Séance Psy (1)

PVD LYNN

-C'est notre quatrième séance me dit le docteur Jung, vous ne voulez toujours pas me parler ?

-Quand est ce que je pourrais rentrer chez moi ? J'élude sa question.

-Nous en avons déjà discuté. Nous devons, avant tout, essayer de savoir ce qui vous a poussé à commettre un acte aussi extrême et trouver une solution afin que vous ne recommenciez pas.

« Pourquoi j'ai fait cela ? Je n'en sais rien moi-même. Je ne m'en souviens plus trop bien. Sur le coup, cela m'a semblé la meilleure solution pour endiguer cette douleur atroce qui me brûlait les entrailles. »

Je me recroqueville, les genoux contre ma poitrine, toujours silencieuse. Je fixe la psy qui attend ma réponse. Cependant, rien ne sort de ma bouche.

Je me contente de me perdre dans mes souvenirs.

 Lorsqu'ils m'ont annoncé, la bouche en cœur, que James est en réalité Jimmy, ce gars qui a tenté de me violer il y a quatorze ans, j'ai réussi à maintenir sous scellé l'horreur et le dégoût de cette nuit-là dans ma mémoire.

Cependant, quant Jungkook m'a parlé du bébé et du lien indéfectible qu'il crée entre ses géniteurs, j'ai réalisé alors que j'ai voulu avoir cet enfant avec mon agresseur. J'ai failli avoir sous les yeux, pour les reste de ma vie, le fruit de ma relation avec l'homme responsable de la tournure qu'a pris ma vie.
Même si au final ce n'est pas Jimmy le père, cette pensée me reviendra à chaque fois que je poserai les yeux sur lui. Et sans oublier que Jungkook m'a fait cet enfant sans mon consentement. J'ai l'impression d'avoir été piégée, qu'il m'a mis enceinte afin de me rendre dépendante de lui.
Je me rappelle m'être rendue dans la salle de bain et j'ai aperçu mon visage dans le miroir. Le reflet qui en était apparu était celui de cette vieille mégère qui me servait de mère.

Ces souvenirs jusque là, enfouis dans les abysses de mon subconscient ont soudainement jailli tel un tsunami. J'ai revu comment elle nous maltraitait. Et j'ai eu peur de faire de même à cet enfant.

La voix de cette matrone en colère résonnait dans ma tête. Elle me disait que j'étais sale comme ma mère et que je ne devais pas avoir d'enfants parce qu'ils seront maudits comme moi.
Puis des images de mon passé, mon présent s'étaient mises à défiler dans mon esprit. Le visage de James et de Jimmy s'interchangeait. Celles de Min-Ah en proie avec James, l'abandon des jumeaux et cette tentative de meurtre à laquelle j'ai échappée. Tout ceci s'alternait successivement et à une vitesse folle. Comme un film en avance rapide. Prise dans l'œil de ce cyclone mental, j'ai atterri dans un monde post apocalyptique. Une seule de ces images est restée. Sur cette seule et unique pellicule de ma vie, il est allongé sur le sol froid, la tête en sang, tentant de m'exprimer ses derniers mots. Alors cette Souffrance qui a toujours été à l'affût au fond de mon cœur a pu enfin l'épouser et les fruits de leur union ; Peine et Désespoir ont remplacé mon sang dans mes veines.
Alors, j'ai voulu les ouvrir pour les laisser sortir. 

-Ok ! concède-t-elle en me sortant de mes pensées. Dîtes-moi au moins pourquoi vous pensez être maudite et que vos enfants le sont également par votre faute ?

Qu'est-ce qu'ils sont chiants les psys. Si j'avais envie de répondre à une quelconque question, ne pense-t-elle pas que je l'aurais déjà fait ?

- Je crois que c'est bientôt l'heure de mon échographie, lui dis-je en me levant. Je vais y aller.

J'évite une nouvelle fois sa question sur mon désire ou non de garder le bébé. Elle me stoppe dans ma lancée.

-Au fait j'ai une bonne nouvelle pour vous, puisque vous craignez que votre ex fiancé s'en soit prit à votre fille, nous l'avons fait évaluée par un de nos pedopsychiatre. Rassurez-vous,
selon son comportement lors de cette évaluation, elle n'a manifesté aucun des signes d'un enfant abusé.

