Le jour se lève, je me réveille lentement et jette un œil sur mon portable. Il n'est que six heures du matin. Je souris intérieurement. C'est l'heure à laquelle elle se sauvait de ma chambre pour regagner discrètement la sienne avant que les autres ne se réveillent. Je me retourne et glisse les yeux à mes côtés, Lynn dort comme une marmotte. Je caresse tendrement ses cheveux, ce qui semble ne la gêner nullement. Elle parait heureuse et sa respiration est paisible. Elle a fait plusieurs cauchemars cette nuit. Elle s'est calmée une fois blottie dans mes bras. Je l'attire contre moi, savourant en mémoire notre baiser. Ce fut comme une bouffée d'oxygène. Comme si j'avais retenu ma respiration depuis deux ans. D'ailleurs, je devrais peut-être continuer à la retenir. Elle vient de péter et franchement ça sent vraiment pas bon.

« Purée, qu'est-ce que ça pu ! À croire qu'elle a avalé un égout avant de se coucher ! »

Malgré ce petit défaut, légèrement déplaisant, elle me manquait plus que je ne le pensais. Elle a un sale caractère, jure comme un routier quand elle est en colère et pète en dormant. Mais, je dois admettre qu'elle m'a apporté plus en deux mois que n'importe qui d'autre de mon entourage.

Su-Yeon et moi avons grandi ensemble et nos parents veulent nous marier. Elle avait envie de quitter notre petite ville à Busan et ne voulait aucunement reprendre la blanchisserie de ses parents et devenir la femme du fils de l'épicier. J'ai toujours été amoureux d'elle. Alors quand elle m'a demandé de m'enfuir avec elle pour venir à Séoul, j'ai accepté. Je lui ai promis que je lui ferai avoir la belle vie comme ces stars qu'on voit à la télé. Encore aujourd'hui, mon père ne m'adresse plus la parole. Il ne me pardonne pas d'avoir choisi une autre voie. Alors, je comprends combien Lynn a dû souffrir du rejet de ses parents.

J'ai passé auditions sur auditions, une fois à Séoul. Parfois, je ne mangeais pas durant des jours pour économiser l'argent pour me rendre sur les lieux des épreuves. Su-Yeon a eu plus de chance que moi. Un homme qu'elle fréquentait lui a permis de devenir mannequin. Elle me trompait constamment mais comme elle revenait toujours vers moi, je fermais les yeux. Je la croyais quand elle disait que ces hommes ne lui servaient que de tremplin pour atteindre notre objectif. Et aussi parce que c'était son salaire qui nous faisait vivre en attendant que je réussisse dans ma carrière de chanteur. Bon, j'ai quand même une fierté, je ne voulais pas dépendre d'elle.

Et un jour, j'ai été accepté par la Big Hit qui était une toute jeune entreprise. Je me suis retrouvé à vivre avec six autres jeunes plus âgés que moi. J'avais du mal à m'entendre avec le plus vieux, Jin hyung. Les choses se sont envenimées lorsque le directeur m'a envoyé m'entraîner durant une année, aux states, pour améliorer mes capacités en dance. Durant cette année-là, j'ai appris à travailler en équipe, ce qui a grandement améliorer mes relations avec les autres à mon retour en Corée. Nous nous serrons les coudes et nous communiquons aussi beaucoup pour régler nos problèmes. RM hyung nous disait souvent que puisque nous avons le même objectif et sommes dans la même galère, se serait stupide de notre part de gâcher cette chance en nous chamaillant continuellement. J'ai réussi à gagner leurs respects en me donnant à fond dans tout ce que je faisais. Lorsque je déprimais ou que Su-Yeon me larguait pour la énième fois, RM hyung était toujours là pour me soutenir. J'essayais tout de même de ne pas trop l'embêter avec mes problèmes de cœur.  Et c'est comme ça que j'ai rencontré Lynn. Il m'avait traîné dans un café pour que j'arrête de broyer du noir....

Elle m'a fasciné dès qu'elle y est rentrée. Je l'ai trouvée audacieuse de se comporter ainsi avec un parfait étranger. Et puis par un heureux hasard, elle s'est révélée être une amie de Eun-Jun noona et elle a continué à me provoquer alors même qu'elle m'avait entendu dire a Tae hyung de se méfier d'elle.

J'ai voulu la tester, voir si elle n'avait que de la gueule en lui proposant ce pari érotique. Elle a refusé puis est revenu au milieu de la nuit dans ma chambre me donner un avant-goût de ce que je raterais si je refusais ses deux conditions. 

Après nos amusements, on discutait pendant des heures. J'ai découvert une fille simple qui voulait une vie de famille tranquille dans une petite maison à trente minutes de toutes commodités, de son boulot pour avoir le temps de s'occuper de ses enfants.

 Elle a fait de grandes études juste pour faire plaisir à ses parents qui voulaient qu'elle transforme leur petite épicerie en multinationale.

Elle ne m'a pas traité d'idiot comme le font certaines personnes quand je raconte être devenu chanteur pour tenir ma promesse envers Su-Yeon. Au contraire, elle m'a dit que si cela me rendait heureux, c'est tout ce qui comptait.

