Le grimoire
Une fois revenue à la boutique, le père d'Eren donna à son fils quelques menus travaux, tel que écraser des feuilles particulières et les garder à porté de main, en prévision de la venue d'un vieillard atteint d'une terribles toux, ou encore de préparer des cataplasmes pour un client souffrant d'une maladie des poumons. Et la journée se déroula ainsi, jusqu'à ce que le jeune homme se rappela du service que le mentor de son ami lui avait demandé.
— Papa, il reste des feuilles d'Erisie ? Les rhumatismes de Rohen le reprennent.
— Oui, il y en a encore dans la réserve. Au fait, comment va Caleb ?
— Il va bien, et je trouve qu'il joue mieux que la dernière fois.
— Ah, et dans quel conte a-t-il accompagné son maître, cette fois ?
— La disparition du peuple de Néandertal.
— Ça ne ressemble pas à Rohen de raconter ce genre d'histoires. Tiens, passe-moi ce panier s'il te plaît.
— Ils devaient jouer la formation des différents royaumes. Mais Caleb m'a dit qu'un peut avant le spectacle, un prêtre et des Gardes de la Nuit sont venus lui ordonner de jouer la victoire du Dieu de Bonté sur les Esprits néandertaliens. Ils se sont arrangés sur la victoire de l'Homme moderne sur les chasseurs et les chamans.
— Ce n'était pas très malin de sa part. Surtout part les temps qui courent. Les Gardes de la Nuit négocient rarement avec un simple conteur.
— Ça a un rapport avec les livres de la bibliothèque qui ont été brûlés ?
L'herboriste se tue un instant.
— Je vais chercher des feuilles d'Erisie pour Rohen.
Ainsi mit-il fin à la conversation. Cette dernière intriguait Eren. Il savait bien qu'il ne fallait pas questionner son père quand celui-ci essayait de changer de sujet. Mais quoi que pense le guérisseur de la curiosité de son fils, cette dernière avait le don de le pousser à transgresser de nombreuses règles, et ce jusqu'à ce que sa soif de savoir soit étanchée. L'herboriste en herbes se fit la promesse de chercher – en toute discrétion – ce que lui cachait son père. Une fois la boutique fermée, il irait rendre une visite à Erwin, le bibliothécaire.
Vers la fin de l'après-midi, le fils d'herboriste demanda à ce dernier l'autorisation de rendre visite à Erwin, sous prétexte de prendre de ses nouvelles et de rendre l'herbier qu'il avait emprunté. La bibliothèque se trouvait non loin du centre de la ville, c'était l'un des plus grands bâtiments. L'érudit Erwin y siégeait, pareil à un seigneur régnant sur un domaine de papier et de connaissances. Si tout le monde écoutait ses conseils, chacun serait en mesure de lire, écrire, compter et posséderait un minimum de culture littéraire.
Il était de taille moyenne, possédait une barbe grise qu'il arborait fièrement et ces cheveux étaient coupés courts. Il portait des vêtements propres à la bourgeoisie, un nez imposant et des yeux gris où l'on pouvait observer briller une grande sagesse.
— Sois le bienvenu Eren ! C'est toujours un plaisir de te voir. Tu vas bien ?
Le sage était descendu de l'escalier en colimaçon qui trônait au milieu de la salle aux murs couverts d'étagères remplies de biographies, d'études scientifiques, d'herbiers, de romans chevaleresques et de pièces de théâtre en tout genre. Rangés par catégories, cette endroit était une véritable mine de savoir. Dans un coin siégeait les Saintes Écritures, sur une étagère en meilleur état que les autres.
— Très bien Erwin, merci.
— Qu'est-tu venu chercher ? Une histoire aux courses-poursuites entraînantes ? Les aventures du Chevalier-au-Lion ? Ou bien désirerais-tu un autre herbier ?
La curiosité a toujours été un aspect de Eren qu'il a essayé d'attiser, avec plus ou moins de succès. Il le considérait comme le neveu qu'il n'a jamais eu.
— Justement, je viens vous rendre celui que j'ai emprunté.