-Elle est très jeune, elle peut ne pas avoir compris que c'était quelque chose de mal !? rétorque-je agacée.

-Détrompez-vous. Même si les enfants de cet âge là n'ont pas totalement la notion du danger, une petite zone dans leur cerveau s'allume lorsque quelque chose ne va pas. Sans pourvoir l'expliquer, ils vont adapter leur attitude. Ils seront agressifs et ou méfiants. En plus, vous lui avez indiquer quelques avertissements. Elle a dit à mon amie que personne n'avait le droit de toucher son "petit chat". Pas même vous. Vous lui avez appris comment laver cette partie de son corps avec un gant.

Je suis soulagée mais je n'ai toujours pas envie de lui raconter ma vie.

- Vous ne me laissez pas le choix, m'avertit-elle. Je voulais que vous le fassiez vous de même, mais... Qui est Rayan ?

Je me freeze sur place. Aussitôt prononcé, ce prénom provoque une vague d'émotions en moi. Mon cœur s'emballe. Je sens une chaleur se dégager de mon corps qui se met à me picoter. J'ai une sensation de sueur sur mon front. S'il y a une période de ma vie dont je tente soigneusement d'oublier, c'est celle liée à cette personne. Non que j'en ai honte mais elle est trop douloureuse.

-D'où vous sortez ce nom ? Je suis intriguée qu'elle m' en parle.
Elle m'annonce avoir discuté avec Laurent qui l'a cité sans en dire plus.

-C'est personne. Il n'existe plus. D'ailleurs, j'ai promis à ma mère de ne jamais en parler.

-Pourquoi ?

Je lui répète que je ne veux pas briser ma promesse. En réalité, c'est parce que je sais que j'aurai mal.
Face à son insistance, je lui révèle malgré moi que Rayan et moi projetions de nous enfuir afin de fonder notre propre famille. Malheureusement, il n'a pas pu tenir ses promesses. Nos parents ne m'ont jamais pardonné sa mort.

- Pourquoi ? Vous n'êtes pour rien dans son décès, si ?

Je veux tellement sortir de son bureau que je cherche à lui balancer une information banale, un os à ronger pour qu'elle me fiche la paix. Néanmoins, mon cerveau s'embrouille, je lui en dis plus que je ne le voulais.

- D'après ma mère, c'est à cause de ma malédiction que son fils n'est plus là, avoue-je le cœur meurtri.

-Fils ? Que voulez-vous dire ? Rayan et vous étiez...?

Voilà, j'ai fini par cracher le morceau. L'innomable était sortie. Trop tard pour revenir en arrière

-Oui, Rayan était mon frère et... nous nous aimions.

La porte de la petite salle attenante à son bureau, s'ouvre soudainement en grand. Je vois Jungkook qui se retient à la poignée pour ne pas tomber. Il me regarde les yeux aussi grands que des soucoupes. J'en profite pour fuir dans ma chambre.

Je m'installe sur mon lit m'interrogeant sur la façon dont je vais m'en sortir. Comment puis-je le regarder en face après cet aveu qu'il vient d'entendre ? J'ignore ce qu'il pensera de moi maintenant. Sa voix me surprend. Je me retourne vers la porte, il reste sur le pas. Son regard est fuyant, ses traits, tirés. Il a l'air épuisé.

-Tu manques à Min-Ah. Elle pleure tous les jours demandant après toi. Elle a besoin de sa mère. Je ne sais plus quel mensonge inventer pour justifier ton absence. Je me doute que ça doit être difficile mais essaie d'aller mieux pour elle, sollicite-t-il bienveillant. « Je...tu... il me lance un regard furtif puis baisse de nouveau les yeux, « bref... c'est tout ce que je voulais te dire. Prends soins de toi. »

C'était il y a deux jours. Il n'est pas revenu depuis. Je me demande si c'est dû à ma conversation qu'il a entendu avec la psy. Je ne comprends pas pourquoi cela me dérange tant. Je devrais être contente qu'il ne me saoule plus. Pourtant, il me manque.

Marre d'être entre quatre murs depuis six jours, je me dis que je pourrais me rendre dans la salle commune d'où se déroulent des activités avec des patients de cette unité psychiatrique. Je ne me sens pas à ma place parmi eux mais,  je suppose que certains ont dû passer par la case tentative de suicide comme moi. La psy ouvre la porte de ma chambre en même temps que moi. Elle est gênée et hésitante.

