Nous rentrons dans le studio, il est encore furieux. Il m'ordonne de me faire toute petite. L'assistante photographe l'alpague aussitôt qu'il a enlevé sa veste. Elle le conduit au maquillage. Il revient une demi-heure plus tard.

Les techniciens courent partout. J'essaie de ne pas trop les gêner quand mon pied se prend dans un câble. Un des appareils photos, sur trépied, bascule, heureusement, un homme le rattrape in extremis. Je vois Jungkook, sourcils froncés, se ramener.

–Idiote ! Tu ne peux pas regarder où tu mets les pieds ?

Je m'apprête à lui mettre les points sur les "i" quand je vois le personnel me fixer avec appréhension. Je me tais pour ne pas envenimer la situation.

Kenichi, le photographe intervient en lui faisant signe de se calmer.

–Excuse-la. Cette tête de linotte remplace Kang hyung pendant sa lune de miel. Je me doutais qu'elle causerait des problèmes.

Kenichi me lance un regard charmeur.

–On peut bien pardonner quelques maladresses à une si jolie jeune femme !

Il me fait un baisemain en me demandant mon nom.

–Lynn. Lynn Walker.

–Vous avez un accent que je connais. Française ?

Je confirme de la tête. Puis, il me dit dans un excellent français qu'il a passé une bonne partie de son enfance à Paris, que sa mère y est originaire.

–Je suis retourné ensuite pour étudier la photographie. Cela ne fait que deux ans que je suis de retour en Corée.

Tout en gardant ma main dans la sienne, il m'examine.

–Je suis presque sûr d'avoir déjà entendu ton prénom. Ce n'est pas très courant par ici. "Lynn ? Lynn ? " dit-il pensif pour ensuite s'exclamer, des yeux illuminés vers Jungkook, « C'est elle ? Celle pour qui tu as app...

Il lui couvre instantanément la bouche et le tire un peu plus loin.

« Hm, ils se connaissent, c'est pour ça qu'il s'est adresse  à lui de façon familière »

–Vous vous connaissez ? demande-je curieuse.

–On se connait depuis le collège.

–Ce ne sont pas ses oignons ! dit-il de nouveau sur les nerfs. On commence ou on parle chiffon ?

Kenichi me fait un sourire à faire fondre la banquise, tapotant avec affection le dos du bouledogue Jungkook.

« Franchement, il n'a pas peur qu'il lui arrache le bras ? pense-je »

Une jeune femme vient le rejoindre. Le shooting commence. Son visage souriant lorsqu'il observe à sa partenaire, est si beau, qu'on dirait une œuvre d'art.

« Ah, qu'est-ce qui me prend ? Je ne dois pas penser à ce crétin ! »

Le shooting terminé, il me dit de rentrer car il va au restaurant avec la jeune femme.  Il lui met une veste sur les épaules. Il part malgré mes protestations. Je l'entends lui dire que je n'étais personne quand elle le questionna sur mon identité.

Honnêtement, j'envie sa façon d'être avec elle. Depuis que lui et moi nous sommes revus, j'ai le droit qu'à la soupe à la grimace.

« Franchement, ça ne va pas de jalouser cette fille ! J'ai vraiment besoin de me détendre »

Le photographe me montre les photos, « il est vraiment photogénique » et planifie une autre séance pour une publicité d'une grande marque de vêtement.

–Bon, dit-il en s'étirant, parlons de choses persos. Tu n'as pas encore manger, je suppose. Ça te dirait de dîner avec moi ce soir ? Nous parlerons de Paris. Elle commence à me manquer, la ville de lumière.

Je suis sur le point de refuser quand je me dis qu'on pourrait avoir besoin de lui dans un avenir proche pour les photos de notre site. Cela fait toujours bien d'avoir un photographe de renom dans ses contacts. J'accepte et nous voilà partis pour un des restaurants les plus chic de Gangnam.

Le serveur nous conduit à notre table. Je ne suis pas habituée à ce genre d'endroit, alors je ne sais pas quoi choisir. Il me demande la permission et passe commande pour nous deux.

