Les concerts ont eu lieu vendredi et samedi. Je n'ai assisté à aucun. J'ai traîné tout le week-end chez moi, le cœur lourd. Je ne comprends pas pourquoi les gens finissent toujours par me tourner le dos.

« Ah, je déteste le lundi. Déjà tous les magasins sont fermés et je suis sûre de me faire virer. »

Mon boss m'a laissé un message m'ordonnant de venir à son bureau dès mon arrivé...

Je frappe à la porte et mes craintes se confirment. Le PDG est là. Lui qui ne vient presque jamais.

« Là, je suis cuite, pense-je ».

Je m'installe sur le fauteuil que mon boss m'indique et me fait toute petite.

J'entends mon sang bouillir et mon cœur battre dans mes oreilles. Je faisais la fière en disant que je me fichais pas mal d'être virée mais comment je vais payer mes dettes, si cela arrivait ? J'aurais dû restée et ne pas partir comme ça, sur un coup de tête. Je n'ai pas été professionnelle sur ce coup.

Le PDG s'approche et me tend la main. Je le regarde, comme une idiote, ne sachant pas quoi faire. Comme je ne me décide pas, il prend ma main dans les siennes et la secoue avec un large sourire.

-Bravo ! Franchement, je ne pensais pas que vous réussiriez. Maintenant, la J.C. corp. a signé un contrat de partenariat exclusif avec nous. Tout ça, c'est grâce à votre excellent travail. Allez chercher vos affaires et suivez-moi !

Je lève les yeux vers lui me demandant quel genre de personne vous félicite et vous vire la minute suivante. Je me lève et m'incline face à mes patrons. (Habitude coréenne.)

-Je suis vraiment désolée de vous avoir déçu. Je sais que j'ai manqué de professionnalisme en m'en allant comme je l'ai fait. Je vous prie de m'excuser.

Les deux hommes me regardent bizarrement puis éclatent de rire. Mon directeur me sert ensuite la main et me souhaite bonne chance. Mes collègues, heureux, me disent la même chose.

« Waouh, moi qui pensais avoir gagner un peu leur estime. Ils sont heureux d'être débarrassés de moi, à ce que je vois. »

Je suis le PDG jusqu'à un restaurant chic. Je me dis chouette, en remerciement, il m'a trouvé un boulot de serveuse. C'est pas mal. Tant que je peux payer mes factures. Tout me va.

Un serveur nous conduit à une table. Là, je vois Eun-Jun et son mari qui nous font signe.

« Il veut certainement que je leur présente des excuses, me dis-je. »

Comme à son habitude, mon amie me saute au cou pour me dire bonjour. Puis, elle me chuchote qu'il y eu un mal entendu, que je ne suis qu'une tête de mule paranoïaque.

Manager Kang nous raconte qu'ils voudraient profiter de leur passage à Paris pour faire leur lune de miel. Il leur faut trouver un remplaçant pour les trois mois de tournée restants.

-Ok, c'est super mais en quoi ça me concerne ?

-Eh bien, dit Eun-Jun en tapant des mains, nous pensons que tu seras la personne parfaite pour le faire !

-Hein ?... Quoi ?... Co-comment ça ? Parfaite pour quoi ? Je tombe des nues. Si c'est bien ce que j'ai compris, c'est hors de question.

-Mais ma petite chérie, susurre mon amie d'une voix doucereuse, tu n'as pas le choix. Tu as signé un contrat dans lequel tu dis être d'accord.

-Un contrat ? Quel con... ? Ah ok ! réalise-je. Je vois pourquoi il ne voulait pas que je le lise. Alors que c'est lui qui nous répète sans cesse de toujours lire un document avant de signer.

Je saisis le document que le PDG avait sorti de sa mallette. Effectivement, selon les termes, je suis d'accord pour tenir le rôle de manager si toutefois, celui en place ne peut assurer sa mission pour quelque raison que ce soit. "Et moi qui lui faisait confiance."

-Et si je refuses ?

-Non seulement tu seras virée mais tu devras rendre à ton entreprise le montant que notre collaboration aurait généré sur un an.

-Quoi ?

-Regardez, me montre manager Kang, c'est écrit en tout petit, tout en bas.