-J-Je...ne sais pas comment vous dire cela, commence-t-elle, votre fille est ici.

-Quoi ? Min-Ah est là ? Mais pourquoi ?

Je m'imagine que son père l'a amené pour qu'elle me rende visite. Façon implicite de me dire que mon enfant doit passer avant mes problèmes.

-Je ne me sens pas capable de la voir mais je peux...

-Non, m'interrompt docteur Jung. Elle... elle est en réanimation. Elle a fait une crise d'asthme aigue.

Mon cœur a cessé de battre. Je manque d'air. Tout semble tourner autour de moi.

-Quoi ? E-en réanimation ? panique-je. Ca veut dire que sa vie est en danger ? Je veux la voir ! Je veux voir ma fille tout de suite ! intime-je au médecin.

Elle me retient et me demande de me calmer.

-Ce ne serait pas bien pour elle de vous voir dans cet état. Cela ne fera que l'angoisser davantage et ne l'aidera pas.

Elle demande à une infirmière de m'apporter un verre d'eau. J'ai les mains qui tremblent tant que j'ai du mal à tenir le verre.
Elle me propose de m'y accompagner.

Quand j'arrive aux urgences pédiatrique, Eun-Jun est en panique. Elle n'arrête pas de s'excuser. Me racontant qu'elle n'a pas su détecter la crise. Elle pensait qu'elle avait juste un rhume car son nez coulait. Je ne sais pas quoi lui répondre. Je suis moi-même perdue et pressée d'avoir des nouvelles de ma fille. Je lui tapote les épaules en signe de compréhension et vais directement voir le pédiatre de Min-Ah.

Il m'explique que mon amie a eu le reflexe de la mettre sous oxygène lorsque la petite a commencé à somnoler et l'a conduite rapidement aux urgences. Ce qui a permis de la prendre en charge à temps. Elle est sous médication et oxygène. Il faudra attendre quatre heures pour voir la réponse aux traitements. Toutefois, il est confiant qu'elle sera transférée assez vite des soins intensifs pour une chambre normale, d'ici vingt-quatre heures.
Je m'écroule de soulagement. Cette psy m'a fait peur pour rien. Elle ne sait pas faire la différence entre réanimation et soins intensifs ? C'est un comble pour un médecin quand même.

Elle m'adresse un sourire en coin suivi un clin d'œil en s'en allant. J'ai la sensation qu'elle testait ma réaction.

Je me tourne vers mon amie qui continue son mea culpa. Je la rassure et lui demande pourquoi elle ne m'a appelé quand elle a vu que la toux ne s'arrêtait pas. Puis, je m'enquiers de savoir où était Jungkook parce qu'il sait normalement détecter les différentes crises de Min-Ah.

- C'est maintenant que tu te soucies d'elle ? s'énerve Jungkook en arrivant derrière moi. Elle ne serait pas en soins intensifs si tu prenais vraiment cas d'elle. Je t'ai dit qu'elle avait besoin de sa mère. Apparemment, c'est le cadet de tes préoccupations.

Eun-Jun lui crie qu'il ne doit pas me dire ce genre de chose.

-Pourquoi ? Parce qu'elle risque encore de tenter de se tuer ? J'en ai marre de ces conneries comme quoi il ne faut pas la brusquer. Tu n'es qu'une égoïste, voilà tout, me dit-il, furieux. Et dire que tu m'as souvent accusé de ce défaut. En fait, t'es pas mieux que moi. Tu as prétendu vouloir mourir pour protéger les enfants mais en réalité tu l'as fait pour toi. Pour te protéger toi ! Tu te fiches pas mal de l'impact qu'aurait eu ton acte sur eux. Après, cela ne devrait pas m'étonner, me toise-t-il narquois, puisque tu ne les as pas conçus avec la bonne personne. Pas vrai ?

- Q-quoi ? Mais non ! Je...

Les bras m'en tombent. Je reste plantée là à le fixer comme une idiote. Je ne sais pas quoi répondre.
Une stagiaire me sauve la mise en venant me dire que je dois retourner dans ma chambre. À mi chemin, je jette un coup d'œil par dessus mon épaule. Jungkook me fusille du regard. Mais ses yeux sont tristes. Je suis hallucinée par son discours.

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