Nous discutons de tout et de rien. Principalement de Paris, de ses rues animées, ses festivals, tout en dégustant notre repas...

Je me sens bien. J'ai le sentiment que je peux enfin respirer. J'étais comme oppressée ces derniers temps. Cela me fait un bien fou de rire un peu.

Notre dîner terminé, il me ramène au studio pour récupérer le van.

–Tu veux que je vienne avec toi ?

–Non, c'est gentil, mais ça ira. Merci, j'ai passé un très bon moment.

–Non, merci à toi. Je dîne rarement avec d'aussi belle femme.

–Bonne soirée.

–Toi aussi. Fais attention sur la route.

J'arrive épuisée devant le portail des garçons, je l'ouvre et entre garer la voiture au garage.

Je mets les clés dans la boite à gants et descends.

Je sens quelqu'un m'attraper par le bras et me plaquer contre le mur.

« Tu joues à quoi avec Kenichi ?

–Hein ? De quoi tu parles ?

–Ne fais pas l'innocente ! Je vous ai vu au restaurant. Tu minaudais comme une adolescente à son premier rencard.

« De quoi je me mêle ? Est-ce que j'ai dit quelque chose, moi, quand il est parti avec sa bimbo écervelée ? »

–Ma vie privé ne te concerne pas, Jungkook ! Alors mêle-toi de tes affaires ! 

–Elle me regarde si tu comptes jouer les allumeuses avec mon pote. Ça ne devrait m'étonner qu'à moitié vu que c'est ta façon d'attirer les mecs ! Sache que je ne laisserai pas une fille facile comme toi lui briser le cœur !

J'ignore comment je me suis libérée mais ma main a atterri sur sa figure.

–Espèce de salaud ! Je t'interdis de m'insulter !

Ma voix résonne dans le garage. « Ce n'est pas parce que je t'ai laissé me tripoter quand on était plus jeune que ça te donne le droit de me manquer de respect ! »

Je m'étais contenue jusque-là, mais il est allé trop loin.

–On commet tous des erreurs, lui dis-je en martelant son torse de mon doigt pour accentuer mes phrases, mais ça ne nous enlève pas notre droit au respect pour autant !

–Tu vas me dire que t'as changé ? rit-il avec dédain.

Il reprend ma main et le colle de nouveau au mur. Son regard devient légèrement plus acéré, il lâche un petit rire et me chuchote à l'oreille :

–Je vais te prouver que rien à changer ! Je te remettrai dans mon lit avant la fin des trois mois !

Il me laisse chancelante et retourne dans la maison.

RM s'enquiert de savoir comment je m'en suis sortie. Il lui lance.

–Cette débile a failli casser un appareil photo hors de prix. Je vais me coucher. Bonne nuit hyung.

Il s'installe au bord du lit, songeur. Il se prend la tête dans les mains.

« Il faut que je la fasse dégager au plus vite, sinon je ne tiendrais pas ! »....

*********

Je traîne ma carcasse dans les rues de la ville, le corps brisé par la fatigue mais surtout le cœur alourdi par les tourments de ma vie privé.

–Je ne peux pas continuer comme ça. Je ne tiendrais pas. Je vais finir par le tuer !

J'ouvre ma porte et rampe jusqu'au canapé. Il est 22h donc 15h le même jour en France.

J'appelle mon boss pour décliner son offre et lui quémander d'envoyer une autre personne.

Il me répond que si je faisais cela, il ferais en sorte que je ne puisse plus travailler nulle part dans le pays. Même réplique de Eun-Jun. Elle m'a bredouillé un tas d'excuses incompréhensibles lorsque je lui ai demandé comme se faisait-il que l'ambassade eût déjà préparé tous les documents me permettant de m'établir sur le territoire coréen.

« J'espère que ce n'est pas ce à quoi je pense, qu'elle a derrière la tête !? J'ai plus envie de lui arracher la langue et de le pendre au bout plutôt que de me remettre avec lui »

–Bon, il ne me reste plus qu'à m'acheter une voiture.

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