Parfois, les ardeurs de l'homme le mettait mal à l'aise.
— Et j'aimerais plutôt savoir pourquoi les Gardes de la Nuit son si strictes en ce moment.
La mine du bibliothécaire se fit sombre.
— Donne-moi cet herbier, que je puisse le ranger. Ensuite, tu me suivras dans mon bureau.
Sans se hâter, il rangea le livre en nota sur une liste qu'il était rendu. Ensuite, il monta l'escalier. Eren le suivit silencieusement. L'étage était tout aussi grand que le rez-de-chaussé, mais était divisé en quatre courts couloirs possédant chacun quatre portes. Les murs, contrairement à en dessous, n'étaient pas recouverts de livres. L'érudit se dirigea vers le couloir qui était face à eux et ouvrit la première porte à gauche. Il y pénétra, secondé par Eren. La pièce dans laquelle ils se trouvaient à présent contenait une armoire et un bureau de bois sombre, sur lequel s'entassaient une pile de livres aux reliures usées et de feuilles. Sur tous les murs trônaient des livres élégants pour l'œil. De chaque coté du bureau se trouvait une chaise. Il s'assit sur celle qui se trouvait dos au mur.
— Assis-toi, mon garçon.
Sa voix avait perdue toute gaieté. Quand le jeune homme fut installé, il se mit à parler.
— Eren. En ce moment, la magie et les Néandertaliens sont des sujets de plus en plus sensibles. Moi-même, comme tu le sais, j'ai eu quelques problèmes récemment. Heureusement, ils ont juste brûlé les livres concernés. J'ai payé une amende en retour et ils m'ont laissé tranquille. Mais pour d'obscures raisons, ils continuent à rôder près de ma bibliothèque.
Additionné au ton d'Erwin, cette déclaration fit froid dans le dos d'Eren. Même s'il soupçonnait quelque chose, que la Garde espionne le bibliothécaire avait quelque chose d'inquiétant.
— Je vais prendre beaucoup de risques en te révélant ce que je vais te dire. Mais vu comme je te connais, ça m'étonnerais que tu ailles le crier sous tous les toits. Je me trompe ?
— Non, Erwin.
— Bien. Et tu sais comme moi que la loi condamnant la pratique de quelconque forme de sorcellerie est plus ancienne que le bâtiment dans lequel nous nous trouvons. C'est pourquoi je te pose cette question, Eren. Est-tu prêt à payer le prix du secret que je vais partager avec toi ?
Évidemment, le bon sens aurait commandé de quitter cette chaise, de saluer l'homme qui se tenait devant lui et de le laisser seul avec le mystère qu'il cachait. Mais sa curiosité était trop forte, et il y avait quelque chose en ce jeune homme, quelque chose qui, endormi au plus profond de son être, se réveilla, et le poussa à répondre, presque d'instinct :
— Oui.
— Tu a l'air bien sur de toi. Bon. Parmi tous les livres que la Garde est venu chercher, il y en a un qu'ils n'ont pas trouvé. Ce livre, je l'ai caché là où ils n'ont pas pensé à chercher.
Au grand étonnement du jeune homme aux yeux verts, il prit un livre sur le dessus de la pile qui se trouvait à coté de lui. Il le tendis à Eren, et dit :
— Depuis que le jour où je t'ai vu, j'ai su que tu avait un don avec la magie. C'est la première chose qu'un maître apprend à son disciple. Ce livre est un recueil des bases de la magie, ainsi que des principales branches dans lesquels elle se divise. Tu en a davantage besoin que moi, et j'ai peur que la Garde de la Nuit mette la main dessus. Prends-en bien soin, je te le donne. Et surtout, n'en parle à personne.
— Je ne sais pas quoi dire, bredouilla Eren.
— Alors, ne dis rien. C'est mieux ainsi.
Puis, retrouvant sa gaieté naturelle :
— Salue ton père de ma part !
Quelques peu troublé, l'apprenti herboriste se redressa, glissa le livre dans sa sacoche, sortit de ce royaume aux senteurs de parchemin, et retourna chez lui.
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