-Même si tu vivais cent ans, ce ne sera pas suffisant pour rembourser. Alors, que décides-tu ?

-Je ne sais même pas en quoi consiste le boulot d'un manager d'idole !

-T'inquiète. C'est comme faire du baby sitting.

Je traîne mon amie à l'écart et lui crie à quoi elle joue.

-Tu ne penses toute de même pas que le président de la maison de disque va accepter ce genre de chose !?

-Oh, je ne te l'avais pas dit ? Le président...c'est mon père. Non, pour être exacte, c'est moi depuis qu'il a pris sa retraite. Mon père aimait se diversifier. Il possède entre autre des chaines de télévision en plus des magasins.

Je reste bouche bée. Je savais qu'elle était une gosse de riche mais pas à ce point.

-Bon, d'accord...dis-je, perturbée par son annonce. J'aimerais savoir une chose, pourquoi tu fais ça ? À cause de ce que les filles t'ont dit ? Je peux m'en sortir toute seule. Je n'ai pas besoin de ta pitié !

-Tu n'as pas changé, hein !? me dit-elle avec un rictus. Tu n'as besoin de personne ? Pas besoin d'amis, ou d'amour, ou d'enfants ? Ta vie est magnifique comme elle est, n'est-ce pas ?

-Tu n'as aucune idée de ce qu'a été ma vie ces dernières années, alors je t'interdis de me juger. Tout le monde n'a pas besoin d'être en couple ou d'avoir une flopée d'amis, pour être bien. Toi non plus, tu n'as pas changé. Cesse de te mêlé de la vie des autres !

-Inutile de t'énerver. Je voulais juste t'aider.

-Je ne t'ai rien demandé que je sache !

-Tu sais quoi ? Fais comme tu veux ! Mais tu connais les conséquences !

Nous retournons nous asseoir. Eun-jun boude dans son coin. Au bout d'un long silence, je finis par dire :

-Bon, vu que je n'ai pas le choix... Par quoi je commence ?

-Les garçons vont rester encore quelques jours pour se reposer et faire des vidéos de leurs visites pour les fans. Je vous préviendrai quand ils rentreront en Corée.

Ils se lèvent, Eun-Jun me dit au revoir avec effusion et ils s'en allèrent.

Le PDG m'informe que Eun-Jun lui a fourni tout le matériel pour monter une succursale à Séoul. Tant que je serai là-bas, je devrai profiter pour donner un coup de main. Une fois ma mission avec les garçons terminée, je prendrai mon poste, au sein de la nouvelle agence, en tant que directrice adjointe. L'équipe qui a travaillée avec moi pour les concerts viendra me rejoindre quand tout sera fait.

-Alors, qu'est-ce que vous en dîtes ? C'est une super opportunité !

Je fixe un point par-dessus son épaule, aphasique.

-Vous l'avez mérité ! continue-t-il.

-Et si... je n'ai pas envie de vivre à Séoul ?

-Ah bon ? J'avais cru comprendre que vous aimiez cette ville. Puisque vous n'avez aucune attache ici, nous pensions que vous seriez ravie de vous en aller !

"Aucune attache !?"

-L'enquête avant mon embauche venait de vous !? Je vois !

-Notre réputation est basée sur la confiance des clients. Je ne peux pas laisser n'importe qui s'introduire dans nos locaux. Cela peut vous sembler vexant, toutefois la confiance est primordiale dans le monde des affaires.

-Dans la vie de tous les jours aussi, soupire-je. Bon, quand est-ce que je pars.

-Vous êtes d'accord !? A la bonne heure ! Vous partez dans deux jours. Tenez !

Il me tend une carte bancaire et me dit que mon crédit est illimité. Il sait que je suis une jeune femme raisonnable. Il me fait confiance pour ne pas dépenser à tort et à travers.

-Vous aurez besoin de vous loger et du nécessaire pour vivre là-bas. Bonne chance et épatez-nous comme vous savez si bien le faire.

Moi qui n'aime pas dormir avec mes vêtements de la journée, je m'écroule sur mon lit, la tête vide.

J'étais tellement persuadé que j'allais me faire congédier...je ne m'attendais vraiment pas à cela.

"Trois mois... trois mois... avec lui. Mon cœur ne tiendra jamais."

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