signifiant « vie », étais enlacé entre les hautes branches. L'autre, gravée sur le tronc, pouvait signifier « barrière », ou bien « protection ». Une rune d'énergie, plus petite que les deux autres, était entravée par les racines. Quand Eren eu finit de le contempler, son père repris la parole.
— C'est un sortilège de protection. Garde-le toujours sur toi, et surtout, à l'abri des regards.
— J'ai quelque chose à te dire, Papa.
— Je suis tout ouï.
— Depuis quelques mois, je fais souvent un rêve étrange.
Son père le regarda, non pas avec son expression sérieuse et affligée, mais avec des yeux empreints de peur et de curiosité.
— Dans ce rêve, je suis poursuivit. Je ne sais pas par quoi, mais ma vie en dépend. Je me précipite dans une grotte dans laquelle je trace à la hâte des cercles et des runes. Ensuite, je m'assoit au centre. Au bout d'un moment, je vois une créature monstrueuse, tout droit sortit des contes d'épouvante qu'on raconte aux enfants pour les empêcher de commettre un pêché. Et au moment où elle se jette sur moi, tout disparaît dans une lumière blanche, et je me réveil.
L'homme en face de lui fronçait les sourcils.
— Est-ce que tu peut me décrire cette créature ?
— C'est une abomination, mi-homme mi-loup. Sa fourrure est argentée, et dans ses yeux brille une lueur rouge.
L'herboriste prit un air grave.
— Ça ne peut être que lui.
— Qui donc ?
— L'homme que tu as aperçu dans tes songes, c'est Œil-de-Nuit. Un homme issu d'une autre grande famille, et que les prêtres qualifieraient de démon. Un homme qui a trahi les siens est s'est mit à chasser les gens comme toi et ta mère. Un sorcier à la solde de la Garde de la Nuit.
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