Lorsque les autres agences, qui m'avaient rejetées, ont commencé à me faire de l'œil, Su-Yeon voulait que je fasse jouer la concurrence, que je m'en serve pour obtenir un solo. Elle estime que je suis trop talentueux pour continuer en groupe. Les autres ne feront que me ralentir...enfin selon elle.

« C'est p't-être pour ça que les membres ne l'apprécient pas »

Lynn, elle, m'a conseillé de rester fidèle à l'agence qui m'avait donné ma chance malgré mes lacunes dans certains domaines. Elle me citait toujours une de ses phrases du genre « quand t'es sorti du ventre de ta mère, tu t'es mis tout de suite à marcher et à courir ? Non. Tu as du apprendre. T'es tombé, tu t'es relevé pour retomber encore. Tu as persévéré et maintenant à moins d'avoir deux pieds gauches, tu tiens solidement sur tes jambes et tu marches et cours sans tomber. Eh bien le succès, la reconnaissance, c'est pareil. Tu dois persister, améliorer ce qui ne va pas pour l'obtenir et la garder solidement. Tout comme quelqu'un t'as donné la main pour t'aider à marcher, les membres de ton équipe sont là pour t'aider aussi. »

Celle que je préfère, c'est la comparaison avec le corps.

« Vous êtes sept comme les sept parties d'un corps ; la tête, les bras, le buste, le bassin et les jambes. L'un ne va pas sans l'autre. Choisi celle que tu veux être mais sache que s'il en manque une, le corps n'est plus équilibré »

Je me demande où elle les trouve, ses fameuses phrases ? En tout cas, elles tombaient toujours juste. C'était comme si, elle pouvait lire dans mon esprit.

Sans oublier que c'est une affaire au lit. Vu tout ce qu'elle me faisait, je ne pensais pas qu'elle était vierge.

Elle bouge dans son sommeil. Hier soir, j'ai eu envie de lui déballer tout ce que j'avais sur le cœur, mais elle m'aurait éjecté du lit, cette sauvage. La seule fois où je l'ai vu pleurer...enfin, vu ses yeux humides, c'est lorsque je l'ai appelé Su-Yeon après que nous l'ayons fait pour la première fois. Je me sentais tellement bien avec elle, que je lui avais dit la vouloir tout le temps auprès de moi. Je venais d'enfreindre les deux règles de notre contrat en une seule nuit. J'ai eu peur qu'elle mette fin à notre jeu, j'ai fait semblant de la confondre avec Su-Yeon. Elle s'est juste énervée du non-respect des règles et le lendemain, elle a décrété qu'elle arrêtait et m'aiderait à reconquérir Su-Yeon. 

Mais, c'était trop tard, j'étais déjà amoureux d'elle. Je n'ai pas voulu l'admettre sur le coup, mais, je détestais la voir passer du temps avec Taehyung-ssi.

Je ne sais pas qui lui envoie ces messages ni ce que cette personne a pu lui dire. Mais une chose est sûre, je vais trouver cette personne et elle passera un sale quart d'heure. Ce sera ma manière de lui présenter mes excuses et la remercier en même temps car, ma carrière ne serait pas là où elle en est, si je n'avais pas suivi ses conseils.

Je lui caresse le visage, je ne veux plus la voir souffrir comme hier soir. C'était trop dur.

J'essaie de prendre son portable pour avoir quelques indices.

« Tiens, elle ne l'a pas verrouillé ! »

Juste au moment où j'ouvre le dernier message reçu d'où apparaissent un couple et deux enfants, le portable sonne et j'ai dû le reposer en vitesse.

Elle cherche à tâtons son phone et l'éteint sans même regarder, puis lève les yeux vers moi.

–Salut !

–S-salut ! B-bien dormi ?

–Je crois, me répond-t-elle perplexe. J'ai mal à la tête. Je suppose que j'ai trop pleuré hier soir.

Je lui effleure le visage, les lèvres. Je sens mon cœur battre la chamade. J'ai envie de l'embrasser, lui dire que je... ! Je me sens rougir jusqu'aux oreilles.

–Non, ne fais pas ça ! m'intime-t-elle.

-Hein ? Quoi ? Ne fais pas quoi ?

–Ce à quoi tu pensais. L'atmosphère vient de changer. Surtout ne le fait pas. Hier soir, je n'ai rien dit, mais comme tu l'as vu, je n'étais pas dans mon état normal.

–Pas dans ton état normal ? Pourtant, je n'ai pas eu l'impression de t'avoir forcé. T'en avais autant envie que moi.

–C'est vrai, je ne vais pas dire le contraire. Mais ce baiser était une erreur. Ça n'aurait jamais dû se produire donc vaut mieux l'oublier.

–C'est-ce que tu comptes faire ?

–C'est déjà fait, dit-elle en se redressant. Enfin, dès que j'en aurais parler à Kenichi.

–Bakanichi ? Pourquoi tu veux lui en parler ?

–Parce qu'une relation amoureuse ne peut pas se baser sur un mensonge. Je tiens vraiment à lui alors je vais le lui dire. J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop.

–Une relation amoureuse ? 

Je manque de m'étouffer. Elle se moque de moi ou quoi ?

–C'est moi qui étais là, pas Bakanichi !

–Parce que les autres te l'ont probablement demandé. Tu ne serais pas venu de ton plein gré.

Elle sort du lit, déclarant qu'elle préparait son départ de chez nous.

« Oh, cette fille est en train de rendre dingue !»